42.
Winter entendit Ringmar pénétrer dans la pièce :
– Est-ce… est-ce que…
– Ce n’est pas Lars.
Ringmar le rejoignit.
– Edwards ! fit Winter en lui lâchant l’épaule.
C’était un corps de glace. Le cadavre conservait la position où l’avait laissé le commissaire. Le visage d’Edwards était de glace, un masque blanc aux traits figés, couvert de sang. Winter voyait maintenant le sang tout autour, de cette teinte gris argenté qui baignait toute la pièce.
– Tu l’as, ton neuvième coup de feu, lui dit Ringmar.
– Il lui était sans doute destiné depuis le début. Lars est venu interrompre quelque chose. (Winter était toujours penché au-dessus du corps, un genou par terre. Il leva les yeux vers son collègue.) Dans ce cas, le pistolet doit être dans le fleuve à l’heure qu’il est. Sous la croix de Coldinu, à Eriksberg.
– On dirait que tout était prévu dans cette histoire.
– Si l’on retrouve le pistolet, alors le meurtre d’Edwards était planifié depuis le début.
– Dès demain, on envoie un plongeur, déclara Ringmar.
– On est déjà demain. Il faudrait tout de suite appeler la Surveillance côtière.
– Et mettre des hommes en renfort à l’appartement de Tiger.
– Il n’y sera pas.
– Où peut-il être alors ?
Winter garda le silence.
– Pourquoi Edwards a-t-il été assassiné ici ? s’interrogea Ringmar en baissant les yeux vers le corps.
– Un rendez-vous peut-être. Un dernier rendez-vous.
***
Winter ne comptait pas se rendre à Eriksberg. Il reprit la direction du centre-ville. Il roulait à travers la nuit. Elle serait encore longue. Mais ce serait la dernière. Il redoutait l’aurore.
Tout était toujours aussi paisible dans la rue d’Örgryte, devant la villa des Richardsson. Rien de marquant ne s’était passé là-bas. Partout ailleurs, tout s’était déjà joué, songea-t-il.
En sonnant à la porte, il se rappela soudain le prénom de la petite fille, Tova. La pauvre, elle serait tirée de son sommeil pour entrer dans cet enfer. Le sommeil, tellement sécurisant. Et lui venait en messager de la mort. Comme souvent depuis qu’il faisait ce métier. Les enfants… Tova et Erik. Il ne pouvait attendre le lendemain matin. Ils seraient à la maison de toute façon, un dimanche. Mais tout cela était trop brutal. Il regarda Bertil qui fixait la porte d’un air morne. Winter sonna de nouveau. Il se retourna. La rue était vide. Seule sa voiture renvoyait des reflets agressifs sous un réverbère à l’ancienne. Le temps traînait des pieds à Örgryte, c’était souvent comme ça dans les beaux quartiers. Mais il les rattrapait maintenant.
Le hall s’éclaira. La vitre de la porte formait un petit rectangle de lumière. Une lueur fragile, qui vacillait telle une flamme de bougie. Winter consulta sa montre. On était dans les dernières heures de la nuit.
– Qu’y a-t-il ? Qui est-ce ?
La voix de Berit Richardsson. Winter n’avait pas vu de visage apparaître à la fenêtre. Une lampe s’alluma à l’étage. Tova et Erik s’étaient réveillés.
– Erik Winter, fit-il. Accompagné du commissaire Bertil Ringmar.
– Que… voulez-vous ?
– Veuillez nous ouvrir, s’il vous plaît, répondit Winter.
La lumière vacillait de nouveau à l’intérieur. Une lampe-torche. Une lampe de poche à garder près du lit, en cas de visite ? Nous ne sommes pas les premiers à la réveiller en pleine nuit.
La lumière se fit brusquement beaucoup plus forte derrière la vitre.
On déverrouilla la porte.
Winter observa le visage de la jeune femme : ces yeux-là, il les avait déjà vus cette nuit. D’abord à Ytterby. Puis à Kungsladugård. Meet the family.
– Qu’est-ce qui se passe, maman ?
Il reconnut la voix d’Erik, mais ne voyait pas le gamin.
– C’est… c’est la police, Erik. Ils… ils ont quelque chose à me dire. Ce n’est… remonte te coucher. Ce ne sera pas long.
– Mais…
– Va te coucher ! répéta-t-elle sur un ton cassant.
Winter perçut un bruit de pas dans les escaliers. Ce n’était pas non plus la première fois cette nuit. Mais c’étaient des pas plus légers et plus rapides que ceux du grand-père.
Elle leur ouvrit la porte :
– On est en pleine nuit.
– Je suis désolé, répondit Winter. Pouvons-nous nous asseoir un instant ?
– Que s’est-il passé ?
Son visage était pâle et beau sous la vilaine lumière du couloir. Il n’était pas de glace, comme celui de son frère, mais tout aussi blanc. Winter voyait à quel point ils se ressemblaient, maintenant qu’il savait. Pas d’hésitation.
