Il prit une poignée d'algues de son matelas et les enroula avec soin autour de ses mains, puis, avec plus de précautions encore, il rompit la miche en deux, à l'endroit du trou.
Blade examina attentivement chaque moitié. Oui. Autour de l'orifice la mie était légèrement décolorée, si légèrement qu'une personne sans méfiance n'aurait jamais pu le remarquer. Une décoloration vaguement jaunâtre, comme une pointe de safran. Retenant sa respiration, il porta le pain à son nez et le sentit rapidement. L'odeur était aussi faible que la décoloration. S'il ne l'avait pas cherchée, il ne l'aurait sans doute pas détectée.
Blade considéra aigrement le poisson et son estomac se rappela de nouveau à son bon souvenir. C'était bien tentant de supposer que la drogue, quelle qu'elle fût, n'était que dans le pain. Mais le trou et la décoloration du pain pouvaient être un « truc » aussi vieux que le micro mal caché dans une pièce. Quelqu'un de méfiant, mais pas tout à fait assez, arrachait le micro « bidon » et puis parlait librement... dans un autre bien mieux dissimulé. Les hommes-poissons s'attendaient peut-être à ce qu'il détecte le pain drogué et puis se gave de poisson.
Avec un soupir, il remit le couvercle sur le panier et, les mains toujours enveloppées d'algues par précaution, il cacha le pain et les poissons dans le matelas. Après quoi il renversa le panier et s'allongea. Il aurait bien aimé savoir au juste quelle devait être la réaction à cette drogue. Finalement, il réussit à prendre une pose abandonnée, imitant assez bien un homme inconscient, bras et jambes écartés, la respiration lente et peu profonde.