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Timbl
Olmy sentit plus qu’il ne vit la porte se refermer au-dessus de lui. Des craquements déchirèrent l’atmosphère sèche, et une sorte de gémissement plaintif s’éleva de l’endroit où ses pieds avaient touché sans heurt le sable rouge. Puis tout redevint silencieux, à l’exception du murmure d’une brise légère.
Un instant, il craignit de ne trouver rien d’autre qu’un monde déjà conquis par les Jartes, emballé et préservé par des fanatiques à l’intention du commandement descendant. Mais ce n’était pas le cas. Timbl n’avait pas été envahi. Apparemment, les Jartes ne s’étaient pas, jusqu’à maintenant, donné la peine de rouvrir cette porte particulière, et ils ne reviendraient plus jamais ici.
Debout face à l’éclat intense et aveuglant du soleil de Timbl, il souriait d’un air radieux. Son épiderme amélioré était capable d’absorber la quantité d’ultraviolets rayonnée ici. Il en éprouvait même un plaisir presque familier. Le temps qui s’était écoulé ne semblait pas avoir introduit de grande différence. Timbl serait son chez-lui.
Il se trouvait au sommet d’une colline. Au pied de cette colline, au nord, s’étendait une large esplanade au revêtement blanc parfaitement entretenu malgré l’absence de véhicules de l’Hexamone. C’était l’endroit où s’ouvrait jadis la porte principale qui donnait accès à Timbl. On l’avait fermée juste avant la Séparation, lorsque l’Hexamone avait commencé à se retirer de la Voie.
Olmy se tourna vers l’ouest, où il pouvait apercevoir l’océan d’un bleu miroitant. Une traînée de lumière, en forme de virgule, traversa le ciel au-dessus de l’eau, rapidement interceptée par un rayon mauve. Des fragments de comètes tombaient toujours sur Timbl, et les défenses installées par l’Hexamone fonctionnaient toujours. Il ne pouvait pas s’être écoulé tant de temps, finalement.
Il y avait probablement de nombreux citoyens de l’Hexamone sur Timbl, des réfugiés bloqués là après la fermeture de la porte. Il ne manquerait pas de compagnie humaine. Mais ce ne fut pas la première chose dont il se mit en quête.
Tout visiteur sur Timbl, pour avoir un statut officiel, devait être personnellement accueilli par un Frante.
Au tout début de leur histoire, lorsque Timbl était dévasté par d’incessantes chutes de comètes, les Frantes avaient suivi une évolution qui leur permettait de transmettre les souvenirs et l’expérience de chaque individu au reste de la collectivité. La grande masse des Frantes était dépositaire des souvenirs de chacun, sinon dans le détail, du moins sous la forme d’une sorte d’histoire innée. Chaque Frante qui rentrait chez lui après un voyage était rapidement absorbé, intégré et remis à jour.
En ce moment même, tous les Frantes adultes de Timbl devaient savoir le principal de l’histoire d’Olmy. Ils avaient dû assimiler l’expérience des Frantes avec qui Olmy avait eu l’occasion de travailler au cours des décennies passées, partageant leurs souvenirs et diffusant leur personnalité. Chaque Frante adulte devait être son ami.
C’était certainement plus qu’il ne méritait, mais c’était ainsi.
Il descendit le versant est de la colline, en direction des champs ondoyants où les cultures bleu et jaune étaient déjà prêtes pour la récolte, et s’avança dans le village où se dressait, au centre, l’édifice caractéristique en forme de stoûpa. Il passa devant un groupe de jeunes Frantes qui le suivirent des yeux d’un air impassible. Ils ne pouvaient pas le reconnaître déjà.
Il rencontra son premier Frante adulte devant la place du marché, fermée pour la période de repos de midi.
Le Frante, grand et dégingandé, la figure étroite, les yeux saillants sur les côtés, les épaules drapées de la feuille cérémonielle, était assis sur un large banc de pierre. Il le contempla silencieusement un long moment avant de dire :
— Bonjour, ser Olmy. C’est une surprise de vous voir ici.
— Tout le plaisir est pour moi, lui répondit Olmy.