38
Anton Colicos

Des hordes de robots noirs luisaient à la lumière du jour, malgré la fumée des bombardements qui obscurcissait le ciel. Au sol, Anton courait à travers les récents cratères en tâchant de suivre Yazra’h, convaincu qu’il ne risquait rien à ses côtés. Cependant, à en juger par la jubilation sanguinaire qui se lisait sur son visage, elle avait manifestement l’intention de se jeter au cœur de la bataille… Aussi se dit-il qu’il ferait peut-être mieux de courir dans la direction opposée.

Malgré le pilonnage méthodique des croiseurs de l’adar Zan’nh, des robots noirs ne cessaient de se déverser de leurs labyrinthes souterrains. Anton aurait préféré que les frappes aériennes se poursuivent quelques jours de plus… et à distance respectueuse. Il tâchait de rester près de Vao’sh.

Maniant une longue hampe coiffée d’un disrupteur sonique, Yazra’h se jeta en hurlant sur l’une des redoutables machines. Celle-ci parut avoir été frappée par le marteau de Thor : dans une détonation, elle s’écrasa au sol, ses circuits internes broyés.

— Je vous avais dit que ce jour serait glorieux, remémorant Anton ! lui lança-t-elle par-dessus son épaule, avant de montrer la voie dans la rue jonchée de débris de Seconda. Suivez-moi et regardez.

En gage de confiance, elle lui avait remis un fusil tirant à une vitesse supersonique des pointes de métal de la longueur et de l’épaisseur de l’index. Vao’sh portait quant à lui un brouilleur électronique, même s’il paraissait ne pas savoir s’en servir. L’un des robots noirs les survola. Il tenait un instrument anguleux, sans doute une arme. Anton leva son lance-projectiles et appuya sur la détente. L’une des pointes, probablement par accident, fracassa l’exosquelette, comme un caillou frappe un pare-brise.

— Excellent, remémorant Anton ! dit Vao’sh d’un ton quelque peu nerveux. J’inclurai cet épisode dans mon récit.

Anton aida son vieil ami à manipuler le brouilleur.

— Merci, Vao’sh… À votre tour maintenant.

Il l’aida néanmoins à se débarrasser de deux robots qui venaient vers eux en cliquetant.

Un signal d’urgence fit crépiter les récepteurs radio de l’escouade :

« Une flotte klikiss vient d’arriver et s’apprête à lancer une attaque, avertit l’adar Zan’nh d’un ton abrupt. Préparez-vous à accueillir leurs vaisseaux. »

Yazra’h tapota son oreillette, comme si elle avait mal entendu.

« Des Klikiss ? Vous voulez dire : de nouveaux robots ?

— Non : les Klikiss d’origine. Restez à l’écart. Ils sont venus détruire les robots. »

— Je croyais les Klikiss disparus, commenta Anton, les yeux levés vers le ciel.

— Hélas, avoua Vao’sh, une fois encore, la vérité telle que la rapporte La Saga des Sept Soleils est quelque peu inexacte.

Avant qu’Anton ait eu le temps de saisir la portée des paroles de l’adar, une vague de vaisseaux fendit le ciel, telle une pluie de météores. Les centaines de transports s’ouvrirent à la manière de cosses dès qu’ils eurent heurté le sol, et des créatures insectoïdes en jaillirent ; on aurait dit la transposition de robots klikiss réalisée par un sculpteur dément. Tout comme les humains avaient conçu les compers, les Klikiss avaient construit leurs robots à leur image.

Une nuée irrésistible de guerriers déferla à travers les vestiges de Seconda. Face au retour de leurs créateurs disparus, les robots noirs semblèrent pris de folie, comme si quelqu’un avait versé de l’essence sur une fourmilière. Les Klikiss se jetèrent sur leurs créatures mécaniques et les réduisirent en pièces.

— Voilà ce que j’appelle un règlement de comptes, dit Anton.

Les robots survivants contre-attaquèrent avec vigueur, délaissant les Ildirans pour s’en prendre aux Klikiss. Anton tira plusieurs fois. Il toucha trois ennemis, sauvant la vie de guerriers klikiss, mais ceux-ci, concentrés sur les robots, ne s’en aperçurent même pas. Malgré leurs pertes qui se chiffraient par centaines, ils combattaient sans se soucier de leur sort.

 

En moins d’une heure, les robots noirs furent éradiqués.

L’adar ordonna à Yazra’h et ses fantassins de rejoindre les croiseurs. Cinquante d’entre eux avaient péri, contre presque dix fois plus de robots. Alors qu’elle rembarquait ses troupes dans les cotres, Yazra’h embrassa du regard les ruines fumantes, les exosquelettes écrasés et poisseux des Klikiss, les débris de leurs robots.

— Rappelez-vous ceci, Anton Colicos. Rappelez-vous chaque détail, afin de raconter l’histoire dans toute sa splendeur.

Ils remontèrent en orbite, jusqu’aux croiseurs. Sitôt qu’Anton, maculé de crasse et de sueur, fut revenu avec ses compagnons dans le centre de commandement, il sentit la tension générale. L’adar Zan’nh se dressait devant l’écran, sur lequel un grand guerrier insectoïde s’exprimait par l’intermédiaire d’un logiciel de traduction. Les sept croiseurs lourds de la Marine Solaire faisaient front contre la nuée de vaisseaux klikiss qui reconstituaient, à la manière d’une mosaïque, l’informe nef-essaim.

« Nous sommes venus reconquérir nos mondes, disait le représentant klikiss. Et détruire nos robots. Nous avons voyagé par transportail pour habiter des mondes abandonnés au cours du dernier Essaimage.

