Talgar avait l'air d'un pays en état de siège. Quand Blade apprit les détails de la défaite, il le comprit. Il n'aimait pas ça, car sa tâche serait rendue plus difficile, mais il ne pouvait reprocher leur état d'esprit aux populations des Villes Marines.
Sur les dix mille hommes partis vers l'est à bord de la grande flotte, plus de deux mille n'étaient pas revenus. Sur les deux cents vaisseaux et embarcations, quarante avaient disparu. En deux mois à peine, les Villes avaient perdu près d'un tiers de leurs combattants de première ligne, des milliers de civils et plus d'une centaine de navires de toutes tailles. Leur moral était brisé, leurs nerfs à vif, soldats et civils marchaient, en jetant des coups d'oeil derrière eux. Il régnait une humeur dangereuse et Blade se disait qu'il serait plus heureux une fois en route pour Nurn.
Cela prit plus de temps qu'il ne l'avait pensé. Les officiers de la Garde Conciliaire interrogèrent à fond tous les prisonniers libérés, pour connaître la situation chez les hommes-poissons, prétendaient-ils. Mais Blade soupçonnait qu'ils cherchaient des traîtres. Presque tout le monde était persuadé, à Talgar, que les deux désastres ne pouvaient qu'être dus à la trahison, une conviction qui n'augurait rien de bon pour les Conciliateurs, toujours en prison.
Il y avait aussi un des séides les plus notoires de Stipors parmi ces officiers. Blade prit soin d'entraîner joyeusement cet individu en bateau le long d'une dizaine de voies sans issue. Heureusement, cet officier n'était pas très intelligent.