Un long cou se dressa, surmonté d'une tête minuscule où s'ouvrait une large gueule pleine de crocs. La tête se tourna vers Blade et il fut suffoqué par une puanteur de poisson pourri soufflée par cette gueule. Les dents de trente centimètres, jaunies par l'âge et la putréfaction, se refermèrent en claquant. Blade resta pétrifié, mais pas de peur. Avec une tête aussi petite, la créature ne pouvait avoir qu'un minuscule cerveau, et certainement une mauvaise vue. Il pensait que s'il ne bougeait pas elle ne le verrait pas, ou bien ne reconnaîtrait pas en lui une proie, ou encore le verrait mais l'oublierait aussitôt. La tête se balança à droite et à gauche et de petits yeux jaunâtres clignotèrent sous d'énormes arcades sourcilières.
Brusquement, la tête plongea et se projeta vers Blade avec la force et la rapidité d'un bélier. La gueule s'ouvrit en grand, révélant un gosier rouge et écumant. Blade bondit sur le rocher derrière lui et se glissa à l'abri juste à temps. Le bélier vivant s'écrasa contre le rocher et faillit le déloger. Si Blade s'était trouvé sur son passage, il aurait été réduit en bouillie pour servir de souper à la bête.
Il recula encore d'une dizaine de mètres, trébucha, se coupa sur les arêtes aiguës des rochers mais parvint à trouver un autre abri. Il se coucha à plat ventre sur les algues et les coquillages et regarda de nouveau la créature.
Elle mesurait au moins quinze mètres du museau à la queue et elle était entièrement recouverte d'écaillés noires luisantes. C'était indiscutablement un reptile marin car, à la place des pieds ou des griffes, il y avait quatre immenses nageoires, grandes comme une porte de belle taille. Et la bestiole était carrément couchée en travers de l'accès de Blade à l'eau profonde.