Anna et Bambi.

 

Mme Madrigal préparait le plateau de Bambi Kanetaka quand Michael fit irruption dans la cuisine.

- Qu'est-ce qu'il y a à bouffer ? interrogea-t-il en soulevant un couvercle. Miam, de la perruche, tout ce que j'aime !

- C'est du poulet aux cinq-épices, Michael ! répondit sèchement la logeuse. Et je te serais reconnaissante de ne pas te montrer aussi sans-gêne !

Michael baissa la tête d'un air penaud :

- Excusez-moi.

Mme Madrigal plaça une rose dans un petit vase sur le plateau.

- Cette fille m'inquiète, déclara-t-elle. Elle a l'air de... désespérer. Je lui ai répété cent fois que nous ne lui voulions aucun mal, mais elle refuse de se détendre.

- Je suis surpris que vos gâteaux magiques n'y soient pas parvenus.

- Elle veut s'en aller, continua Mme Madrigal. Un point, c'est tout. Elle a même promis de se taire à propos de DeDe si nous la libérons.

- Vous n'y croyez pas, quand même ?

- Je ne peux pas me le permettre, répondit Mme Madrigal. Surtout s'il y a le moindre risque de mettre les enfants en danger. Par ailleurs, si je la relâche avant qu'il y ait la moindre solution, nous risquons encore plus d'ennuis. Il nous faut la preuve que nous avions de bonnes raisons de... de la garder prisonnière.

- C'est juste, reconnut Michael.

Mme Madrigal prit le plateau.

- Je suppose que tout va s'arranger tout seul, songea-t-elle à haute voix. C'est toujours comme ça. Mais je ne peux pas m'empêcher de me faire du souci, malgré tout.

Michael la regarda d'un air grave et répliqua :

- On est tous sur le même bateau, vous savez. Brian et moi, on en a parlé. Si vous vous retrouvez en taule, on ira aussi. Et on insistera pour être placés dans la même cellule.

La logeuse lui sourit, puis elle déposa un petit baiser sur sa joue.

- Je suis désolée de t'avoir parlé avec brusquerie, mon garçon. Tout ça est un peu nouveau pour moi. J'ai l'impression d'être une vraie criminelle !

- Mais vous en êtes une, Blanche Du Bois... Vous en êtes une ! répondit Michael avec un clin d'oeil.

 

Un peu rassérénée, Mme Madrigal descendit l'escalier du sous-sol.

Elle s'arrêta un instant devant la porte pour écouter, puis elle posa le plateau sur le sol et ouvrit le cadenas. Bambi était assise dans le vieux fauteuil à ressorts que la logeuse avait descendu à la cave lorsque Mona avait déménagé à Seattle.

- C'est l'heure du souper ! chantonna-t-elle en essayant de se montrer aimable sans être condescendante.

Elle posa le plateau sur un panier à linge que Burke Andrew avait laissé en partant.

Bambi ne bougea pas.

- J'ai consulté le programme télé, dit Mme Madrigal. Il y a Miss Barrett ce soir. J'ai pensé que ça vous ferait plaisir de le regarder.

La présentatrice émit un grognement.

- Je sais que ce n'est pas facile, continua Mme Madrigal. Mais ça ne va plus durer très longtemps, à présent. Nous sommes vraiment désolés d'avoir été obligés d'en arriver à cette extrémité, mais...

Sans crier gare, Bambi bondit brusquement sur ses pieds et plongea sur sa geôlière qui tomba à la renverse et se cogna à la planchette où étaient accrochées les clés de la maison. Mme Madrigal poussa un cri de douleur lorsque son dos heurta les clous.

Alors qu'elle s'effondrait lentement, elle vit la grimace moqueuse et triomphante de Bambi lorsqu'elle lui donna un... deux... puis trois coups de pied dans le ventre. Au troisième, Mme Madrigal s'empara de la cheville de Bambi, la lui tordit d'un coup sec, et son adversaire poussa un hurlement à glacer le sang. Bambi tomba la tête la première sur le béton, puis elle se releva à quatre pattes et commença à courir vers la porte.

Suffoquant de douleur, Mme Madrigal s'agrippa au support du tuyau d'arrosage et grâce à lui réussit à se redresser. Quelque chose de chaud et d'humide, probablement du sang, lui coulait dans le dos et collait son kimono à sa peau. Sa main rencontra le manche d'une pelle dont elle s'empara pour assener un coup sur les épaules de Bambi.

