76

RLINDA KETT

C’est tellement typique, songea Rlinda.

Chaque fois qu’un homme était dépassé par ce qu’il avait déclenché, il lui fallait empirer les choses en appuyant sur tous les boutons et en affirmant savoir « réparer tout ça ». Elle avait vu ses différents maris agir de la sorte maintes et maintes fois.

C’était bien le style d’un homme, de disparaître ainsi… même si cela ne se déroulait pas toujours d’une façon aussi mélodramatique. Elle avait aperçu la vibration sur le portail mural. Puis un ciel lavande au-dessus d’un paysage extraterrestre, qui luisait telle une projection à travers la surface trapézoïdale.

Ensuite, Davlin Lotze avait disparu.

Elle ne savait pas exactement ce qu’il avait fabriqué pour se faire happer par le transportail. Elle s’était précipitée en criant, mais avait été assez sage pour s’arrêter avant de percuter le champ de force. Si seulement Davlin avait montré autant de prudence… La jeune femme l’avait aperçu qui se tenait, stupéfait, sur ce monde lointain. Il s’était retourné pour la regarder. Puis la scène s’était évanouie, cédant de nouveau la place à la pierre.

Davlin parti, Rheindic Co retournait au silence. Rlinda croisa les bras sur sa poitrine et poussa un soupir.

— D’accord. Bon, et maintenant ?

Rlinda patienta quatre jours. La première nuit, elle dormit à l’intérieur de la ville fantôme, dans l’espoir d’entendre le bourdonnement des machines et que Davlin revienne de lui-même. Voilà qui m’étonnerait, songea-t-elle. Elle espérait qu’il n’attendait pas qu’elle pousse des boutons au hasard…

Seule désormais, elle dormait avec un pistolet à portée de main, à l’affût du moindre bruit de pas, du moindre grattement de griffe. Elle songeait au corps mutilé du prêtre Vert, aux pousses d’arbremondes déracinées, aux traces de sang de Louis Colicos. Rheindic Co semblait déserte, mais quelque chose les avait bien tués.

Lorsque Davlin ne revint pas et que rien d’inquiétant ne se produisit, les ruines commencèrent à ennuyer Rlinda. Ce n’était pas le genre de situation dans laquelle elle envisageait de se retrouver quand elle avait créé sa compagnie marchande, acheté cinq vaisseaux et embauché des capitaines…

De retour au Curiosité Avide, elle s’activa autour du camp jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à faire. Elle disposait de suffisamment de provisions et de carburant pour partir à son gré, mais elle se refusait à abandonner Davlin. Et s’il revenait par le transportail, les bras chargés de merveilles, avec les réponses aux problèmes du président Wenceslas – pour s’apercevoir qu’elle avait fichu le camp ? Elle décida d’attendre.

Davlin avait été stupide de se fourrer dans de tels ennuis. Si seulement elle s’était montrée plus attentive durant les instants précédant sa disparition… Toutefois, elle n’avait pas l’intention de bricoler la machinerie extraterrestre afin de partir à sa recherche. Elle devait réfléchir avant de prendre une décision. Elle n’avait jamais été du genre à battre en retraite quand elle pouvait agir. Mais hélas, qu’y avait-il à faire, sur Rheindic Co ?

Elle se mit à s’apitoyer sur son sort, même si cela ne lui ressemblait guère. Six ans plus tôt, elle n’aurait pu imaginer tomber si bas. Cela lui aurait paru invraisemblable, à moins de croire à ces âneries de « caprices du destin ». D’abord, les pirates de Rand Sorengaard avaient détruit le Grandes Espérances, puis la quasi-totalité de ses vaisseaux avaient été réquisitionnés par les Forces Terriennes de Défense. Il ne restait plus à Rlinda que son Curiosité Avide.

Peut-être devrait-elle faire la part du feu et s’installer ici. Personne pour l’ennuyer… ou lui tenir compagnie. L’affaire n’était pas si avantageuse, finalement.

Elle se rendit à la coquerie afin de passer les provisions en revue. L’essentiel se composait de rations qui ne prenaient en compte que la valeur nutritive, non les qualités gustatives des aliments. Elle ouvrit les paquets, puis fit un saut dans sa soute personnelle où elle prit du chocolat noir et une bouteille de son vin préféré. Elle se concocta un dîner de spécialités agrémentées d’épices : un gaspillage insensé, mais elle était décidée à faire une folie. Elle ajouta une goutte de vin à la sauce qui accommodait sa viande d’agneau. Des pâtes au pesto, des champignons au beurre… et, comme dessert, une pâtisserie croustillante au miel et aux noix, qui se marierait parfaitement avec le chocolat.

