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LE ROI PETER
À leur arrivée sur Ildira, Peter oublia ses soucis – jusqu’à la présence du président – lorsqu’il vit le ravissement épanouir le visage de sa bien-aimée.
Le couple admira les édifices cristallins baignés de couleurs et de miroitements aveuglants. L’air de l’astroport les grisait d’un suave mélange de parfums.
Portant le surgeon dans ses mains, Estarra se tourna vers Peter, un grand sourire aux lèvres.
— J’ai vu les arbremondes de Theroc, j’ai vu le Quartier du Palais sur Terre, mais je n’ai jamais rien vu de semblable, même si Reynald nous avait raconté sa visite à Mijistra. Il va me falloir revoir mes critères d’émerveillement.
Peter riait lorsqu’ils émergèrent du vaisseau de transport diplomatique pour rencontrer le comité de réception du Mage Imperator. Le prodigieux Palais des Prismes se dressait devant lui, composé de masses hémisphériques et ovoïdes, de spires, de balcons, de ponts cintrés. Tels des projecteurs, les soleils multiples éclairaient de toutes parts, irradiant des lumières de différentes couleurs qui traquaient la moindre parcelle d’ombre.
Formant un ensemble parfait, un groupe de gardes à l’allure féroce approcha, accompagné par un défilé de fonctionnaires et de nobles à la physionomie plus humaine. Des courtisanes à la tête rasée et ornées de tatouages de couleurs changeantes et de motifs réfléchissants se tenaient à leurs côtés, tels des trophées.
Basil descendit par la rampe du vaisseau diplomatique, à la suite d’un groupe de gardes royaux en uniforme de cérémonie et de quelques bérets d’argent. Il ne daigna pas jeter un coup d’œil au tableau qui s’étendait devant lui, au point que Peter se demanda s’il avait jamais apprécié les petites choses qui composaient la réalité, ou s’il ne s’intéressait qu’aux situations globales.
Le président regarda le pot d’Estarra et fit la grimace.
— D’où cela provient-il ?
— Il s’agit d’un cadeau destiné au Mage Imperator, répondit la reine. C’est l’un des surgeons que j’ai apportés de Theroc.
— La reine fait comme bon lui semble avec ses surgeons, intervint Peter, coupant court aux reproches de Basil. Ce présent rappellera au Mage Imperator son amitié avec Reynald. Songez au profit diplomatique.
Plutôt que de céder sur ce point, le président prétendit qu’il n’avait pas le temps d’argumenter. Prenant la tête du groupe, il s’inclina roidement devant un fonctionnaire qui devait être l’équivalent d’un ministre du Commerce.
— Je suis le président Wenceslas de la Ligue Hanséatique terrienne. Le roi Peter et la reine Estarra m’accompagnent.
Le ministre salua à l’ildirane, plaquant un poing sur le sternum puis levant les deux mains. Au grand mécontentement de Basil, il focalisa son attention sur Peter.
— Nous sommes honorés de recevoir le roi et la reine des humains, ainsi que leur compagnon.
Voyant le déplaisir du président à être ainsi traité comme un subordonné, Peter eut grand-peine à dissimuler un sourire. Il prit Estarra par le bras, lui laissant la charge du surgeon, et ils s’avancèrent de conserve. Le roi et la reine, unis en politique comme en amour.
Le Palais des Prismes reposait au sommet d’une colline régulière, d’où s’écoulaient sept canaux, répartis comme les rayons d’une roue. Des processions d’Ildirans arpentaient les chemins s’enroulant autour de la colline, vers les entrées voûtées de l’édifice.
— Sommes-nous priés de suivre un cérémonial pour rencontrer le Mage Imperator ? demanda Estarra.
Le ministre désigna les pèlerins qui effectuaient des ablutions dans les canaux. Ensuite, chacun d’eux traversait le flot puis remontait le chemin en spirale vers le canal suivant.
— C’est ainsi que les Ildirans présentent leurs respects, selon une pratique ancestrale. Nous n’avons pas d’obligations religieuses comme les humains, mais nos traditions ont le poids de ce que vous appelleriez des « lois sacrées ». À moins de se couvrir de honte, un pèlerin ne s’écartera jamais du long et pénible chemin que les visiteurs doivent suivre avant de contempler le Mage Imperator.
Basil tiqua à l’évocation du « long et pénible chemin », car il considérait leur visite comme une simple formalité politique.
— Vous oubliez que le roi Peter dirige la Ligue Hanséatique terrienne. Pour nous, il est l’égal du Mage Imperator.
D’une voix neutre, le ministre s’adressa de nouveau à Peter, comme si Basil et Estarra n’existaient pas :
— Nul n’égale le Mage Imperator.