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ANTON COLICOS
Au cours des semaines de crépuscule, les vacanciers se préparèrent à quitter Maratha Prime pour revenir dans la lumière rassurante de leur planète natale. Il ne resterait sur place qu’une scission de courageux Ildirans, qui maintiendraient la ville sous dôme en état durant la longue nuit.
Anton et Vao’sh resteraient avec les ingénieurs, les ouvriers de maintenance et les animateurs pour leur raconter des histoires et étudier La Saga des Sept Soleils.
— C’est très émouvant, dit Vao’h, qui regardait l’une des dernières navettes décoller de l’astroport et s’élever vers l’immense paquebot spatial en orbite autour de Maratha.
Un sourire de satisfaction flotta sur les lèvres d’Anton, ses yeux levés vers le ciel encore lumineux.
— Comme des pétales de fleur emportés par le vent…
En fait, il attendait avec impatience un peu plus de tranquillité pour pouvoir se remettre à La Saga et discuter des extraits avec Vao’sh. Il savourait cette occasion, dont aucun étudiant humain n’avait bénéficié avant lui, et n’était guère pressé qu’elle s’achève.
À la mort du Mage Imperator, le jeune étudiant avait vu avec fascination et inquiétude les résidents de Maratha Prime, d’ordinaire si enjoués, devenir anxieux et désordonnés. Ils souffraient d’une sorte de dépression. Jusqu’alors, il n’avait pas saisi l’importance du thisme pour cette espèce étrangère. Vao’sh lui-même n’avait su la lui expliquer clairement. Cette fois, Anton voyait distinctement ses effets. Les Ildirans – du moins, la plupart des kiths –, s’ils ressemblaient aux humains de prime abord, recelaient des différences essentielles.
Anton avait fait de son mieux pour réconforter les Ildirans en cette courte période d’obscurité, s’efforçant de leur raconter des histoires amusantes. Il n’était pas certain d’avoir accompli grand-chose, mais savait que Vao’sh avait apprécié ses efforts.
Il avait observé les vacanciers remballer leurs affaires, acheter des souvenirs et se ruer vers leur navette. Il avait alors vu l’abandon de la ville au crépuscule comme une métaphore du déclin de l’Empire ildiran. Mais il doutait que Vao’sh apprécie d’entendre cela.
— Cet endroit commence à me rappeler ces ruines klikiss que mes parents exploraient à longueur de temps.
— Maratha Prime est certes plus calme à présent, Anton, mais elle n’est pas morte. L’année prochaine, une fois Maratha Seconda achevée, la planète ne sera plus jamais silencieuse.
— Pour certains humains, la foule bruyante n’est pas forcément une bonne chose. Cela ne me dérange pas de vivre dans une station isolée et autonome, tant que je peux étudier La Saga. C’est pour elle que je suis là.
— Je ne comprendrai jamais pourquoi vous attachez si peu de valeur à la compagnie d’autrui.
Anton éclata de rire.
— Pour moi, un bon ami en vaut dix, répondit-il en donnant une tape sur l’épaule osseuse du remémorant. Vous et moi veillons l’un sur l’autre, quoi qu’il puisse se passer.
Et tant de travail attendait d’être accompli…
Enfin, en compagnie des membres de la scission de maintenance, ils assistèrent au départ du paquebot spatial en orbite, qui ramenait les vacanciers au sein de l’Empire surpeuplé. Vao’sh contempla le ciel qui s’assombrissait, ses couleurs se fondant les unes dans les autres tandis que la planète glissait doucement dans la nuit.
Sous les dômes, les illuminateurs avaient banni toute trace d’ombre bien avant que le soleil se soit couché. Avec ses lumières et le confort de la civilisation, Maratha Prime serait un phare dans les ténèbres.
Anton Colicos se réjouissait de rester ici, à relater des légendes sous la voûte étoilée. Comme ces histoires que l’on se raconte autour d’un feu de camp.
— Vous et moi allons passer de grands moments ensemble, Vao’sh, dit-il.
Sur la face opposée de la planète, des robots klikiss travaillaient dur, poursuivant un dessein connu d’eux seuls…