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Sirix
Venus de Llaro, les Klikiss guerriers affluaient sur Wollamor par le transportail pour se jeter sur la ligne de défense des compers Soldats. Ces derniers, dotés d’une armure robuste ainsi que de réflexes supérieurs à ceux des humains, formaient de redoutables combattants. Mais ils ne faisaient pas le poids contre des Klikiss guerriers résolus à se venger.
Sirix battit en retraite aussi vite qu’il le put, avant qu’il soit trop tard. Les ennemis arrivaient en ce moment même, alors que l’essentiel de sa flotte se trouvait toujours en orbite. Il lui fallait atteindre son Mastodonte, avec lequel il éradiquerait de nouveau ses ignobles créateurs.
« – Embarquez sur le transport de troupes le plus proche », émit-il à l’intention de ses deux compers.
QT, son revêtement vert chromé maculé au cours de l’échauffourée, demanda :
« L’une des Mantas ne nous offrirait-elle pas un refuge plus sûr ? »
Sirix avait déjà écarté cette possibilité :
« Elles sont trop grosses pour décoller rapidement. Leur masse les ralentira trop. »
Obéissants, les compers coururent vers une navette posée sur l’astroport de Wollamor. Des robots klikiss prirent des Rémoras et s’élancèrent dans le ciel pour se sauver.
Sirix vit les Mantas encerclées par des nuées de guerriers insectoïdes ; ceux-ci les prenaient déjà pour cibles. Il misait sur le fait qu’ils ne se préoccuperaient pas des vaisseaux plus modestes, pas encore. Au final, les deux croiseurs seraient perdus ! Ainsi que d’autres de ses congénères qui, eux, étaient irremplaçables.
Il transmit un signal général de retraite à ses camarades. Certains déployèrent leurs ailes sous leur carapace et s’envolèrent… pour être aussitôt abattus par des guerriers armés de fuseurs d’énergie au canon évasé en forme de cloche. Ce modèle d’arme ne ressemblait pas à ceux utilisés par les Klikiss de jadis. Les ailes brûlées et le tronc fracassé, les robots dégringolèrent du haut du ciel.
Ainsi que Sirix l’avaient redouté, les deux Mantas subissaient une attaque concentrée. Il les considérait déjà comme perdues. Et il ne comprenait toujours pas pourquoi – comment – les Klikiss étaient revenus.
Dans une tentative désespérée de soutenir le front, les compers Soldats se jetèrent sur les guerriers klikiss. Ils défoncèrent des exosquelettes, firent gicler des fluides corporels… Les insectes morts s’empilaient à leurs pieds, aussitôt remplacés par ceux qui se déversaient du transportail. Il ne s’agissait pas d’un commando, mais de l’armée entière d’une sous-ruche.
Les guerriers se débarrassaient des compers Soldats aussi facilement que s’ils arrachaient de mauvaises herbes. Ils les démembraient, les décapitaient, ou se contentaient de les écraser en se frayant un chemin. Mais les centaines de machines qui s’étaient sacrifiées jusqu’à présent avaient offert à Sirix assez de temps pour qu’il puisse atteindre le transport de troupes. Ils avaient rempli leur office.
DP et QT se trouvaient déjà à bord, ainsi que cinq robots noirs. L’un d’eux, dans le cockpit, alluma les propulseurs.
Toutefois, les autres s’étaient pour la plupart repliés vers les Mantas, croyant à tort que leur masse les protégerait. Sirix ne pouvait plus rien pour eux. Il faudrait au moins un quart d’heure aux moteurs pour être parés à décoller. L’un des croiseurs commença à tirer des coups de jazer par ses sabords. Les rayons mortels balayèrent les Klikiss au sol, ainsi que les compers Soldats qui avaient le malheur de se trouver sur leur trajectoire.
De nouvelles sous-espèces traversaient le transportail : constructeurs, récolteurs, terrassiers. Le spécex estimait d’ores et déjà acquise sa victoire sur Wollamor.
Sur le terrain d’atterrissage, l’une des Mantas commença à s’élever – pour s’écraser, les moteurs détruits par une concentration de tirs de fuseur. Par les brèches de la coque, des guerriers introduisirent des insectes techniciens, afin de prendre le contrôle de la Manta ou de la saboter. Même avec l’aide des compers Soldats, les robots assiégés ne seraient pas assez forts. Sirix les considéra comme perdus.
Au cours de la bataille de la Terre, il avait perdu de nombreux camarades. Mais il ne s’était jamais attendu à combattre les Klikiss. S’il pouvait se hisser en orbite et se réfugier à bord de son Mastodonte, il supprimerait le transportail et interromprait ainsi l’afflux d’insectes.
Il ferma la porte du transport de troupes et gagna en hâte le cockpit. Ses congénères devraient trouver leur propre moyen de s’échapper. Alors que son vaisseau décollait, il établit la communication avec sa flotte en orbite, et lui ordonna de juguler la vague d’envahisseurs.
« Nous quittons Wollamor. Détruisez-la. Détruisez tout. »
Il aperçut, amenuisés par la distance croissante, d’autres insectes guerriers qui se déployaient en éventail sur leur nouveau territoire. Ils passaient au peigne fin les débris de robots noirs et de compers, comme pour vérifier que rien n’avait survécu au carnage.
La seconde Manta restée au sol explosa dans un déluge de shrapnels, faisant de nouvelles victimes.
Enfin, les vaisseaux des FTD surgirent, si rapidement que la friction atmosphérique faisait rougeoyer leur proue. Tels des rasoirs de feu, leurs jazers tranchèrent les nuées de créatures. Il était impossible à celles-ci de résister à de tels tirs.
La bataille de la Terre avait épuisé une grande partie de l’armement. Les Mantas se mirent à lâcher des bombes, puis six ogives nucléaires de précision. La colonie de Wollamor, les envahisseurs de la sous-ruche klikiss et le transportail lui-même s’évanouirent dans un éclair. Wollamor n’était plus un lieu désirable. Sirix révisait déjà ses plans.
Sa navette s’extirpa de l’atmosphère. Là, dans le vide qui environnait la planète, se trouvait la flotte qui lui offrirait un abri sûr. Des vaisseaux plus petits la rejoignirent : des Rémoras, qui transportaient les robots noirs survivants. Une fois encore, Sirix devait réévaluer ses forces. La plupart de ses congénères avaient été annihilés. Ce qui aurait dû être une conquête facile du Bras spiral s’était retourné contre lui.
Le retour des Klikiss changeait tout. Ce ne pouvait être un accident : ils traquaient les robots qu’ils avaient créés.
Sirix décida de mener sa flotte sur Maratha. C’était dans la base en plein essor qu’il trouverait les renforts en robots et en vaisseaux dont il avait besoin. Puis ils poursuivraient la lutte contre les Klikiss et les humains.