78
Patrick Fitzpatrick III

Les Vagabonds avaient placé Patrick sous haute surveillance jusqu’à ce qu’il comparaisse devant le tribunal clanique. À présent que le Gitan avait été saisi, il ignorait ce que Del Kellum redoutait à son sujet. Peut-être les Vagabonds craignaient-ils qu’il ne sabote le réacteur d’ekti, ne détruise les systèmes antigravifiques et ne provoque ainsi la chute de la station d’écopage dans les nuages ? Il ne comprenait pas pourquoi ils se méfiaient de lui, puisqu’il avait passé des mois à chercher cet endroit, pour voir Zhett et faire amende honorable, non pour causer plus de mal.

— Ton palmarès est éloquent, dit l’ouvrier à la mine revêche venu lui apporter un plateau de viande épicée et de légumes issus de l’agriculture hydroponique, avec du riz. Regarde les dégâts que tu as provoqués. Pas question de te laisser la moindre occasion d’en causer davantage.

— Non, je suppose que non.

Il le remercia et accepta le déjeuner avec gratitude. Le goût lui rappelait d’agréables souvenirs. Malgré un nœud à l’estomac, il racla son assiette jusqu’au dernier grain.

Si sa grand-mère connaissait sa situation, elle rirait probablement de son manque de prévoyance et de son incapacité à tourner les événements à son avantage. Contrairement à Maureen Fitzpatrick, « la Virago », il n’avait jamais été très fort pour la manipulation. Et il en était heureux. Il n’avait pas besoin de manipuler, seulement d’être honnête. Bien sûr, il avait emprunté son vaisseau spatial lorsqu’il en avait eu besoin… Un jour, il trouverait un moyen de le lui rembourser.

Zhett n’était pas venue le voir, et tout ce dont il désirait se soulager auprès d’elle lui pesait toujours. Sa confession au sujet de Raven Kamarov avait été la chose la plus éprouvante qu’il avait jamais faite, et il se doutait qu’il n’aurait probablement plus jamais l’occasion d’ouvrir son cœur à Zhett désormais. C’était encore plus dur pour lui. Pourquoi ne le laissait-elle pas lui dire combien il était désolé ? Il avait oublié à quel point elle était exaspérante, parfois.

Ses quartiers exigus aux parois métalliques le faisaient se sentir claustrophobe. Ici, dans cette gigantesque station d’écopage planant au-dessus des nuages, n’aurait-on pu lui trouver une chambre avec vue ? Ce n’était pourtant pas le ciel qui manquait. Il réfléchit à ce qu’il dirait au tribunal, même s’il ignorait quelles questions on lui poserait. Alors, il s’assit et attendit… et pensa à Zhett.

La porte coulissa, laissant filtrer une bouffée des relents industriels de la coursive. Del Kellum était vêtu d’une chemise ajustée, brodée de ses armoiries. Elle était si propre et si tape-à-l’œil que Patrick devina qu’il ne la portait pas souvent. Les cheveux striés de gris de Kellum étaient peignés avec soin.

— Prêt, mon garçon ? J’espère que tu as profité de ta solitude pour trouver ton Guide Lumineux.

— Je ne savais pas que j’étais censé le chercher.

— Tout homme doit trouver le sien. Allons.

Patrick le suivit sans rechigner.

Le tribunal clanique comprenait Kellum et quatre autres chefs de station, et se tenait dans une salle sous dôme, sur le pont supérieur. Le plafond incurvé et transparent laissait voir les volutes pastel qui s’élevaient tout autour d’eux. À son entrée, les chefs de station le toisèrent avec un mépris cinglant.

Zhett était assise en tête de table à côté de son père. Elle était superbe dans son uniforme de travail noir qui moulait si parfaitement son corps. La seule chose qui n’allait pas, songea-t-il, était son visage cruellement dépourvu de sourire. Il aurait préféré qu’elle se mette à hurler, à l’insulter ou à l’accuser. Si elle pouvait seulement l’écouter cinq minutes…

Kellum déclara la séance ouverte. L’expression avenante qu’il arborait d’ordinaire avait disparu.

— Patrick Fitzpatrick III, veuillez vous lever.

Celui-ci baissa les yeux.

— Je suis debout.

Kellum semblait suivre un scénario à la lettre.

— Racontez-nous de nouveau les crimes que vous avez avoués de façon informelle. Pour le procès-verbal.

— Je parie qu’il va changer son histoire, maintenant qu’il comparaît, murmura Bing Palmer.

— Je ne changerai pas mon histoire. Je suis venu expier, chercher le pardon si vous voulez me l’accorder, ou accepter ma condamnation si vous ne voulez pas. Je suis venu vous dire que je suis désolé.

Il espéra une réaction de la part de Zhett, mais elle demeura aussi impassible qu’une statue.

Néanmoins, il répéta la liste de ses crimes, non seulement celui concernant Raven Kamarov, mais aussi le blocus d’Yreka et les actes mesquins de harcèlement contre les clans. Il raconta cela dans une sorte de vertige. Ses genoux tremblaient, son cœur cognait si fort qu’il avait l’impression qu’un boxeur martelait sa poitrine de l’intérieur.

— Je ne cherche pas à me dédouaner, mais le temps que j’ai passé chez les Vagabonds m’a appris que j’avais tort. C’est pour cela que j’ai abandonné les Forces Terriennes de Défense et que j’ai tout quitté. Le général Lanyan m’aurait fait abattre comme déserteur si j’étais revenu chez moi.

— On dirait qu’il ne vous reste plus une seule option valable, dit l’un des chefs.

— Non, en effet. Et je n’attends aucune clémence.

