Les deux capitaines désobéissants furent pendus à la plus haute vergue de leur propre navire dans la journée, alors que la flotte dérivait et contemplait le spectacle. Stipors était évidemment résolu à maintenir l'ordre et la discipline à n'importe quel prix. Il n'était pas facile de dire si sa macabre démonstration avait fait de l'effet ou non. Tout de même, la flotte resta en bon ordre toute cette journée et la nuit suivante. Mais les hommes-poissons ne lancèrent pas d'autre attaque non plus. Un navire éclaireur, très loin en tête sur tribord, signala qu'il avait aperçu un des chariots tirés par des yulons et l'avait chassé avec un tir de pierres de catapulte. Mais ce fut tout.
Si l'absence d'ennemis contribuait à maintenir l'ordre, elle ne remontait pas le moral des marins et des soldats. Même les optimistes les plus béats se demandaient si les hommes-poissons avaient vraiment abandonné la lutte ou s'ils préparaient une embuscade. Ce serait de bonne guerre, après tout, de laisser la flotte s'éloigner le plus possible de ses eaux territoriales pour la détruire plus aisément. Il n'était pas conseillé d'envisager cela tout haut mais c'était bien ce que l'on murmurait dès qu'une poignée d'hommes se réunissait en privé.
— Ils sont là quelque part, dit Nezdorn en embrassant d'un geste large la mer sombre, alors qu'il montait la garde avec Blade. Ils ont l'œil sur nous, à chaque minute. Nous n'allons pas aller beaucoup plus loin sans bataille.
Mais, incroyablement, la flotte continua d'avancer. Le soleil se leva sur une mer calme et déserte, sans le moindre souffle de vent.