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La Voie
L’étranglement s’était formé, provoquant la destruction des premières chambres du Chardon. Les forces en jeu allaient avoir pour effet d’imprimer un mouvement circulaire à l’astéroïde comme un morceau de bois sur son tour. Le mouvement s’inverserait probablement à un moment donné, lorsque l’étranglement commencerait à se propager le long de la Voie, ce qui aurait pour conséquence de tout détruire à l’intérieur du Chardon.
Korzenowski voyait le déroulement des événements avec une clarté fébrile. Ses implants ne cessaient de rejouer le scénario de la fin de l’astéroïde avec un réalisme douloureux et persistant auquel il était incapable de s’opposer. Quelque chose qui ressemblait à un sentiment de culpabilité personnelle le forçait à imaginer cette destruction dans tous ses détails.
Il était directement responsable de ce qui se passait. C’était lui qui avait construit la Voie et enfoncé l’écharde dans le doigt de Dieu.
Il y avait un peu moins de cinq heures qu’ils voyageaient. Ry Oyu se laissait flotter à l’avant, le visage impassible.
Le vaisseau-faille vibrait légèrement. Olmy afficha une vue séparée des quelques milliers de kilomètres de Voie qui se trouvaient devant eux. Il aperçut d’étranges plaques rectangulaires qui flottaient à environ mille mètres au-dessus de la faille proprement dite.
Nous sommes en vue d’une station de faille, avertit le Jarte. Commencez à décélérer.
Il inversa la pression des crampons, ce qui fit briller la faille d’un vert vif et fluorescent. Pour s’arrêter totalement, il leur faudrait parcourir encore cinq millions de kilomètres. La station de faille devait se trouver à peu près à cette distance, si les calculs du Jarte étaient exacts.
— Nous allons atteindre une station de faille dans quatre heures environ, annonça Olmy à l’Ingénieur.
Le Jarte prit le contrôle et commença à transmettre des signaux par l’intermédiaire des communicateurs radio du vaisseau-faille.