Chapitre 12

 

 

Ils marchaient vers le nord-ouest.

Lhaër somnolait tout en avançant tant elle était exténuée. C’était l’usage répété de sa magie réparatrice qui l’avait le plus vidée de son énergie mais la marche forcée aggravait son état de lassitude. Malgré sa fatigue, elle ne se plaignait pas. Elle avançait comme les autres, prudemment. Serrant les dents.

Bodvar marchait trois pas derrière elle, légèrement sur sa droite. Il portait toujours l’avant du brancard. Il couvait la guérisseuse d’un air inquiet. Avec la charge qu’il portait, il ne pouvait cependant rien faire pour l’aider. S’avisant à son tour de l’état de la jeune femme, Estrée se proposa pour la soutenir. La rousse refusa d’un grognement las. C’est alors que Cellendhyll surgit à leurs côtés :

— Ne place pas l’orgueil au-dessus de ta santé, Lhaër. Tu n’en peux plus et je le vois. Alors laisse-toi aider. Un peu de soutien ne te fera pas de mal et je ne t’en voudrais pas pour autant… La colère que j’éprouvais est passée.

Lhaër opina, trop fatiguée même pour parler. Elle se laissa aller contre Estrée, qui enlaça sa taille pour l’aider à progresser.

Au passage, l’Adhan fit un signe de tête à la Fille du Chaos, exprimant sa gratitude. Rien ne la forçait à proposer son aide.

 

Ils établirent leur bivouac deux heures plus tard.

Lhaër semblait avoir recouvré un bon moral.

— Bodvar, je te remercie. Tu as risqué ta vie pour moi. Mais ne commets plus jamais ce genre de folie !

— Au contraire, ma colombe, je le referai à chaque fois que ce sera nécessaire. C’est même le commandant qui l’a dit !

— Mais…

— Pas de mais. Je te cède sur tous les points excepté celui-ci. Inutile d’insister.

La guérisseuse soupira :

— Bodvar, tu es un gros lourdaud mais je t’aime bien !

— Et toi une biche innocente que je protégerai au péril de ma vie !

— Non. Surtout ne dit pas ça… C’est… c’est bien trop sérieux et si triste.

— Ah non, je ne veux pas te voir triste.

— Vous avez fini tous les deux ? On va finir par croire des choses si vous continuez ainsi.

— Tais-toi, Dreylen. Tu n’es qu’un vilain sire !

— Moi aussi, je t’aime bien, Bodvar. Mais je me demande pourquoi.

— Silence, voilà le commandant, intima Élias.

Et comme à chaque fois que ce dernier parlait sur ce ton, ils l’écoutèrent.

 

Estrée vint rejoindre l’Adhan après le dîner.

— Donne-moi une arme, souffla-t-elle, qu’au moins je puisse me défendre.

Cellendhyll se laissa fléchir et fit un signe à l’attention de Khorn, lui désignant la jeune femme. Le guerrier noir comprit. Il fouilla dans son paquetage et en sortit une longue dague à lame d’acier runique, légèrement incurvée, qu’il tendit à la jeune femme.

Cellendhyll réfléchit puis ajouta à la dotation deux de ses dagues de jet en méthalion. L’héritière d’Eodh soupesa les armes l’une après l’autre, éprouva leur équilibre et leur tranchant, avant de les empocher d’un air approbateur.

Mais déjà l’Adhan la laissait pour aller prendre des nouvelles de Khémal.

Elle le regarda partir, le front plissé, et poussa un soupir.