Pendant un instant, un bref instant, la présentatrice resta étalée sur le sol comme une descente de lit. Puis elle se releva, courut vers la porte et s'engouffra dans l'escalier.

Mme Madrigal la suivit en titubant, brandissant toujours sa pelle. Et quand Bambi atteignit le haut de l'escalier, la logeuse lui porta à nouveau un coup qui l'atteignit juste derrière les genoux. Bambi piqua piteusement du nez, puis elle glissa au bas des marches jusqu'à ce que ses chevilles fussent à portée de main de Mme Madrigal.

La logeuse traîna la présentatrice dans la cave, lui attacha les chevilles à la va-vite avec un bout de fil électrique, puis elle sortit précipitamment et referma la porte derrière elle.

Hors d'haleine, elle s'appuya sur la porte une bonne minute. Bambi hurlait vengeance à l'intérieur. En haut, quelqu'un sonnait.

Priant le ciel que le visiteur n'eût pas entendu tout ce vacarme, Mme Madrigal remonta lentement l'escalier.

Quand elle vit qui était sur le seuil, elle faillit lui tomber dans les bras en pleurant. C'était Jon Fielding.

 

 

Autres chroniques de San Francisco
titlepage.xhtml
CF3_split_000.htm
CF3_split_001.htm
CF3_split_002.htm
CF3_split_003.htm
CF3_split_004.htm
CF3_split_005.htm
CF3_split_006.htm
CF3_split_007.htm
CF3_split_008.htm
CF3_split_009.htm
CF3_split_010.htm
CF3_split_011.htm
CF3_split_012.htm
CF3_split_013.htm
CF3_split_014.htm
CF3_split_015.htm
CF3_split_016.htm
CF3_split_017.htm
CF3_split_018.htm
CF3_split_019.htm
CF3_split_020.htm
CF3_split_021.htm
CF3_split_022.htm
CF3_split_023.htm
CF3_split_024.htm
CF3_split_025.htm
CF3_split_026.htm
CF3_split_027.htm
CF3_split_028.htm
CF3_split_029.htm
CF3_split_030.htm
CF3_split_031.htm
CF3_split_032.htm
CF3_split_033.htm
CF3_split_034.htm
CF3_split_035.htm
CF3_split_036.htm
CF3_split_037.htm
CF3_split_038.htm
CF3_split_039.htm
CF3_split_040.htm
CF3_split_041.htm
CF3_split_042.htm
CF3_split_043.htm
CF3_split_044.htm
CF3_split_045.htm
CF3_split_046.htm
CF3_split_047.htm
CF3_split_048.htm
CF3_split_049.htm
CF3_split_050.htm
CF3_split_051.htm
CF3_split_052.htm
CF3_split_053.htm
CF3_split_054.htm
CF3_split_055.htm
CF3_split_056.htm
CF3_split_057.htm
CF3_split_058.htm
CF3_split_059.htm
CF3_split_060.htm
CF3_split_061.htm
CF3_split_062.htm
CF3_split_063.htm
CF3_split_064.htm
CF3_split_065.htm
CF3_split_066.htm
CF3_split_067.htm
CF3_split_068.htm
CF3_split_069.htm
CF3_split_070.htm
CF3_split_071.htm
CF3_split_072.htm
CF3_split_073.htm
CF3_split_074.htm
CF3_split_075.htm
CF3_split_076.htm
CF3_split_077.htm
CF3_split_078.htm
CF3_split_079.htm
CF3_split_080.htm
CF3_split_081.htm
CF3_split_082.htm
CF3_split_083.htm
CF3_split_084.htm
CF3_split_085.htm
CF3_split_086.htm
CF3_split_087.htm
CF3_split_088.htm
CF3_split_089.htm
CF3_split_090.htm
CF3_split_091.htm
CF3_split_092.htm
CF3_split_093.htm
CF3_split_094.htm
CF3_split_095.htm
CF3_split_096.htm
CF3_split_097.htm
CF3_split_098.htm
CF3_split_099.htm
CF3_split_100.htm
CF3_split_101.htm
CF3_split_102.htm
CF3_split_103.htm
CF3_split_104.htm
CF3_split_105.htm
CF3_split_106.htm
CF3_split_107.htm
CF3_split_108.htm
CF3_split_109.htm
CF3_split_110.htm
CF3_split_111.htm
CF3_split_112.htm
CF3_split_113.htm
CF3_split_114.htm