Rlinda dressa une petite table au-dehors, avec une nappe et un fauteuil. Elle se versa un verre de vin de Nouveau Portugal, sans se soucier de la pagaille qu’elle avait laissée dans la coquerie ; elle la nettoierait plus tard. À moins d’un événement inopiné, elle aurait tout le temps pour cela. Elle s’assit, ferma les yeux et huma les délicieux arômes qui s’élevaient. Si quelque monstre rôdait dans les environs, l’odeur de sa cuisine le débusquerait certainement.

Elle goûta chacun des plats, y compris le dessert, et se félicita de ses prouesses culinaires. Puis elle dégusta son repas.

— Prenez tout votre temps, Davlin, lança-t-elle dans le paysage désert. Je vous attends ici.

Elle but une gorgée de vin et se cala dans son fauteuil afin de contempler le magnifique coucher de soleil.

Une forêt d'étoiles
cover.xhtml
title.xhtml
title3.xhtml
chapter.xhtml
chapter1.xhtml
chapter2.xhtml
chapter3.xhtml
chapter4.xhtml
chapter5.xhtml
chapter6.xhtml
chapter7.xhtml
chapter8.xhtml
chapter9.xhtml
chapter10.xhtml
chapter11.xhtml
chapter12.xhtml
chapter13.xhtml
chapter14.xhtml
chapter15.xhtml
chapter16.xhtml
chapter17.xhtml
chapter18.xhtml
chapter19.xhtml
chapter20.xhtml
chapter21.xhtml
chapter22.xhtml
chapter23.xhtml
chapter24.xhtml
chapter25.xhtml
chapter26.xhtml
chapter27.xhtml
chapter28.xhtml
chapter29.xhtml
chapter30.xhtml
chapter31.xhtml
chapter32.xhtml
chapter33.xhtml
chapter34.xhtml
chapter35.xhtml
chapter36.xhtml
chapter37.xhtml
chapter38.xhtml
chapter39.xhtml
chapter40.xhtml
chapter41.xhtml
chapter42.xhtml
chapter43.xhtml
chapter44.xhtml
chapter45.xhtml
chapter46.xhtml
chapter47.xhtml
chapter48.xhtml
chapter49.xhtml
chapter50.xhtml
chapter51.xhtml
chapter52.xhtml
chapter53.xhtml
chapter54.xhtml
chapter55.xhtml
chapter56.xhtml
chapter57.xhtml
chapter58.xhtml
chapter59.xhtml
chapter60.xhtml
chapter61.xhtml
chapter62.xhtml
chapter63.xhtml
chapter64.xhtml
chapter65.xhtml
chapter66.xhtml
chapter67.xhtml
chapter68.xhtml
chapter69.xhtml
chapter70.xhtml
chapter71.xhtml
chapter72.xhtml
chapter73.xhtml
chapter74.xhtml
chapter75.xhtml
chapter76.xhtml
chapter77.xhtml
chapter78.xhtml
chapter79.xhtml
chapter80.xhtml
chapter81.xhtml
chapter82.xhtml
chapter83.xhtml
chapter84.xhtml
chapter85.xhtml
chapter86.xhtml
chapter87.xhtml
chapter88.xhtml
chapter89.xhtml
chapter90.xhtml
chapter91.xhtml
chapter92.xhtml
chapter93.xhtml
chapter94.xhtml
chapter95.xhtml
chapter96.xhtml
chapter97.xhtml
chapter98.xhtml
chapter99.xhtml
chapter100.xhtml
chapter101.xhtml
chapter102.xhtml
chapter103.xhtml
chapter104.xhtml
chapter105.xhtml
chapter106.xhtml
chapter107.xhtml
chapter108.xhtml
chapter109.xhtml
chapter110.xhtml
chapter111.xhtml
chapter112.xhtml
chapter113.xhtml
chapter114.xhtml
chapter115.xhtml
chapter116.xhtml
chapter117.xhtml
chapter118.xhtml
chapter119.xhtml
chapter120.xhtml
chapter121.xhtml
chapter122.xhtml
chapter123.xhtml
chapter124.xhtml
chapter125.xhtml
chapter126.xhtml
chapter127.xhtml
chapter128.xhtml
chapter129.xhtml
chapter130.xhtml
chapter131.xhtml
chapter132.xhtml
chapter133.xhtml
chapter134.xhtml
chapter135.xhtml
organigramme.xhtml
enfants.xhtml
arbres.xhtml
lexique.xhtml
title1.xhtml
remerciements.xhtml
title2.xhtml
copyright.xhtml
back.xhtml