Chapitre 55
Le petit matin se levait sur la clairière.
Cellendhyll était resté un bon moment assis à s’interroger sur ce qu’il venait de voir, profondément troublé. Il finit par abandonner. Aucune réponse ne lui venait.
Impossible de cerner cet homme, qui l’avait aidé, qui l’avait sauvé, qui lui offrait – trop tard à son goût – le moyen inespéré de rentrer chez lui. Quels buts animaient Maurice ? S’il lui avait voulu du mal, il ne l’aurait jamais sauvé comme il l’avait fait. Mais s’il voulait l’aider, comme il semblait désireux de le faire, pourquoi ne s’exprimait-il que par énigmes ?
Hors-Destin.
Il soupesa la pierre dans sa main et soupira.
Partir ? En laissant derrière lui sa précieuse dague sombre ? Quitter Valkyr, la queue entre les jambes, son orgueil de combattant bafoué, sans avoir obtenu sa revanche sur Troghöl ? Cette fuite était inenvisageable, il était incapable de quitter ce Plan sans avoir obtenu sa revanche. Ce serait se renier lui-même. Et même si la vie de Faith, la dernière des Spectres, était menacée… Quant à Estrée, il la verrait en rentrant à la forteresse et il la ferait parler. Il trouvait suspect que le rouquin l’ait relâchée, celui-là n’était pas du genre à laisser des témoins derrière lui. Un instant, sa défiance revint, totale, envers la Fille du Chaos.
Si elle m’a trompé, son rang ne la protégera pas !
Il se morigéna.
Ne gaspille pas ton énergie. Tu t’occuperas du cas d’Estrée une fois rentré… Si tu rentres.
Il bénit Maurice, qui lui avait offert cette alternative miraculeuse. Cellendhyll n’avait rien compris aux explications de son nébuleux compagnon, mais il ne lui vint pas à l’esprit de douter de son intervention sur l’écoulement du temps.
Maurice m’a donné la solution. Retrouver ma dague, m’occuper de Tröghol, avant de rentrer pour délivrer Faith et éliminer les traîtres. Mais comment vaincre un Adepte ? Je l’ai déjà fait par le passé, certes, j’ai eu de la chance, et je pouvais compter sur ma dague. Tout le problème est là : comment vais-je réussir à vaincre le N’Dalloch ?
Brise le Cri.
C’était la voix de la Belle de Mort. Elle n’était plus en sa possession et pourtant elle parvenait à maintenir le lien qui les unissait. Comme à chaque fois qu’elle lui parlait, la Voix employait des mots hachés, espacés, qui semblaient venir de très loin.
Et comment ?
Cherche. En toi. Tu es plus. Qu’un Adepte.
— Dague, tu pourrais être un peu plus claire ?
Pas de réponse.
Dague ? Merci, merci bien ! Tu m’aides grandement, tu sais ?
Il lui sembla entendre un ricanement provenir de sa lame étrange.
Fichue dague, attends un peu que je te retrouve !
— Peu importe, au fond, dit-il à voix haute. Je suis un guerrier dans l’âme. Il m’est plus simple de mourir en affrontant Troghöl une nouvelle fois, que de vivre sans l’avoir tenté.