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Rusa’h l’Incarné des faeros
Resplendissant dans son manteau de flammes vivifiantes, Rusa’h s’en retournait vers Hyrillka, le cœur de son domaine. Son bolide de feu grouillant de faeros se précipitait vers la planète qu’il avait l’intention de reprendre… ou de calciner.
Sous sa forme charnelle, il avait jadis mené une croisade dans tout l’Agglomérat d’Horizon. Dzelluria avait été la première planète soumise au feu sacré qu’il avait déclenché afin de consumer la corruption qui affectait l’esprit ildiran ; la première étape de l’établissement de son thisme. En dénouant les fils des erreurs de ses habitants et en leur offrant les véritables rayons-âmes, il avait sauvé une partie de l’espèce ildirane.
Mais tout cela lui avait été retiré par Jora’h, son propre frère. Il avait cru tout perdre, jusqu’à ce qu’il plonge dans la manifestation vivante de la Source de Clarté. Baptisé et reforgé par le feu, il avait été transformé en un avatar d’énergie élémentale.
Et il était de retour. Récemment, la libération de la flâme de chaque Dzellurien l’avait empli d’euphorie. La guerre avait beaucoup affaibli les faeros, et ceux-ci avaient puisé leur énergie vitale en consumant les Ildirans : leur corps, leur esprit, leur vie. L’empreinte de son thisme demeurait vivace, c’est pourquoi Rusa’h n’avait eu aucun mal à couper la planète du faux Mage Imperator. Lorsqu’il avait réactivé son propre thisme, la population était devenue du combustible, des germes pour de nouveaux faeros ; elle avait ainsi aidé les entités ignées à se rétablir après le génocide que leur avaient fait subir les hydrogues.
Rusa’h avait réduit Dzelluria à l’état de charbon ardent, à la surface desséchée et stérile. Il avait fait de même sur Alturas. Puis Shonor. Et Garoa. Et enfin, il revenait sur Hyrillka. Chez lui.
Lui et dix autres bolides s’abattirent telle une pluie de météorites. Rusa’h voulait apparaître devant les Ildirans dans toute sa gloire. Il les relierait de nouveau à son thisme, et son illumination se répandrait en eux telle de la lave. Les faeros récolteraient ici une abondante moisson de flâmes. Tout comme eux, Rusa’h en tirerait profit.
Mais il trouva Hyrillka déserte. Le monde abandonné n’était plus que silence. Ses pensées bouillonnantes avivèrent son vaisseau de feu, et les faeros remarquèrent son regain de colère. Par les yeux des faeros, qui n’avaient pas compris alors ce qu’ils voyaient, Rusa’h se remémora l’embarquement des Ildirans sur les croiseurs lourds, lors de la bataille que s’étaient livrée faeros et hydrogues dans le soleil principal d’Hyrillka.
À présent, Rusa’h comprenait. L’Empire avait craint que le soleil d’Hyrillka ne meure, comme Crenna ou Durris-B. La Marine Solaire avait utilisé ses croiseurs pour évacuer tout le monde. Tout le monde !
Mais contre toute attente, les faeros avaient vaincu les hydrogues, sauvé leur soleil. Et néanmoins, Hyrillka demeurait déserte.
Son corps reconstruit empli d’un feu rageur, Rusa’h fondit vers la surface, dans un sillage de vapeurs brûlantes. Il survola sa ville bien-aimée, autour de laquelle il avait fait planter de vastes champs de nialies. Tous avaient été détruits, ne laissant qu’un sol noirci. De nombreux édifices avaient été partiellement rebâtis, mais ils étaient de nouveau vides.
Enfin, Rusa’h remarqua un petit camp composé de baraques récemment édifiées. Une station de recherche. Il perçut une poignée de scientifiques et d’ingénieurs : des climatologues et des météorologues, en quantité minimale pour une scission. Ils devaient étudier Hyrillka pour déterminer si elle serait un jour de nouveau habitable. La mort qui avait guetté le soleil les avait sans aucun doute grandement effrayés.
Rusa’h comptait les effrayer bien davantage.
À l’intérieur de son bolide, il étendit son esprit et son pouvoir, puis se relia aux faeros. Grâce à eux, son thisme se trouva renforcé comme jamais auparavant… différent, aussi. Il coupa ces quelques Ildirans de leur thisme, les isolant.
Démunis et désorientés, les scientifiques sortirent des bâtisses pour contempler les bolides faeros qui crépitaient dans le ciel comme si les étoiles elles-mêmes chutaient. Rusa’h, le corps incandescent, écarta le rideau de flammes.
Les faeros entreprirent d’incendier le camp tout entier. Les chercheurs fuirent désespérément, mais ils ne couraient pas assez vite. Certains demandèrent grâce, et Rusa’h exauça leur vœu par un don merveilleux ; il convertit leur flâme en énergie faeroe. Ses victimes hurlèrent comme elles se consumaient jusqu’à l’os, et disparurent dans un éclair et une bouffée de fumée.
Une fois revenu chez lui, Rusa’h déambula dans les rues vides, et se souvint d’Hyrillka comme elle était jadis.
Après avoir grimpé la colline, il entra à grands pas dans le palais-citadelle désert. Tout ce qu’il touchait prenait feu, et il incinéra les treilles de vigne vierge, liquéfia la pierre et les piliers de cristal. Lorsque tout le palais brûla, il s’assit sur son trône en train de fondre et se délecta du spectacle.