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DD
Comme le vaisseau à l’armature saillante pénétrait dans le système qui abritait le dernier groupe de robots klikiss en hibernation, Sirix poursuivit ses effrayants récits au sujet de leurs créateurs. DD fut épouvanté d’apprendre que l’extermination de l’espèce humaine allait commencer.
À mesure qu’ils approchaient du planétoïde, Sirix repéra une débauche d’activité inattendue.
— Je détecte de nombreuses transmissions en langage klikiss. Ces robots n’auraient pas dû être activés. Quelque chose ne va pas.
Leur vaisseau piqua en direction du petit monde glaciaire, et la base apparut subitement. Sirix l’afficha sur les écrans tactiques.
— Il y a des signes de technologie humaine ici. Tes créateurs sont venus avant nous.
— Une colonie humaine ? dit DD avec un regain subit d’intérêt. Auraient-ils réveillé les robots par accident ?
— Cette possibilité jouerait à notre avantage. Nos derniers compagnons ont presque achevé le travail. Ils ont acquis par eux-mêmes des matériaux et des composants des humains qui se trouvaient là.
Acquis. À sa grande consternation, DD constata que la colonie était anéantie. Nul doute que ses habitants avaient été massacrés, à l’instar des colons de Corribus.
Sirix s’identifia et indiqua sa mission par radio, tout en se dirigeant vers la base centrale grouillant de machines.
— Je détecte une montée d’énergie anormale. De nombreuses transmissions simultanées émanent des robots au sol.
— Ils semblent en détresse.
DD repéra un écho, comme un vaisseau décollait du planétoïde. Malgré la faible résolution du radar, il reconnut la configuration d’un vaisseau humain. Quelqu’un vivait encore.
Une voix humaine se mit à crachoter dans le micro – un jeune homme rempli d’effroi :
« Au vaisseau en approche : faites demi-tour ! Jonas 12 va se transformer en chaudron brûlant dans quelques secondes. Je ne plaisante pas… »
Soudain, la transmission s’interrompit, lorsque le pilote s’aperçut qu’il n’était pas en liaison avec un vaisseau humain.
La tête de Sirix pivota vers DD.
— Si des humains ont découvert notre enclave secrète, on ne peut leur permettre de s’échapper et de donner l’alarme. Nous sommes dans une phase critique de notre plan.
Il obliqua en direction du vaisseau qui s’échappait du puits gravifique de Jonas 12. DD perçut un bourdonnement hydraulique.
— Jusqu’à présent, dit Sirix, tu n’as rien su de l’armement de cet appareil.
— Vous n’avez pas à les tuer, implora le comper.
— C’est nécessaire.
Et, sans attendre, il tira deux missiles. Avec un cri, le pilote humain fit tournoyer frénétiquement son appareil, tandis que les deux fusées convergeaient vers lui. Mais malgré ses louvoiements et ses vrilles, l’un des missiles heurta ses moteurs. L’explosion projeta le vaisseau dans un plongeon incontrôlable. DD le vit descendre vers la surface, puis s’écraser sur un affleurement gelé à la limite de l’horizon, loin de la base infestée de robots.
— Maintenant, je peux me concentrer sur l’origine de cette agitation, dit Sirix. Le pilote humain a évoqué un désastre imminent.
DD aurait désespérément voulu chercher des survivants, les aider, mais Sirix ne le permettrait jamais.
— Tu n’as pas à t’inquiéter, DD. Une équipe de robots klikiss se rendra sur le lieu du crash et abattra les survivants, comme sur Corribus.
Pendant que son appareil descendait vers le chantier, Sirix demanda des informations par radio. Au sol, des dizaines de robots s’étaient rassemblés autour d’une vaste enceinte de confinement.
DD bascula ses capteurs optiques sur les infrarouges et s’aperçut que la structure rougeoyait littéralement. L’énergie dégagée augmentait de seconde en seconde. Enfin, les robots klikiss accusèrent réception du signal de Sirix et transmirent un résumé de la situation.
DD traduisit le message. Très vite, il se rendit compte qu’il n’y avait aucun moyen de stopper l’emballement du réacteur. Sirix aboutit à la même conclusion et changea immédiatement de trajectoire.
— Il faut abandonner l’idée d’atterrir, et s’échapper.
Pour une fois, DD était d’accord avec son geôlier. Leur appareil s’éloigna en hâte. D’après son interprétation des relevés, le comper estima qu’il restait moins d’une seconde avant que…
Dans un éclair d’énergie, la structure de confinement se vaporisa. L’onde de choc désintégra tout sur son passage, fauchant les robots klikiss agglutinés autour de la pile, écrasant les vaisseaux. Elle s’éleva beaucoup plus rapidement que le vaisseau de Sirix. Les protons accélérés allaient le percer de part en part, tel un blizzard hyperénergétique. DD s’arrima, sachant que rien ne stopperait l’impulsion destructrice.
Le souffle les percuta par l’arrière. Les poutrelles d’armature se gauchirent, l’un des moteurs explosa. Dans un mouvement confus de ses bras articulés, Sirix se démena avec les commandes puis déploya quatre nouveaux bras de manipulation.
Loin en dessous, la base de Jonas 12 s’était muée en une boule de feu qui vaporisa l’hydrogène et le méthane gelés, creusant un grand cratère en fusion qui allait s’élargissant.
Désemparé, le vaisseau endommagé des deux robots chuta dans l’espace.