— Nous combattons nous aussi les robots noirs, rétorqua Zan’nh d’une voix calme mais ferme. Vous avez pu le voir ici. »

Le Klikiss ne s’en émut pas outre mesure.

« Avoir un ennemi commun ne signifie pas avoir des buts communs. Nous récupérerons nos mondes. Jusqu’au dernier.

— Maratha n’a jamais été une planète klikiss. Elle faisait partie de l’Empire ildiran. Nous vous avons aidé à y éradiquer l’infestation des robots. Nous vous sommes reconnaissants pour vos efforts, mais vous ne pouvez revendiquer cette planète. »

Le Klikiss demeura silencieux. Zan’nh riva son regard sur l’écran sans broncher.

Une pensée fit frissonner Anton : puisque les Klikiss étaient toujours vivants et réclamaient leurs anciennes planètes, d’où venaient-ils ? Rheindic Co était un monde klikiss abandonné. Son père avait été tué là-bas et sa mère avait disparu, peut-être par le transportail local. Avait-elle rencontré par mégarde l’espèce en train de renaître ? Il aurait souhaité savoir ce qu’il était advenu d’elle. Savoir ce qui allait lui arriver à lui.

Enfin, le Klikiss à l’écran reprit la parole :

« Nous avons d’autres planètes. Ce monde n’est pas l’un des nôtres. »

Ce qui restait des petits vaisseaux klikiss avait quitté la surface pour s’agglomérer à leur vaisseau mère. Celui-ci partit sans autre transmission.

Anton laissa échapper un long soupir de soulagement. Il ne savait pas déchiffrer toutes les émotions des Ildirans, mais visiblement, chacun semblait ébranlé.

— Voilà un revirement inattendu, dit Vao’sh.

Anton opina.

— Comme on dit dans les récits de la Terre, l’affaire se corse…

Un essaim d'acier
Couv.xhtml
Titre.xhtml
Dedicace.xhtml
AvantPropos.xhtml
Section0001.xhtml
Section0002.xhtml
Section0003.xhtml
Section0004.xhtml
Section0005.xhtml
Section0006.xhtml
Section0007.xhtml
Section0008.xhtml
Section0009.xhtml
Section0010.xhtml
Section0011.xhtml
Section0012.xhtml
Section0013.xhtml
Section0014.xhtml
Section0015.xhtml
Section0016.xhtml
Section0017.xhtml
Section0018.xhtml
Section0019.xhtml
Section0020.xhtml
Section0021.xhtml
Section0022.xhtml
Section0023.xhtml
Section0024.xhtml
Section0025.xhtml
Section0026.xhtml
Section0027.xhtml
Section0028.xhtml
Section0029.xhtml
Section0030.xhtml
Section0031.xhtml
Section0032.xhtml
Section0033.xhtml
Section0034.xhtml
Section0035.xhtml
Section0036.xhtml
Section0037.xhtml
Section0038.xhtml
Section0039.xhtml
Section0040.xhtml
Section0041.xhtml
Section0042.xhtml
Section0043.xhtml
Section0044.xhtml
Section0045.xhtml
Section0046.xhtml
Section0047.xhtml
Section0048.xhtml
Section0049.xhtml
Section0050.xhtml
Section0051.xhtml
Section0052.xhtml
Section0053.xhtml
Section0054.xhtml
Section0055.xhtml
Section0056.xhtml
Section0057.xhtml
Section0058.xhtml
Section0059.xhtml
Section0060.xhtml
Section0061.xhtml
Section0062.xhtml
Section0063.xhtml
Section0064.xhtml
Section0065.xhtml
Section0066.xhtml
Section0067.xhtml
Section0068.xhtml
Section0069.xhtml
Section0070.xhtml
Section0071.xhtml
Section0072.xhtml
Section0073.xhtml
Section0074.xhtml
Section0075.xhtml
Section0076.xhtml
Section0077.xhtml
Section0078.xhtml
Section0079.xhtml
Section0080.xhtml
Section0081.xhtml
Section0082.xhtml
Section0083.xhtml
Section0084.xhtml
Section0085.xhtml
Section0086.xhtml
Section0087.xhtml
Section0088.xhtml
Section0089.xhtml
Section0090.xhtml
Section0091.xhtml
Section0092.xhtml
Section0093.xhtml
Section0094.xhtml
Section0095.xhtml
Section0096.xhtml
Section0097.xhtml
Section0098.xhtml
Section0099.xhtml
Section0100.xhtml
Section0101.xhtml
Section0102.xhtml
Section0103.xhtml
Section0104.xhtml
Section0105.xhtml
Section0106.xhtml
Section0107.xhtml
Section0108.xhtml
Section0109.xhtml
Section0110.xhtml
Section0111.xhtml
Section0112.xhtml
Section0113.xhtml
Section0114.xhtml
Section0115.xhtml
Section0116.xhtml
Section0117.xhtml
Section0118.xhtml
Section0119.xhtml
Section0120.xhtml
Section0121.xhtml
Section0122.xhtml
Section0123.xhtml
Section0124.xhtml
Section0125.xhtml
Section0126.xhtml
Section0127.xhtml
Section0128.xhtml
Section0129.xhtml
Section0130.xhtml
Section0131.xhtml
Section0132.xhtml
Section0133.xhtml
Section0134.xhtml
Section0135.xhtml
Section0136.xhtml
Section0137.xhtml
Section0138.xhtml
Section0139.xhtml
Section0140.xhtml
Section0141.xhtml
Section0142.xhtml
Section0143.xhtml
Section0144.xhtml
Section0145.xhtml
Section0146.xhtml
Lexique.xhtml
Remerciements.xhtml
DuMemeAuteur.xhtml
Legal.xhtml
Club.xhtml
Colophon.xhtml