L'homme de sa vie.

 

Larry Kenan était peut-être un sale con, sur ce point, elle n'avait plus aucun doute depuis longtemps, mais au moins le salaire de Mary Ann lui permettait de s'offrir certains plaisirs qui rendaient sa vie à San Francisco considérablement plus agréable.

À présent, elle mangeait au Ciao.

Elle conduisait une Renault 5 Le Car.

Elle portait des vestes en velours et des chemises d'homme par-dessus ses jeans Calvin Klein, un look que Michael persistait à qualifier de "look de camionneuse".

Elle avait vidé son appartement de tous ses meubles jaunes ou en rotin, et avait fait poser au sol un revêtement industriel de couleur gris ferraille, et acheté des étagères high-tech en acier.

Elle avait résilié son abonnement au San Francisco Magazine et s'était mise à lire Interview.

Et elle avait définitivement abandonné Cost Plus.

Malgré tout, elle ne pouvait s'empêcher d'éprouver une certaine frustration devant les lenteurs de sa carrière.

Cette frustration n'en fut que renforcée ce soir-là lorsqu'elle regarda à la télévision un épisode particulièrement passionnant de Lou Grant, où une pauvre journaliste se débattait envers et contre tout pour faire triompher la vérité.

Comme les images étaient presque trop pénibles pour elle, Mary Ann éteignit la télévision et se dirigea vers la salle de bains d'un pas martial pour s'administrer un shampooing Sassoon. Parfois, une bonne douche s'avérait le meilleur de tous les somnifères.

Elle portait désormais les cheveux plus court. Un peu dans le genre Leslie Caron, avec un rien de New Wave.

Un style plus affirmé risquerait de compromettre ses chances avec la direction de la chaîne.

Tout en séchant cette nouvelle coiffure, elle se disait que, déjà, c'était extraordinaire qu'elle ait pu supporter les inconvénients d'une chevelure longue. ("Tu n'arrêtais pas d'essayer de leur donner un look français, adorait se rappeler Michael. Mais ça faisait plutôt chanteuse d'Abba, sur toi.")

Après avoir cherché en vain ses pantoufles en forme de lapin, Mary Ann se drapa dans un peignoir en éponge blanc deux fois trop grand pour elle et monta jusqu'à la petite maison sur le toit du 28 Barbary Lane.

Elle s'arrêta un instant devant la porte orange si familière et scruta le ciel semé d'étoiles par la fenêtre envahie de lierre. Un paquebot voguait au loin, scintillant de lumières, comme un candélabre géant qu'on aurait fait glisser sur l'eau.

Mary Ann se surprit à soupirer, moitié à cause du spectacle, moitié à cause de l'homme qui attendait dans la maison.

Elle entra sans frapper, sachant qu'il dormait déjà. Il avait travaillé toute la journée et la foule qui se pressait chez Perry avait été encore plus bruyante et exigeante que d'habitude. Comme elle s'y attendait, il était en caleçon, étalé à plat ventre sur le lit.

Elle s'assit au bord du matelas et posa doucement la main sur ses reins.

"La partie la plus belle du corps d'un homme, songea-t-elle, cette petite vallée chaude, juste avant les fesses... Bon, disons la deuxième plus belle."

Brian remua, puis il roula sur le côté et se frotta les yeux de ses deux poings comme font les petits garçons.

- Salut, fit-il d'une voix rauque.

- Salut ! répondit-elle.

Elle se pencha et s'allongea sur sa poitrine pour goûter à la chaleur de son corps. Quand elle chercha ses lèvres, Brian tourna la tête et l'avertit d'un murmure :

- J'ai une haleine de chien, ma chérie.

Elle lui prit le menton et l'embrassa quand même.

- Et alors ? dit-elle. Si le chien est mignon ?

Il grogna de plaisir et la prit dans ses bras :

- Alors, comment a été ta journée ?

- Merdique, lui chuchota-t-elle à l'oreille.

- Tu as parlé à Larry Kenan ?

- Mmm...

- Et ?

- Il persiste à vouloir me sauter avant de négocier.

Brian se recula brusquement :

- Il a dit ça ?

- Non, répondit Mary Ann en souriant devant sa réaction. Pas aussi clairement. Mais je sais simplement comment il fonctionne. Bambi Kanetaka est la preuve vivante de sa manière de procéder.

Brian fit semblant de ne pas comprendre :

- Je la trouve très incisive, moi.

Mary Ann le chatouilla gentiment à titre d'avertissement.

- Incisive et désinvolte, la combinaison gagnante...

- Attention, je vais recommencer, menaça Mary Ann.

- J'étais sûr que tu dirais ça, répondit Brian en souriant. Seulement, cette fois, vas-y moins fort, OK ?

 

 

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