Chapitre 13

 

 

Troghöl venait de recevoir les rapports de ses Sang-Coureurs. La trace laissée par les fuyards avait soudain disparu. A priori, ils ne remontaient plus les pistes en direction du nord. Le prince s’assit sur les talons et réfléchit.

Où pouvaient être passés les membres du Chaos ? Il ne voyait pas. Avaient-ils un but précis dans leur fuite ?

En vérité, il n’était nullement inquiet, ni même contrarié. Il était le N’Dalloch des Sang-Pitié, il pliait la réalité pour l’adapter à ses désirs. Au fond, cette disparition ne faisait que pimenter la traque et augmenter le plaisir qu’il y prenait déjà.

— Nous avons perdu leur trace, murmura-t-il à Skärgash, l’Arikari à crête bleue qui venait de le rejoindre.

Son subordonné voulut poser une question mais une autre voix que la sienne s’éleva dans le dos des deux Sang-Pitié :

— Alors, prince, qu’en est-il des rapports ? Tu n’as pas perdu la trace de Cellendhyll de Cortavar, au moins ?

Troghöl se retourna sur Leprín et lui adressa un large sourire, en dépit du ton peu amène du Légat des Ténèbres.

— Tout va bien. Mes éclaireurs continuent de suivre nos proies, comme il se doit.

Une fois le Ténébreux retourné prendre sa place dans la colonne, Troghöl chuchota à Skärgash :

— Prends ceux de ton clan. Il faut retrouver la trace de ces fuyards. Je vais balader nos alliés, tu n’auras qu’à m’envoyer un messager lorsque tu seras de nouveau sur la piste du Chaos.

Le Sang-Pitié s’exécuta dans la minute, devançant la colonne qui reprit la route. Les Sang-Pitié marchaient en tête, sans se mêler à leurs alliés. Troghöl alternait entre la première position et le milieu de la double file, aux côtés du Légat.

Il chassa la traque de son esprit. Il n’avait pas que celle-ci pour motiver son retour sur Valkyr, oh non. Un autre projet, nettement plus ambitieux qu’une partie de chasse, occupait une grande part de ses pensées. Le moment n’allait pas tarder, il le pressentait jusque dans la mœlle de ses os. Troghöl était impatient de contacter ses chamans pour en avoir la confirmation : la conjonction des lunes était-elle favorable ? Si tel était bien le cas, il lui faudrait organiser un certain nombre de choses, tout en continuant de leurrer ses alliés. Aurait-il assez d’esclaves ? Il l’espérait. Il y en avait de moins en moins à utiliser. Les autochtones avaient presque tous été décimés au fil des années par la domination cruelle des Arikaris.

Bientôt, j’aurai autant d’offrandes que je le voudrais. Il me suffit de patienter et de mener mes plans à bien.

— Bientôt, susurra le N’Dalloch, faisant rouler le mot dans sa bouche comme la plus délectable des friandises.