31

 

 

Quand il le dit à Marie, elle se dirigea immédiatement vers le placard et descendit leurs valises. Elle les emporta dans la chambre et se mit à y jeter des vêtements pêle-mêle.

« Qu’est-ce que tu fais là ? » lui demanda Blaine.

— « Je fais nos bagages. »

— « C’est ce que je vois. Mais pourquoi ? »

— « Parce que nous filons. »

— « Qu’est-ce que tu me racontes là ? Nous habitons ici ! »

— « Nous habitions ici ! » dit-elle. « Ce maudit Smith nous ruine tout. Tom, il va nous empoisonner l’existence. »

— « Je veux bien te croire, » dit Blaine. « Mais est-ce que fuir est une solution ? Arrête-toi un instant et écoute-moi. Que crois-tu qu’il puisse me faire ? »

— « Nous ne resterons pas assez longtemps pour le savoir, » dit-elle.

Elle continua d’entasser des habits dans la valise jusqu’à ce que Blaine lui saisisse les poignets.

— « Calme-toi, » lui dit-il. « Je ne vais pas fuir devant Smith. »

— « Mais c’est la seule chose raisonnable à faire, » dit Marie. « Il va nous empester l’existence, mais il ne peut pas vivre beaucoup plus longtemps. Quelques mois encore, des semaines peut-être, et il sera mort. Il aurait dû mourir depuis longtemps, cet horrible zombi ! Allons-nous-en, Tom ! »

— « Es-tu devenue folle ou quoi ? » demanda Blaine. « Quoi qu’il veuille, je pourrai y faire face. »

— « Je t’ai déjà entendu dire ça, » dit Marie.

— « Les choses étaient différentes alors. »

— « Elles le sont maintenant ! Tom, nous pourrions de nouveau emprunter le voilier… Mr. Davis comprendrait… et nous pourrions aller à…»

— « Que non ! Je ne vais pas fuir devant lui ! Peut-être l’as-tu oublié, Marie, mais Smith m’a sauvé la vie. »

— « Mais pour quoi ou qui l’a-t-il fait ? » gémit-elle. « Tom, je te préviens ! Tu ne dois pas le voir, pas s’il se souvient ! »

— « Minute, » dit Blaine. « Y a-t-il quelque chose que tu sais ? Que moi je ne sais pas ? »

Elle se calma instantanément. « Bien sûr que non. »

— « Marie, est-ce que tu me dis la vérité ? »

— « Oui, chéri. Mais j’ai peur de Smith. Je t’en supplie, Tom, fais ce que je demande, pour une fois… allons-nous-en. »

— « Je n’ai plus l’intention de fuir qui que ce soit, » dit Blaine. « Je vis ici. Un point, c’est tout. »

Marie s’assit, l’air soudain épuisée. « D’accord, mon chéri. Fais pour le mieux. »

— « Voilà qui me paraît plus raisonnable, » dit Blaine. « Tout va s’arranger. »

— « Bien sûr, » dit Marie.

Blaine remit les valises en place et accrocha les vêtements. Puis il s’assit pour attendre. Physiquement, il était calme. Mais dans son souvenir il était revenu dans le monde souterrain, il repassait par la porte chamarrée et recouverte d’hiéroglyphes égyptiens et d’idéogrammes chinois, dans le vaste Palace de la Mort aux piliers de marbre avec son cercueil en or et en bronze. Et à nouveau il entendait la voix perçante de Reilly lui parler à travers un brouillard argenté :

« Il y a des choses que vous ne pouvez pas voir, Blaine, mais je les vois, moi. Votre temps sur Terre sera bref, très bref, douloureusement bref. Ceux en qui vous avez confiance vous trahiront. Ceux que vous haïssez vous convaincront. Vous mourrez, Blaine, non pas dans des années mais bientôt, plus tôt que vous le croiriez. Vous serez trahi et vous mourrez de votre propre main. »

Ce vieux fou ! Blaine frissonna légèrement et regarda Marie. Elle était assise, les yeux baissés, en attente. Alors, il attendit aussi.

Au bout d’un temps, on frappa légèrement à la porte.

« Entrez, » dit Blaine à celui ou celle qui était dehors.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le temps meurtrier
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