64

OSIRA’H

Osira’h était assise, seule, sur le sol d’une petite pièce. Des illuminateurs encastrés dans les murs et le plafond diffusaient une lumière immaculée. Elle ne pouvait rien voir ni rien entendre provenant de l’extérieur.

D’aussi loin qu’elle se souvenait, Osira’h suivait cet entraînement tous les jours. D’autres enfants hybrides étaient élevés ailleurs dans la ville ; on les avait regroupés selon leurs talents, et on les inspectait périodiquement. Mais elle, elle était spéciale. Ses instructeurs étaient des médecins, des scientifiques – jusqu’à l’Attitré de Dobro en personne. Elle savait ce qu’ils voulaient, et désirait se montrer à la hauteur.

Les professeurs avaient procédé par tâtonnements, et les succès de la fillette, tout autant que les attentes des Ildirans, avaient déterminé le rythme des cours. Elle apprenait des choses qui n’avaient jamais été enseignées avec succès auparavant, même par les lentils. Elle recelait un don télépathique inné, qu’il fallait faire croître.

Nul ne savait réellement comment lui apprendre à utiliser ce talent, fusion du télien des prêtres Verts et du thisme ildiran. Ils essayaient – mais Osira’h, elle, essayait encore plus fort. Elle trouverait la clé qui ouvrirait la porte de son destin.

Clignant des yeux, elle regarda la porte close de la chambre d’isolation. Elle ouvrit son esprit, laissa les sensations affluer. Elle détectait facilement un sujet debout près de l’entrée, à attendre qu’elle le – ou la – perçoive à distance.

— Le premier est là, dit-elle à voix haute, sachant qu’on l’observait. Il est fort… et dévoué. (Elle inspira longuement, pendant que l’image s’élaborait dans son esprit.) Il n’agit que sur ordre, sans se poser de question. Il sait rester à sa place et n’a aucune aspiration à améliorer sa condition… parce qu’il est convaincu d’être le mieux adapté à sa tâche. (Elle sourit. Elle avait trouvé la réponse presque immédiatement.) C’est un garde.

La porte coulissa et dévoila une silhouette massive appartenant au kith des soldats. La porte se referma, et Osira’h sut qu’on lui avait ordonné de se retirer. Elle leva les yeux vers le plafond.

— C’était un piètre défi, les soldats sont très faciles à deviner !

Personne ne répondit, mais elle sut qu’ils l’entendaient. Ils l’écoutaient toujours. Et elle essayait toujours de les impressionner.

Osira’h se focalisa de nouveau sur la porte, et perçut une nouvelle présence qui approchait, puis reculait… puis une autre, comme un ressac… ou plusieurs présences. Les pensées étaient éparses et agitées.

Elle sentit le besoin profondément ancré d’aider, de contenter et de dorloter leur maître, quel qu’il soit. Elle gloussa.

— Bien sûr.

Les assisteurs n’étaient jamais seuls, ils fonctionnaient en groupe, à la manière des ouvrières d’une ruche. Faire son devoir et recevoir des compliments suffisaient à les mener au sommet de la félicité.

— Voyons voir… Des assisteurs, manifestement, mais combien ? Ils sont indifférenciables. Ils ont les mêmes pensées superficielles, mais je peux entendre… trois, quatre échos distincts. Il y a quatre assisteurs.

La porte se rouvrit et elle vit un quartet de gnomes ildirans. Ils la regardèrent en clignant des yeux comme s’ils mouraient d’envie de lui apporter assistance d’une quelconque façon. Mais, avant qu’ils aient pu entrer, la porte coulissa de nouveau.

Osira’h se laissa aller en arrière. Elle se demandait si les expérimentateurs savaient à quel point c’était simple pour elle, à présent. Son but était de percevoir les motivations d’une personne, ce qui commandait sa force vitale, afin de saisir au mieux son être.

De par leur altérité radicale, les hydrogues seraient bien plus difficiles à comprendre que les kiths ildirans – et ils ne lui faciliteraient pas la tâche.

Parfois, l’Attitré de Dobro essayait de la piéger en introduisant des prisonniers humains dans les tests, mais eux aussi étaient simples à appréhender. En raison de leur manque d’éducation, leur esprit était affamé, plein de questions sans réponse. Contrairement aux kiths ildirans, ils n’appartenaient pas à des catégories clairement établies. Tous étaient des individus à part entière.

Un nouveau sujet approchait de la porte. Osira’h le sentit et se tourna vers lui, pressée de donner une réponse.

Cette fois, elle perçut une pléthore d’émotions contradictoires et de pensées impérieuses, comme si cet esprit était assez puissant pour la troubler et se soustraire à son examen.

— Ah, enfin un défi, dit-elle. Il y a de la force et de la détermination, et aussi… beaucoup de secrets. Celui-là parvient très bien à garder ses pensées, c’est un maître. Ses motivations ne souffrent d’aucun doute, il détient la vérité. Il sait ce qui doit être fait, même contre l’avis de certains. Il sait au plus profond de lui ce qui est juste.

Elle sourit en percevant le devoir inébranlable qui l’animait. Il était aussi sûr de lui que les soldats. Il était certain de sauver l’Empire.

Osira’h éclata de rire, ravie de ce petit tour.

— Attitré, vous avez essayé de me leurrer.

La porte se rouvrit sur Udru’h. Les bras croisés sur la poitrine, il la contempla avec fierté.

— Tu t’améliores chaque jour, constata-t-il. J’étais sûr de pouvoir te masquer mes pensées.

— Je vous connais trop bien. Vous ne pourriez jamais rien me cacher.

Elle s’avança vers lui, et il passa un bras sur sa frêle épaule.

— C’est ainsi que cela doit être, dit-il. J’espère seulement que les hydrogues seront aussi transparents à ta vision.

Une forêt d'étoiles
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