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New York était glacé, au cœur de l’hiver, et le vent hurlait dans les avenues. Marie se hâtait vers un grand bâtiment en pierre de taille, non loin de la Troisième Avenue. Gravé au-dessus de la porte, on pouvait lire : « Dédié à la Libre Communication Entre Ceux de la Terre et Ceux de l’Au-delà. »
Elle pénétra à l’intérieur du Central Spirite, se dirigea vers la réception et présenta un petit papier.
« Ça, ce sont les Messages Reçus, » dit l’accorte réceptionniste aux cheveux gris. « Tout droit jusqu’au bout du couloir, cabine 32 B. »
Marie suivit le couloir et entra dans une petite pièce grise avec plusieurs fauteuils et un haut-parleur fixé au mur. Elle attendit.
« Marie ! » dit une voix émanant du haut-parleur.
— « Tom ! »
— « Je suis content de te revoir, Marie. »
— « Mais pourquoi as-tu attendu si longtemps avant de me contacter ? » demanda-t-elle. « Je pensais… j’avais peur que tu n’y sois pas arrivé. »
— « J’ai bien atteint le Seuil, » dit Blaine. « Mais ça m’a pris un moment pour… m’orienter. »
— « Comment est-ce ? »
— « Ça, c’est difficile à expliquer. Ray Melhill avait essayé de me le dire, mais je ne comprenais pas de quoi il parlait. Je vois maintenant. Il avait tout à fait raison… la couleur est véritablement direction, et tous deux sont pratiquement identiques au son. La position, voilà ce qui compte, car tout est question de plénitude. Tu vois, dans le Seuil, tu peux faire l’expérience d’une infrastructure et la percevoir également. Mais il n’y a pas vraiment de dissociation. Tu comprends ? »
— « Non, » dit tristement Marie.
— « Eh bien, tu verras toi-même un jour. Dis-moi, comment va Robinson ? »
— « Très bien, » dit Marie. Il a épousé Alice Kranch, tu sais. »
— « Oh ! je sais ça ! Je veux dire : a-t-il commencé à rassembler les religions ? »
— « Il n’y a pas pensé encore. »
— « Ça viendra. »
— « Tom, » dit Marie, « et nous ? Est-ce que nous nous reverrons ? »
— « Oui, très certainement. »
— « Mais quand ? Est-ce que… est-ce que je peux venir maintenant ? »
— « Non. Tu le sauras quand le moment sera venu. »
— « Mais, Tom, si nous étions séparés ? Comment ça sera dans l’Au-delà ? Je ne crois pas que cela va me plaire. J’ai peur que ce ne soit terriblement étrange, spectral et horrible. »
— « Tu te trompes. Je ne peux pas t’expliquer, mais ça n’a rien de spectral. Nous serons ensemble, seulement je ne peux pas t’expliquer quand. »
— « Oh ! Tom ! »
— « Ne t’en fais pas, Marie. J’ai été assistant-dessinateur de yachts trois fois dans mes deux vies. C’est mon destin ! Ne va pas t’imaginer que tout finit là ! Il y a plus ! Beaucoup plus ! »
— « D’accord, Tom, » promit-elle. « J’attendrai. »