Compte à rebours.

 

La queue pour Les Aventuriers de l'arche perdue était tellement longue que Mary Ann et Brian décidèrent d'abandonner leur projet de sortie cinéma et de retourner regarder la télévision ensemble chez eux.

- De toute façon, je préfère, déclara Mary Ann en sortant son McChicken de son cercueil de polystyrène. Ça fait des siècles que je n'ai pas passé une soirée télé en mangeant des cochonneries.

Brian avala une énorme bouchée de Big Mac, puis il s'essuya les lèvres d'un revers de main.

- En plus, ça n'est pas trop grave pour le budget, dit-il avec un regard espiègle. Mais tu n'as plus à t'inquiéter de ces détails, à présent, n'est-ce pas ?

Mary Ann fronça les sourcils :

- Pourquoi passes-tu ton temps à me casser les pieds avec ça ?

- Pourquoi fais-tu tellement de mystères avec ça, aussi ? À qui veux-tu que j'en parle ? Une vieille peau bourrée de fric et gavée de gin te fait émarger chez elle et voilà que tu te conduis comme s'il fallait que le FBI fasse une enquête sur moi avant que je puisse t'adresser la parole.

- Arrête, Brian. C'est toi qui remets constamment le sujet sur le tapis.

- Donne-moi un indice, alors. Je me tairai.

Mary Ann hésita un instant.

- Si je te le dis...

Brian sourit triomphalement.

- Si je te le dis, Brian, il faut que tu me promettes que ça ne sortira pas d'ici. Je suis sérieuse, Brian. Hyper-sérieuse.

Brian prit un faux air solennel et leva la main droite :

- Je le jure. Sur ma tête.

- Je n'en ai même pas parlé à Michael.

- J'en suis très honoré, dit Brian en s'inclinant.

- DeDe est de retour chez elle, avoua Mary Ann.

- Attends, là...

- Oui. La fille de Mme Halcyon. Celle qui avait disparu au Guyana.

- Putain de merde ! s'exclama Brian après un sifflement.

- Elle était à Cuba depuis deux ans et demi.

- Et... comment s'appelle-t-elle, déjà ? Je veux dire : l'ancienne copine de Mona ?

- D'orothea. Elles vivaient ensemble, oui... Avec les jumeaux que DeDe a eus du livreur chinois du Jiffy's. D'orothea est encore à Cuba. DeDe se cache chez sa mère, en ce moment. C'est Mme Halcyon qui m'a engagée pour m'occuper de la presse quand DeDe annoncera la nouvelle.

Brian plissa le front :

- Et quand est-ce qu'elle compte l'annoncer ? Ça fait des semaines, depuis ta première visite à Hillsborough. Pourquoi n'a-t-elle encore rien dit ? Pourquoi se cache-t-elle ?

- C'est ce qui me laisse perplexe. Elle prétend qu'elle veut parler à des membres du Temple pour savoir quelque chose. Elle n'a pas encore voulu me dire quoi.

Les lèvres de Brian esquissèrent un sourire sardonique.

- Elle cherche sûrement un bon éditeur. La moitié des rescapés de Jonestown écrivent leur bouquin.

Mary Ann secoua la tête.

- C'est beaucoup plus sérieux que ça, insista-t-elle. D'autre part, c'est moi qui écrirai le livre, le moment venu.

- Très bien.

- Sauf que je ne sais pas ce que j'écrirai.

- C'est moins bien.

- M'en parle pas ! Il y a quelque chose d'énorme qui me reste caché, Brian... Quelque chose avec quoi elle vit nuit et jour. Je le sens presque dans la pièce quand on est en train de parler.

- Quoi, alors ?

- Je ne sais pas, dit Mary Ann en frissonnant brusquement. Mince, ça me file la chair de poule. J'ai accepté de me taire sur toute l'affaire jusqu'à la semaine prochaine. Mais ensuite, je serai libre de négocier avec la télé. Elle m'a promis de tout me raconter de ce qu'elle aura découvert... de ce qu'elle essaie de savoir.

- On dirait qu'elle a peur qu'on l'accuse.

- J'y ai pensé, admit Mary Ann. Mais ça n'est pas vraiment logique. Si les autres survivants du massacre font tous des télés, comme tu l'as fait remarquer, de quoi DeDe peut-elle avoir peur ?

- Elle est peut-être tout simplement siphonnée.

- Je ne crois pas, fit Mary Ann. C'est quelqu'un de très solide.

- Elle ? Cette mondaine avec un pois chiche dans le crâne ?

- Elle a beaucoup changé, Brian. Je crois que c'est à cause des enfants. Elle vit pour eux, maintenant. Elle est peut-être un peu parano quant à leur sécurité, mais ça semble parfaitement normal après ce qu'elle a subi.

- Je crois que c'est toi qui devrais être parano, répliqua Brian.

- Pourquoi ?

- Qu'est-ce qui va empêcher d'autres journalistes de traiter le sujet avant toi ?

Mary Ann frémit.

- Je sais, répondit-elle, mais elle fait le plus attention possible. Elle se cache dans la chambre d'amis quand il y a du monde chez eux. Et elle ne sort pas tant que ça de chez elle.

- Juste pour aller rendre visite aux membres du Temple, hein ?

Elle ne comprenait que trop bien ce qu'il voulait dire.

 

Ils étaient au lit en train de regarder Tom Snyder quand le téléphone sonna. Mary Ann décrocha.

- Mary Ann ?... C'est DeDe.

La voix semblait très faible et terrifiée. Mary Ann regarda la pendule digitale de la commode : elle indiquait 1h23.

- Salut, dit Mary Ann. Est-ce que ça va ?

DeDe devait encore avoir fait des cauchemars.

- Il faut que je vous voie, déclara-t-elle.

- Bien sûr. Quand ?

- Demain matin ?

- On ne pourrait pas plutôt l'après-midi ? Brian et moi avions prévu de...

- Je vous en prie.

Le mot résonna comme un cri dans un sépulcre. Mary Ann n'eut pas besoin d'en entendre davantage.

- Où ? demanda-t-elle.

- Ici. À Halcyon Hill. Je ne veux pas quitter la maison.

- DeDe, mais qu'est-ce qui...

- Venez, c'est tout. OK ? Apportez votre magnétophone. On prendra le petit déjeuner ici. Je suis vraiment désolée, je vous expliquerai tout demain matin.

Quand Mary Ann eut raccroché, Brian lui sourit gentiment.

- On peut tirer un trait sur notre partie de patins à roulettes, hein ? ironisa-t-il.

- J'en ai bien peur.

- Qu'est-ce qui se passe ?

- Si seulement je le savais ! soupira Mary Ann.

 

 

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