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Hal se rendit à l’Orange Julius de la Huitième Rue pour déjeuner. Ce snack-là était recommandé dans le Guide gastronomique économique sur Terre du gourmet interplanétaire. Hal trouva la saucisse au chili superbe. Ensuite, il se dirigea vers l’angle sud-est de la Sixième Avenue et de la Huitième Rue.
Un homme muni d’un drapeau américain se tenait devant chez Nathan’s. Une petite foule s’était rassemblée. L’homme était âgé, le visage rougeaud et marqué. Il disait : « Je peux vous affirmer que les morts vivent, et qu’ils parcourent la Terre à l’heure qu’il est. Qu’est-ce que vous pensez de ça, hein ? »
— « Personnellement, » répliqua Hal, « je suis d’accord, d’autant plus qu’une vieille aux cheveux gris et au bras atrophié se tient actuellement à vos côtés dans son corps astral. »
— « Mon Dieu, ça doit être Ethel ! Elle est morte l’année dernière, m’sieur, et depuis j’essaie en vain de lui parler ! Que dit-elle ? »
« Elle dit, et je cite : « Herbert, arrête tes conneries et rentre à la maison. T’as laissé une casserole d’eau pour bouillir les œufs sur la cuisinière. Y a plus d’eau dedans et toute la foutue baraque va cramer d’ici à une demi-heure ! »
— « Ça, c’est bien d’Ethel ! » dit Herbert. « Ethel ! Comment peux-tu prétendre encore que je dis des conneries alors que tu n’es plus qu’un fantôme toi-même ? »
— « Elle dit, » reprit Hal, « qu’un type qui n’est même pas capable de faire bouillir des œufs sans foutre le feu à sa baraque n’en sait pas lourd sur les esprits. »
— « Elle m’a toujours coincée avec ses putains d’illogismes, » dit Herbert. « Merci de votre assistance, m’sieur. »
Il se hâta de disparaître. Hal demanda : « Vous n’avez pas été un peu dure avec lui, madame ? »
— « Il ne m’a jamais écouté de mon vivant et il ne va pas commencer maintenant que je suis morte. Ça veut rien dire être trop dur avec un type comme ça. Ça m’a fait plaisir de vous parler, monsieur. Je dois m’en aller maintenant. »
— « Où ? » demanda Hal.
— « Chez moi. Dans le Foyer des Esprits Vétustés. Où voulez-vous que j’aille ? » Elle partit invisiblement.
Hal hocha la tête, plein d’admiration. La Terre ! songea-t-il. Quel endroit palpitant ! Dommage qu’il faille la détruire.
Il poursuivit son chemin. Puis il songea : Faut-il vraiment la détruire ?
Il se rendit compte qu’il n’en savait rien. Et, du coup, il en fut tout heureux.