81

ORLI COVITZ

Cela faisait seulement trois jours qu’Orli se tournait les pouces sur la base militaire, et elle en avait déjà assez de la Lune. L’amiral Stromo devait revenir aujourd’hui de Corribus avec les preuves de l’attaque ; mais il n’y avait aucune surprise à attendre de ce côté-là.

Le général Lanyan en avait fini avec elle et Hud Steinman, et l’on s’apprêtait à les renvoyer sur Terre, où l’on supposait qu’ils voulaient se rendre. En dépit de recherches approfondies dans les bases de données, personne n’avait été capable de retrouver sa mère. Orli ne savait pas très bien où aller, mais elle parviendrait d’une façon ou d’une autre à se débrouiller toute seule. Elle y arrivait toujours.

Dans les semaines qui avaient suivi le massacre, elle avait pleuré son père, mais en ce moment elle se sentait surtout vide, comme assommée. Il lui faudrait longtemps pour accepter tout ce qu’elle avait vu. Dans les quartiers mis à sa disposition, elle jouait de la musique pendant des heures.

Un soldat l’emmena au quai d’embarquement de la navette, où Steinman l’attendait. Le vieillard était débraillé et poussiéreux, bien qu’il ait eu largement le temps de se laver, de se raser et de passer des vêtements propres. Orli songea qu’il appartenait à cette espèce d’hommes qui, quoi qu’ils fassent, avaient toujours l’air mal fagotés.

Son visage s’illumina en la voyant.

— Eh, gamine ! Sur Terre, ils doivent penser que les colons et les réfugiés sont tous interchangeables : ils nous envoient avec ces types de Crenna sur un autre monde klikiss.

— Papa me disait toujours qu’il fallait se réjouir d’avoir la chance d’un nouveau départ.

Steinman secoua la tête.

— Corribus était le dessus du panier. On peut parier que le prochain endroit ne sera pas aussi bien.

Orli s’assit à côté de lui, le dos au mur.

— Tant qu’ils nous envoient sur une planète qui ne sera pas détruite…, murmura-t-elle.

Elle ramena ses genoux sous son menton et poussa un profond soupir. Dans sa tête, elle entendit la voix de son père, qui la grondait : « Garde le moral, ma fille. Rebondis ! Celui qui a les yeux fixés sur ses chaussures ne peut pas voir les étoiles. »

Un jour, Jan Covitz avait posé ses doigts sur ses lèvres et avait suivi leur contour.

« Tu vois ? Quand on sourit, les lèvres forment une coupe, dans laquelle on peut recueillir la chance. Mais quand on est maussade… (son doigt avait tiré ses lèvres vers le bas) la chance s’éloigne, en coulant le long du menton ! »

À ses côtés, Steinman continuait à bavarder :

— On dirait que tous mes efforts pour m’éloigner de la foule se sont retournés contre moi…

— Beaucoup de choses se sont retournées contre nous. Et contre le capitaine Roberts. Il nous a aidés, et regardez ce qu’il a récolté comme problèmes ! (Orli jeta un coup d’œil au vaisseau de transport qui devait les faire descendre sur Terre.) Dans combien de temps partons-nous ?

Steinman haussa les épaules.

— On est tributaires du planning de l’armée. On part quand on nous le dit, et le reste du temps on attend.

— Il faut que j’aille dire au revoir au capitaine Roberts.

Elle courut jusqu’à l’un des soldats en faction sur le quai de lancement et lui demanda à voir son ami.

— Il est en prison, euh… m’dame, répondit le soldat. Je ne crois pas qu’on lui permette de recevoir des visiteurs. La cour martiale se réunit dans quelques heures.

— Ce serait seulement pour une minute. Vous ne pouvez pas vérifier ? Je suis sûre que le général Lanyan fera une exception.

Elle harcela le garde jusqu’à ce qu’il transmette sa demande, qui fut soumise à un supérieur puis à une tierce personne, avant qu’enfin on l’escorte dans l’étage carcéral.

— Vous n’avez que dix minutes, grogna le garde.

— Je sais. Ma navette décolle bientôt.

Le capitaine Roberts avait l’air misérable, assis sur sa couchette, tandis qu’une grosse femme arpentait la cellule tel un orage en mouvement. Orli reconnut Rlinda Kett ; celle-ci avait piloté le Curiosité Avide, qui les avait emmenés, son père et elle, de Dremen jusqu’à la planète au transportail.

— Bien sûr que je me souviens de toi, ma jeune dame, gloussa le capitaine Kett en réponse au salut d’Orli. Au vu de la tournure des événements, j’aurais préféré ne jamais vous avoir emmenés sur Rheindic Co. Vous vous seriez mieux portés en restant sur Dremen.

Orli contempla le visage de chien battu de Roberts, couronné d’un halo de cheveux gris en bataille.

— Je suis désolée de vous avoir mis dans un tel pétrin, capitaine.

— Il n’y a rien que l’on puisse faire, ma petite demoiselle, répondit-il d’une voix lasse. Et je n’aurais pas changé ma ligne de conduite, de toute façon. On aurait pu penser qu’ils manifesteraient un minimum de gratitude.

— Est-ce que je peux vous aider d’une façon ou d’une autre ? Proclamer quel honnête homme vous êtes, par exemple ? Je pourrais être un… comment ils appellent ça ? un témoin de moralité ?

— C’est sûr qu’il a de la moralité, maugréa Rlinda. Mais les tribunaux militaires n’obéissent pas à ce genre de règle. Tout ce qui les intéresse, c’est un résultat bien particulier, et on peut être certains qu’ils l’obtiendront.

— Je me sens comme une plume dans la tuyère d’un vaisseau spatial, dit Roberts. Pourquoi n’attendent-ils pas que l’amiral Stromo revienne avec son rapport ? Une fois qu’ils auront compris la réalité du danger, ils auront mieux à faire que de s’occuper de moi.

— Je suis vraiment désolée, répéta Orli.

— Ne t’inquiète pas, jeune dame, fit Rlinda en tapotant son épaule. Tout ira bien.

Le capitaine Roberts se redressa sur sa couchette.

— Ne lui mens pas. Elle a déjà surmonté beaucoup de choses.

Rlinda la poussa vers la porte, un sourire stoïque aux lèvres.

— Il est temps pour la jeune dame d’aller prendre sa navette, BeBob. Toi et moi avons un plan à discuter.

Soleils éclatés
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