Mais il jugea plus sage de ne rien demander et encore moins de poser des questions sur les « tritons », ou de mentionner qu'il les avait vus. Apparemment, Foyn acceptait les « tritons » et la guerre comme quelque chose d'aussi immuable et inévitable que les marées ou les tempêtes en mer.
Tout aussi apparemment, Svera n'était pas du même avis. Elle tourna ses yeux de Blade vers son père et il vit son regard durcir.
— Si nous n'allions pas naviguer dans les mers que les hommes-poissons appellent les leurs, pour prendre le poisson et le corail et...
— Pas de sottises, fille! gronda Foyn. Qui se soucie des droits ou des torts d'il y a trois siècles? Pas moi. Tout ce qui m'intéresse, c'est que les Villes Marines de Talgar restent à flot sur les vagues et les hommes- poissons rôdent toujours dessous. Tu voudrais changer tout ça?
— Oui, rétorqua Svera. Et mon frère, et ma mère? Ta femme, par la Déesse d'Argent ! Ils ne pourraient pas être plus morts, même si les Villes Marines flottent encore! Et d'ailleurs la guerre n'est pas finie. Est-ce que tu es sûr qu'elle servira à quelque chose, finalement?
Le capitaine Foyn regarda sa fille avec une fureur qui gêna et troubla Blade. Pendant un long moment, il crut que le père allait la gifler. Puis les larges épaules de l'homme se voûtèrent et il poussa un soupir. Le soupir accablé de celui qui a trop souvent livré la même querelle oiseuse à une personne qu'il aime.
— Va dans ta cabine, fille, dit-il calmement. Quoi que nous puissions nous dire, je ne veux pas que ce soit devant un étranger et un invité à bord de la Maîtresse. Est-ce que tu voudrais déshonorer le nom de ta mère et de ton frère?