73
Le Chardon
Les derniers archivistes et archéologues de l’Hexamone retirèrent les centaines de milliers de partiels créés à la hâte dans les deuxième et troisième chambres pour effectuer une vérification finale des cités du Chardon. Faute de temps, les autres chambres avaient été laissées de côté.
Le contenu de la mémoire civique et des différentes bibliothèques du Chardon avait été engrangé. Seules demeuraient intouchées les sources d’information cachées et les données dissimulées dans des endroits secrets, au cours des siècles, par des individus qui se défiaient des contacts directs avec les bibliothèques. Qui pouvait dire quelle quantité d’histoire serait perdue si toutes ces caches étaient détruites avant d’avoir pu être découvertes et analysées ?
Les archivistes étaient d’autant plus frustrés que l’Hexamone, avant la Séparation, avait eu des siècles pour explorer les cités abandonnées, et qu’il avait interdit presque toutes les recherches de cette sorte sous le prétexte peu plausible que quelqu’un pourrait saboter la machinerie de la sixième chambre. Après la Séparation, les archivistes pensaient avoir tout le temps nécessaire. Personne n’imaginait qu’un jour comme celui-ci surviendrait.
Les forces de défense se retirèrent en même temps que les derniers archivistes. Seuls demeuraient en arrière quelques individus suicidaires ou amateurs d’émotions fortes. Parmi eux figurait Farren Siliom, décidé à expier sa décision bien qu’elle eût été justifiée.
Assis dans son observatoire élevé, au décor neutre, qui dominait la cité de la troisième chambre, pictant autour de lui des symboles artistiques, il attendait patiemment. Jusqu’à présent, personne n’était au courant de sa présence ici. Cela lui épargnait la gêne des sauvetages de dernière minute, pour le cas où quelqu’un aurait été assez discourtois pour vouloir faire obstruction à la fin librement choisie d’un citoyen.
Il n’y avait pour le moment aucun signe de destruction imminente. Le Chardon était stable et le tube au plasma brillait d’un éclat régulier.