Tea for two.
Elle arriva pile à l'heure, comme s'y attendait Brian.
- Vous êtes Bambi, dit-il le plus cordialement possible en tendant la main. Je suis Brian, le copain de Mary Ann. Je vous regarde à la télé tous les jours.
Elle lui serra à peine la main.
- Elle est pas là, hein ?
Elle scruta la pièce tout en parlant, comme si elle avait pu repérer Mary Ann terrée sous une table ou accroupie derrière un rideau.
- J'ai pas des masses de temps, vous savez.
- Elle vient d'appeler de l'aéroport, expliqua Brian. Apparemment, elle a eu un problème en prenant sa correspondance à Denver, à cause de la grève des contrôleurs aériens. Tenez, laissez-moi prendre votre veste. Je suis sûr qu'elle ne va pas tarder.
Bambi laissa glisser son coupe-vent couleur bronze, mais conserva son sac à main en bandoulière. En posant la veste sur le dossier d'une chaise, Brian déclara de son air gamin le plus calculé :
- Vous êtes encore plus jolie en vrai.
- Merci, dit Bambi.
Il sourit de nouveau, penchant la tête sur le côté.
- Vous devez entendre ça tout le temps, non ?
- C'est agréable à entendre, de toute façon.
Brian s'affala sur le sofa en écartant nonchalamment les cuisses.
- Au fait, mentit-il, j'ai adoré votre reportage sur la fuite de gaz. Beaucoup de sang-froid. Et très clair.
- Vous avez regardé ça ?
- Oui. Trois reportages différents, d'ailleurs. Mais le vôtre était le seul vraiment compréhensible. Asseyez-vous. Autant vous mettre à votre aise.
Bambi prit une chaise et s'assit en gardant son sac sur ses genoux.
- Ils ont failli ne pas me laisser couvrir ça, dit-elle.
- Vraiment ?
- Oui. Vous seriez surpris des préjugés que rencontre une femme quand il s'agit de traiter ce genre de catastrophes sur le terrain. Mais je lutte quand même.
Elle sourit bravement.
- Tant mieux pour vous, répliqua Brian. Dites... J'allais me faire un thé. Vous en voulez ?
Bambi secoua la tête.
- Je ne supporte pas les excitants, lui opposa-t-elle.
- Ne vous inquiétez pas, dit Brian. C'est une tisane. Faite par notre logeuse ! Et incroyablement délassante : vous devriez goûter.
- Ah ? Bon, d'accord.
Il revint cinq minutes plus tard et lui tendit sa tasse en tremblant un peu. Elle en prit une petite gorgée, puis lui décocha son plus joli sourire.
- Mais c'est délicieux ! Qu'est-ce qu'il y a dedans ?
- Euh... des fleurs d'hibiscus, des écorces d'orange... des trucs comme ça.
- Et elle appelle ça comment ?
- Oh... Crépuscule d'Alaska, je crois.
- Mmm, fit Bambi en prenant une autre gorgée.
Brian continua d'alimenter la conversation durant cinq minutes, jusqu'au moment où Bambi commença à avoir l'élocution difficile. Pendant un instant qui fut terrible, elle sembla se rendre compte de ce qui lui arrivait et le fixa, furieuse autant que surprise. Puis ses paupières tombèrent et elle s'effondra sur sa chaise.
- La vache !... jubila Brian.
Il se leva et alla vérifier : elle était un peu froide, mais elle respirait toujours. Quand il lui releva la tête, une perle de salive coula du coin de sa bouche.
- OK ! s'écria-t-il.
La porte d'entrée s'ouvrit. Michael passa d'abord la tête dans l'entrebâillement, puis Mme Madrigal, qui fronça le sourcil et voulut savoir :
- Tu es sûr qu'elle est...?
- Tout va bien, la rassura Brian. Qu'est-ce qu'il y a dans ce truc, au fait ?
- Ne te mets pas martel en tête, dit Mme Madrigal. Rien que des choses naturelles.
- Et l'effet dure un quart d'heure ?
- Plus ou moins, répondit la logeuse. Je ne tarderais pas, si j'étais vous. Michael, mon garçon, prends-la par les pieds, Brian se chargera des bras. Je m'assure que la voie est libre.
Michael s'agenouilla près du corps et saisit les chevilles de la présentatrice.
- On pourrait l'achever ! proposa-t-il.
- Michael !
Mme Madrigal n'était pas d'humeur à rigoler. Soulevant leur proie, Brian et Michael la sortirent en titubant dans le couloir.
- Crépuscule d'Alaska, ricana Michael. Non, mais je rêve !...