Svera se mordit la lèvre et ne répliqua rien. Elle se leva pour sortir. Sur le seuil de la cabine, elle se retourna vers Blade et le regarda dans les yeux. Il eut l'impression qu'elle le soupesait. Il aurait beaucoup aimé savoir ce qu'elle cherchait. Puis il se retourna vers le capitaine Foyn qui lui resservait du cordial aux algues.
— Je regrette que ma fille n'ait aucune discrétion, dit-il en secouant la tête avec lassitude. Il s'agit d'une dispute de famille qui me semble parfois durer depuis aussi longtemps que la guerre contre les hommes- poissons.
— Ne t'excuse pas. Je sais très bien oublier les choses que je n'aurais pas dû entendre. Et si je dois séjourner parmi la population de Talgar, j'en apprendrai long sur la guerre, tôt ou tard. Au fait, est-ce que beaucoup d'autres pensent comme elle?
— Pas mal. Surtout les jeunes. Et puis il y en a parmi les plus pauvres des Frères — les officiers et capitaines de vaisseaux — qui protestent contre les impôts exigés pour la guerre. Ils font énormément de bruit chaque fois qu'il y a une élection au conseil ou un vote de nouveaux impôts, mais leurs voix ne sont jamais nombreuses.
Blade avait le sentiment qu'il allait bientôt se trouver dans une situation horriblement compliquée. Découvrir ce qui se passait entre les Villes Marines et les « tritons » ne servirait peut-être pas qu'à satisfaire sa curiosité. Cela pourrait être indispensable pour sauver sa propre peau.
— La Déesse d'Argent seule sait qui a raison dans tout cet abominable gâchis. Mais je ne ferai jamais rien, et je ne laisserai personne faire quoi que ce soit, qui risque de mettre en danger les Villes.