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Davlin Lotze
Le ciel de Llaro comportait suffisamment d’étoiles pour éclairer leur chemin, et les yeux de Davlin s’accommodèrent sans peine à l’obscurité nocturne, lui permettant de se concentrer sur leur but. Une nouvelle mission. Il n’avait jamais songé revenir en cachette et de nuit dans la colonie.
Il avait marché d’un pas soutenu à travers champs, et Hud Steinman avait suivi le rythme. Tous deux comprenaient l’urgence de la situation et s’inquiétaient du sort des personnes piégées derrière le mur d’enceinte de la colonie. À l’écoute de l’appel de Clarin, nombreux avaient été ceux à vouloir se joindre au combat imminent. Mais Davlin avait catégoriquement refusé leur offre :
— Vous êtes ici à présent, et vous devez prendre soin les uns des autres. Deux, cela suffit. Je ne veux pas avoir à secourir quiconque une seconde fois.
Ils approchèrent avec précaution de la colonie, à l’affût du moindre cliquetis signalant un guerrier en chasse. Ils aperçurent la lueur des éclairages de fortune installés pour refouler les ténèbres. Tout près, la cité klikiss luisait d’une étrange phosphorescence. La structure du transportail récemment construit se dressait à ciel ouvert, assez grande pour permettre au spécex d’envoyer ses armées éliminer les autres sous-ruches.
Comme Steinman l’avait prévu, les ouvertures dans le mur d’enceinte avaient été colmatées, mais les barricades ne semblaient pas particulièrement solides. Au moyen de son couteau militaire, Davlin creusa un trou à travers la paroi de fortune.
Trop nerveux pour dormir, les colons arpentaient les rues de la ville enclavée. Les deux hommes furent rapidement découverts et accueillis. Un messager courut chercher Roberto Clarin, et Davlin se prépara à commencer sa besogne.
Très vite, Clarin avait déterré les armes et le matériel que l’ancien espion avait cachés en lieu sûr. Le chef vagabond qui vint à leur rencontre semblait ne pas avoir dormi depuis des jours : ses yeux étaient injectés de sang, ses cheveux bruns étaient en bataille. Ruis, le maire, était aussi hagard que lui.
— Vous autres, les gars de Crenna, vous devriez cesser de vous fourrer dans ces situations, dit Davlin, toujours pince-sans-rire.
Le visage de Ruis s’éclaira.
— Sortez-nous de celle-ci, et je vous promets que nous deviendrons les gens les plus ennuyeux de tout le Bras spiral.
Les prisonniers avaient fait des préparatifs de défense, et Clarin avait biffé les tâches accomplies sur un vieux pad.
— Margaret Colicos ne peut dire précisément quand le spécex agira, leur apprit le chef vagabond. On a récupéré assez d’armes pour infliger pas mal de dégâts à ces bestioles, et les volontaires ne manquent pas pour un coup de force. Crim et Marla Chan Tylar s’occupent des armes, et entraînent des équipes de tireurs. (Il eut un large sourire.) En nous emprisonnant, les Klikiss nous ont construit une citadelle. Une erreur tactique. On pourra leur tirer dessus du haut des murs dès qu’ils viendront nous chercher.
— Vous aurez épuisé vos cartouches avant d’avoir éliminé tous les Klikiss, fit remarquer Steinman.
— Mais dans l’intervalle, on aura fichu une sacrée pagaille.
— Cette enceinte est conçue pour vous empêcher de sortir, pas pour empêcher les Klikiss d’entrer, dit Davlin.
Il fit courir son doigt le long de la liste : armes à projectiles, pistolets étourdisseurs, appareils de contrôle des foules. Beaucoup de colons avaient entrepris de creuser d’astucieuses cachettes dans le sol recouvertes de trappes, des fausses parois et des chambres secrètes où ils pourraient se terrer si les choses tournaient mal. Mais Davlin doutait que cela les aiderait beaucoup.
— Il faut se tenir prêts à tout instant, dit Clarin.
— Vous êtes prêts, mais je peux améliorer les choses. Profiter des heures qui nous restent pour optimiser nos capacités de destruction. (Il tapota la liste sur le pad.) Je peux installer des explosifs pour miner les endroits que les Klikiss utiliseront pour franchir l’enceinte. Je peux aussi placer une bombe ici, contre ce mur épais. On la fera exploser si on a besoin d’évacuer en catastrophe. Mais à ce moment-là, la fin sera proche.
Davlin jeta un coup d’œil à sa montre.
— Quatre heures avant l’aube. Il faut agir vite. Prions pour bénéficier de quelques jours supplémentaires avant que tout ceci nous pète à la figure…