Préface

L’une des plus surprenantes idées de la Science-Fiction est sans doute celle des univers parallèles. Elle avait au départ aussi peu de fondements scientifiques que celle du voyage dans le temps dont elle se déduisait en somme comme une conséquence de la possibilité de modifier l’histoire. Chaque explorateur du temps, en modifiant son passé, donne naissance à une autre succession d’événements que celle qui a conduit à son voyage. La nouvelle histoire n’annule et ne remplace pas l’ancienne mais elle en constitue un embranchement.

Mais cette idée prenait aussi source dans l’uchronie, c’est-à-dire l’évocation des possibles de l’histoire qui ne se sont pas réalisés à notre point de vue, conception qui entraîne elle-même la conjecture de la coexistence de toutes ces variations en une arborescence infinie. Il est bien difficile de dire qui eut l’idée première de ces uchronies car il n’existe pas d’histoire sérieuse sur le sujet, mais le thème est sans doute fort ancien. Pascal l’évoque en une allusion aux effets d’une modification de la longueur du nez de Cléopatre. Un double exemple fort remarquable en est donné par le Napoléon apocryphe (1836) de Louis Geoffroy et par le bref et justement fameux texte de J.B. Pérès, Comme quoi Napoléon n’a jamais existé (1827)(1).

Le thème des univers parallèles a été fort bien illustré par un roman de Fredric Brown, L’Univers en folie, et par un autre de Clifford D. Simak, Chaîne autour du soleil et beaucoup plus récemment par Robert Reed dans La voie terrestre. Celui des histoires alternatives a été exploité dans une multitude de nouvelles et de romans dont les plus connus sont sans doute Le maître du haut château de Philip K. Dick et Rêve de fer de Norman Spinrad.

Éternité combine allègrement les deux thèmes. Dans l’infinité des univers parallèles, il en est forcément qui correspondent à d’autres cours de l’histoire que nous connaissons. Et les personnages d’Eon peuvent espérer en retrouver un où la destruction de l’humanité a été évitée.

C’est en quelque sorte le fantasme ultime. Ce monde-ci ne vous plaît pas ? Quelque chose a mal tourné dans la grande histoire ou dans votre histoire personnelle ? Jetez un coup d’œil sur notre catalogue. Nous vous offrons le destin idéal.

 

Le plus curieux est que cette hypothèse développée par des philosophes puis par des écrivains de Science-Fiction pour satisfaire des besoins de cohérence et de symétrie a fini par obtenir une sorte de validation scientifique. En 1957, le physicien Hugh Everett III proposa une interprétation de l’effondrement d’onde de probabilité dans la physique quantique, qui recouvrait exactement l’idée d’univers parallèles. Il indiquait que chaque fois que l’on procède à une mesure dans un système caractérisé par l’indétermination quantique, on obtient un résultat dans notre univers mais que chacun des autres résultats possibles donne naissance à un univers différent. Comme on peut considérer que chaque décision correspond à une mesure, l’univers ne cesserait de donner naissance à de nouveaux embranchements.

C’est un exemple assez rare de théorie imaginée par des écrivains, sans fondement dans le savoir scientifique et qui a été ensuite rejointe par les physiciens dans leur spéculation. Il ne m’est pas possible de dire si Everett était un amateur de Science-Fiction mais ce n’est pas du tout invraisemblable.

Malheureusement pour les amateurs d’un meilleur destin, l’état actuel de la théorie, perfectionnée par la suite par De Witt et Wheeler, indique aussi qu’aucune communication et donc aucun passage n’est possible entre ces univers divergents. L’interprétation des univers multiples (many worlds interpretation) est entièrement compatible avec le formalisme de la mécanique quantique, mais elle ne semble ni pouvoir être validée ni pouvoir être exploitée.

Pour l’instant.

Raison de plus pour suivre dans ses audacieuses extrapolations un Greg Bear qui jongle avec les espaces et les mondes comme un démiurge allumé et pour qui, en somme, tout est possible.

G.K.

Éternité
cover.xhtml
book_0000.xhtml
book_0001.xhtml
book_0002.xhtml
book_0003.xhtml
book_0004.xhtml
book_0005.xhtml
book_0006.xhtml
book_0007.xhtml
book_0008.xhtml
book_0009.xhtml
book_0010.xhtml
book_0011.xhtml
book_0012.xhtml
book_0013.xhtml
book_0014.xhtml
book_0015.xhtml
book_0016.xhtml
book_0017.xhtml
book_0018.xhtml
book_0019.xhtml
book_0020.xhtml
book_0021.xhtml
book_0022.xhtml
book_0023.xhtml
book_0024.xhtml
book_0025.xhtml
book_0026.xhtml
book_0027.xhtml
book_0028.xhtml
book_0029.xhtml
book_0030.xhtml
book_0031.xhtml
book_0032.xhtml
book_0033.xhtml
book_0034.xhtml
book_0035.xhtml
book_0036.xhtml
book_0037.xhtml
book_0038.xhtml
book_0039.xhtml
book_0040.xhtml
book_0041.xhtml
book_0042.xhtml
book_0043.xhtml
book_0044.xhtml
book_0045.xhtml
book_0046.xhtml
book_0047.xhtml
book_0048.xhtml
book_0049.xhtml
book_0050.xhtml
book_0051.xhtml
book_0052.xhtml
book_0053.xhtml
book_0054.xhtml
book_0055.xhtml
book_0056.xhtml
book_0057.xhtml
book_0058.xhtml
book_0059.xhtml
book_0060.xhtml
book_0061.xhtml
book_0062.xhtml
book_0063.xhtml
book_0064.xhtml
book_0065.xhtml
book_0066.xhtml
book_0067.xhtml
book_0068.xhtml
book_0069.xhtml
book_0070.xhtml
book_0071.xhtml
book_0072.xhtml
book_0073.xhtml
book_0074.xhtml
book_0075.xhtml
book_0076.xhtml
book_0077.xhtml
book_0078.xhtml
book_0079.xhtml
book_0080.xhtml
book_0081.xhtml
book_0082.xhtml
book_0083.xhtml
book_0084.xhtml
book_0085.xhtml
book_0086.xhtml
book_0087.xhtml
book_0088.xhtml
book_0089.xhtml
book_0090.xhtml
book_0091.xhtml
book_0092.xhtml