Plan de vol.
- Ce fils de pute ! maugréa DeDe quand elles furent revenues dans leur chambre du Potlatch House. Ce fils de pute de bolchevik à la noix ! Bon sang... En Russie !
Mary Ann se sentait plus inutile que jamais.
- J'avais oublié qu'on en était si proches, avoua-t-elle.
- Il doit probablement habiter là-bas, ajouta DeDe. II a ce qu'il veut et maintenant il retourne chez lui.
- Mais c'est vous qui avez eu l'idée du voyage, DeDe. Comment aurait-il pu savoir que les enfants partaient ? Comment pouvait-il... ?
- Peut-être qu'il a profité de l'occasion. Comment voulez-vous que je le sache ? Et puis à quoi ça sert de se poser toutes ces questions ? Si ça se trouve, il est déjà à Moscou !
- Pas vraiment, dit Mary Ann qui consultait la carte de DeDe. Sauf s'il y a des liaisons aériennes fantastiques, là-bas. La grande ville la plus proche des Diomède est Nome et elle est à plus de mille cinq cents kilomètres d'ici. Ensuite, il aura fallu qu'il prenne un petit avion pour aller aux Diomède. Sans compter qu'il doit y avoir des contrôles sévères pour passer de la Petite à la Grande Diomède. C'est un itinéraire très compliqué.
- Si quelqu'un peut le faire, c'est bien lui.
- Il faudrait de l'argent.
- Prue a dit qu'il en avait beaucoup. Il en avait des tonnes à Jonestown, des malles remplies, suffisamment pour vivre le restant de ses jours. Il pourrait payer tous les bakchichs qu'il faut pour aller d'ici à Tombouctou.
Mary Ann se creusa la tête pour trouver quelque chose qui pût la consoler.
- D'une certaine manière, vous savez, ça nous aide. Je veux dire... Nous savons où chercher. Le type de la librairie nous a appris que la Petite Diomède ne faisait que six kilomètres carrés. Un avion qui essaierait d'y atterrir se ferait immédiatement remarquer... s'il tentait de passer en Russie.
- Oui, fit DeDe. Je suppose.
- Donc, si nous appelions les autorités de Nome, elles pourraient...
- Non. Pas la police !
- Nous ne serions pas obligées de leur dire que...
- Non. Je vous ai dit ce que j'en pensais.
DeDe s'empara de son sac de voyage et s'apprêta à sortir.
- Il y a une agence de voyages à deux pas d'ici. Je vais me renseigner sur les vols pour Nome. Je reviens dans vingt minutes.
- DeDe...
- Notre seule chance, c'est de le battre là-bas. Nous pouvons engager des gens, s'il le faut. Une fois qu'il aura atterri sur cette île, il sera à notre merci. Bon sang, il faut qu'on se dépêche !
DeDe s'arrêta devant la porte.
- Oh... J'imagine que vous venez avec moi ?
Mary Ann hésita, puis elle s'efforça de sourire de son air le plus assuré.
- Bien entendu, répondit-elle.
À peine DeDe fut-elle partie que Mary Ann appela Brian chez Perry.
- C'est moi, annonça-t-elle d'un ton peut-être un peu trop enjoué. Tout va bien.
- Où es-tu ?
Il était agacé, et c'était compréhensible.
- Excuse-moi, Brian. Je sais que ce n'était pas prévu.
Après un long silence, il ironisa :
- J'avais bien entendu parler de fiancées qui reculaient au dernier moment, mais là, c'est grotesque.
- Tu sais bien que ça n'a rien à voir, dit-elle avec un rire embarrassé.
- C'est ton histoire de... Jonestown ?
- Oui.
- Bon Dieu ! Tu n'es pas à Jonestown, au moins ?
- Mais non ! Tout va bien. DeDe est avec moi et nous devrions être rentrées dans quelques jours. Je suis désolée de faire autant de mystères, mais j'ai promis que je ne dirais pas un mot pendant un certain temps.
- Je ne te dis pas à quel point tu me manques...
- Tu me manques à moi aussi.
Pendant un moment, elle crut qu'elle allait pleurer.
- Ça va être merveilleux d'être Mme Hawkins ! reprit-elle sur un mode plus enthousiaste.
- C'est vrai ?
- Tu penses !
- Tu n'es pas obligée de prendre mon nom, tu sais.
- Laisse tomber, fit-elle. Je suis de Cleveland, n'oublie pas.
Il finit par rire.
- Bon, tu rentres bientôt, hein ?
- Juré ! Des nouvelles des autres ?
- Ils vont bien, je crois. Michael prétend qu'il ne baise plus, ces derniers temps. Mais il n'est pas le seul ! Oh, zut ! J'allais oublier : le connard de la télé a appelé. Il a dit que... attends que je me souvienne de ses termes... que tu te ferais tanner le cul si tu ne rappliquais pas au boulot vendredi.
- Larry Kenan ?
- Mmm, mmm. Et je crois qu'il est sérieux.
- Ça me fend le coeur.
- J'étais sûr que tu réagirais comme ça. Il y a eu aussi Bambi Kanetaka qui a appelé pour dire que tu avais laissé des notes dans ton bureau et qu'elle les donnerait à Larry si tu ne la rappelais pas immédiatement. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
Il fallut à Mary Ann un moment pour évaluer l'ampleur du désastre.
- Oh, non ! geignit-elle. C'étaient mes notes sur DeDe et toute l'affaire... Oh, mon Dieu, c'est affreux ! Écoute, Brian, il faut que je la contacte tout de suite. Je te rappelle, OK ?