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Au début, ce fut amusant d’avoir une femme et un assortiment d’enfants ainsi qu’un boulot authentique, et un compte en banque, et une voiture, et plusieurs costumes et toutes les autres choses qu’ont les Terriens. Hal jouait avec toutes ces nouveautés. Il lui fut possible d’incarner le rôle du mari d’Ellen sans trop de difficultés : il avait tous les éléments sous la main.
Presque quotidiennement, elle lui demandait : « Chéri, tu ne te souviens vraiment de rien ? » Et Hal répondait : « J’ai tout oublié. Mais je suis sûr que ça me reviendra. »
Ellen se mettait à pleurer. Hal s’accommodait aussi de ça. Il n’était pas en mesure de porter des jugements de valeur.
Les voisins étaient prévenants, ses amis aimables. Chacun faisait de gros efforts pour lui cacher le fait qu’il avait perdu la tête, qu’il était fou, dingue, givré.
Hal Papazian apprit tout ce que Hal Papazian avait fait jadis et le refit. La plus petite chose était palpitante. Car peut-il y avoir une plus forte expérience pour un touriste aldebaranais que de vivre la vie d’un Terrien et d’être accepté comme Terrien par d’autres Terriens ?
Il lui arrivait de se tromper, bien sûr. Faire les choses en temps voulu lui était difficile. Mais il apprit peu à peu qu’il ne fallait pas tondre la pelouse à minuit, réveiller les enfants pour la sieste à cinq heures du matin, partir au travail à neuf heures du soir. Il ne voyait pas bien l’objet de ces restrictions mais cela animait sa vie.