— Nous n’avons pas l’intention d’en faire preuve à ton égard, dit Del avant de regarder sa fille : À moins que tu ne souhaites parler en sa faveur, ma chérie ? C’est à toi de décider.

Zhett jeta un coup d’œil à Patrick, et l’espace de quelques secondes, elle parut s’attendrir. Tout de suite, cependant, son visage redevint de marbre. Elle secoua la tête, et le cœur de Patrick chavira.

Kellum posa les mains à plat sur la table. Il avait l’air d’être devenu un complet étranger et semblait immense, impressionnant. Sa voix grave ne trahit aucune émotion :

— Ainsi, Patrick Fitzpatrick III, nous n’avons pas le choix. Non seulement vos actions ont provoqué la mort de Raven Kamarov, mais vous avez avoué votre implication dans le meurtre de colons yrekiens, et dans le déclenchement des événements qui ont mené à la perte d’innombrables Vagabonds et à de graves souffrances. Selon l’ancien code des écopeurs d’ekti, les règles sont claires. (Il croisa les bras sur sa poitrine.) Nous vous condamnons aux vents.

Une rumeur embarrassée parcourut les chefs de station. Zhett parut envahie par la nausée.

Les yeux de Patrick allaient et venaient alors qu’il tâchait de déchiffrer leurs visages.

— Qu’est-ce que ça signifie ? De quoi parlez-vous ?

— Vous n’avez jamais vu l’un de ces vieux spectacles vids historiques sur les pirates ? lança l’un des chefs de station avec un ricanement âpre.

Kellum opina.

— Une comparaison juste. Nous nous trouvons en surplomb d’un vide de mille kilomètres, sans rien d’autre en dessous que l’infini. Vous subirez le supplice de la planche.

Un essaim d'acier
Couv.xhtml
Titre.xhtml
Dedicace.xhtml
AvantPropos.xhtml
Section0001.xhtml
Section0002.xhtml
Section0003.xhtml
Section0004.xhtml
Section0005.xhtml
Section0006.xhtml
Section0007.xhtml
Section0008.xhtml
Section0009.xhtml
Section0010.xhtml
Section0011.xhtml
Section0012.xhtml
Section0013.xhtml
Section0014.xhtml
Section0015.xhtml
Section0016.xhtml
Section0017.xhtml
Section0018.xhtml
Section0019.xhtml
Section0020.xhtml
Section0021.xhtml
Section0022.xhtml
Section0023.xhtml
Section0024.xhtml
Section0025.xhtml
Section0026.xhtml
Section0027.xhtml
Section0028.xhtml
Section0029.xhtml
Section0030.xhtml
Section0031.xhtml
Section0032.xhtml
Section0033.xhtml
Section0034.xhtml
Section0035.xhtml
Section0036.xhtml
Section0037.xhtml
Section0038.xhtml
Section0039.xhtml
Section0040.xhtml
Section0041.xhtml
Section0042.xhtml
Section0043.xhtml
Section0044.xhtml
Section0045.xhtml
Section0046.xhtml
Section0047.xhtml
Section0048.xhtml
Section0049.xhtml
Section0050.xhtml
Section0051.xhtml
Section0052.xhtml
Section0053.xhtml
Section0054.xhtml
Section0055.xhtml
Section0056.xhtml
Section0057.xhtml
Section0058.xhtml
Section0059.xhtml
Section0060.xhtml
Section0061.xhtml
Section0062.xhtml
Section0063.xhtml
Section0064.xhtml
Section0065.xhtml
Section0066.xhtml
Section0067.xhtml
Section0068.xhtml
Section0069.xhtml
Section0070.xhtml
Section0071.xhtml
Section0072.xhtml
Section0073.xhtml
Section0074.xhtml
Section0075.xhtml
Section0076.xhtml
Section0077.xhtml
Section0078.xhtml
Section0079.xhtml
Section0080.xhtml
Section0081.xhtml
Section0082.xhtml
Section0083.xhtml
Section0084.xhtml
Section0085.xhtml
Section0086.xhtml
Section0087.xhtml
Section0088.xhtml
Section0089.xhtml
Section0090.xhtml
Section0091.xhtml
Section0092.xhtml
Section0093.xhtml
Section0094.xhtml
Section0095.xhtml
Section0096.xhtml
Section0097.xhtml
Section0098.xhtml
Section0099.xhtml
Section0100.xhtml
Section0101.xhtml
Section0102.xhtml
Section0103.xhtml
Section0104.xhtml
Section0105.xhtml
Section0106.xhtml
Section0107.xhtml
Section0108.xhtml
Section0109.xhtml
Section0110.xhtml
Section0111.xhtml
Section0112.xhtml
Section0113.xhtml
Section0114.xhtml
Section0115.xhtml
Section0116.xhtml
Section0117.xhtml
Section0118.xhtml
Section0119.xhtml
Section0120.xhtml
Section0121.xhtml
Section0122.xhtml
Section0123.xhtml
Section0124.xhtml
Section0125.xhtml
Section0126.xhtml
Section0127.xhtml
Section0128.xhtml
Section0129.xhtml
Section0130.xhtml
Section0131.xhtml
Section0132.xhtml
Section0133.xhtml
Section0134.xhtml
Section0135.xhtml
Section0136.xhtml
Section0137.xhtml
Section0138.xhtml
Section0139.xhtml
Section0140.xhtml
Section0141.xhtml
Section0142.xhtml
Section0143.xhtml
Section0144.xhtml
Section0145.xhtml
Section0146.xhtml
Lexique.xhtml
Remerciements.xhtml
DuMemeAuteur.xhtml
Legal.xhtml
Club.xhtml
Colophon.xhtml