– Que s’est-il passé ? répéta-t-elle. Je vois bien qu’il est arrivé quelque chose !
– Pouvons-nous…
– Roger ! cria-t-elle. Il est arrivé quelque chose à Roger !
Winter hocha la tête.
– Qu’est-ce qu’il lui a fait ?
– Il ? De qui parlez-vous ?
– Mon Dieu ! Je lui ai dit… je lui ai dit qu’il allait… qu’il allait…
Elle faillit perdre l’équilibre. Winter lui posa un bras autour des épaules.
– Rentrons à l’intérieur.
Il connaissait le chemin. En relevant la tête il aperçut le visage de la petite. Tova. Elle se tenait dans l’escalier : le même visage, encore une fois.
Winter lui adressa un signe de la tête. La fillette fit demi-tour et remonta rapidement les marches. Elle portait une chemise de nuit blanche aux motifs bleu ciel.
Il conduisit Berit Richardsson jusqu’à un fauteuil dans le séjour. Elle s’affala dessus. Il s’assit juste en face. Ringmar restait près de la porte. Il devrait sans doute parler aux enfants. Oui, il le fallait.
– Je monte.
Winter hocha la tête.
– Il est mort ? demanda Berit Richardsson en relevant les yeux. Est-ce que Roger est mort ?
– Oui.
Elle enfouit son visage dans ses mains. Ses épaules tremblaient, comme si on venait de la frapper. Il attendit. Elle tressaillit de nouveau, puis elle écarta ses mains.
– Comment est-ce arrivé ?
– Nous l’ignorons. C’est pour cette raison que nous sommes venus vous voir. Nous avons retrouvé votre frère dans un appartement cette nuit. Victime d’un coup de feu.
– Un coup de feu ? Vraiment ?
– Quelqu’un l’a abattu, confirma Winter.
– Où ? Sur place ?
– Nous ne le savons pas encore. Je crois. (Pourquoi cette question ? songea-t-il.) Les experts sont sur les lieux en ce moment. Nous le saurons bientôt…
– Où l’avez-vous trouvé ? l’interrompit-elle. Où se trouve cet appartement ?
– Dans les quartiers ouest. Près de Mariaplan. Nous savons qu’il appartient à un homme du nom de Christer Tiger.
Elle hocha la tête. Elle avait hoché la tête !
– Vous connaissez cet homme ? demanda Winter.
Elle regardait le commissaire maintenant. Ce regard exprimait plus que du chagrin. Plus que la simple confusion, ou que la terreur. Elle savait quelque chose. Il ne pouvait deviner de quoi il s’agissait, mais elle s’attendait à ce qu’il vienne, avec ce message peut-être. Pas n’importe quel message.
– Je lui avais dit. (Elle fixait des yeux ses propres mains.) Je lui avais dit de s’enfuir.
– Comment cela ? Pour échapper à quoi ?
– À cet homme-là. C’est sûrement lui. Comment s’appelait-il ? Tiger ? C’est sûrement lui. C’est lui qui a… exposé Roger à cela.
– À quoi ?
Elle garda le silence.
– Vous avez déjà entendu ce nom de Tiger ?
Elle secoua la tête.
– À quoi Roger a-t-il été exposé ?
– Je… comment est-ce que ça s’appelle ? Chantage ? Non, c’était… c’était pire. Je ne sais pas comment on peut appeler ça.
– Il vous en avait parlé ?
Hochement de tête.
Des bruits leur parvenaient maintenant de l’étage. Des bruits de pas. Berit Richardsson leva les yeux. Winter perçut une voix, calme et posée. Puis une autre. Ringmar parlait aux enfants.
– Pourquoi a-t-il été exposé à ce chantage ?
Elle baissa les yeux.
– Je ne sais pas. Vraiment pas.
Elle parlait maintenant à ses mains qu’elle tenait devant elle comme un manuscrit. Comme si elle lisait dans la paume de ses mains. Des lignes de vie, songea Winter. Mais elle connaissait déjà leur trace. Elle savait.
– Ce que vous pouvez nous dire est de la plus grande importance. Nous avons… un collègue, de la police, qui a disparu. Nous pensons que Christer Tiger l’a emmené quelque part. Il est en grand danger. (Winter fit une pause.) Et il est probable que c’est ce Tiger qui a tué votre frère.
Elle tressaillit à ces derniers mots :
– Où est-il ?
– Qui ?
– Tiger, vous savez où il se trouve ?
– Non. Et vous ?
Elle secoua de nouveau la tête.
– Je suis désolé d’insister, continua Winter.
Elle continua d’étudier les lignes de sa main.
– Pourquoi votre frère a-t-il été menacé par Tiger ?
– Je ne sais pas. Je ne sais pas !
– Pourquoi a-t-il été soumis à ce chantage ?
Elle garda le silence.
– Je crois que vous le savez.
Elle secoua de nouveau la tête.
– Il doit y avoir une raison, fit Winter. Même si elle est fausse. Inventée.
– Arrêtez ! cria-t-elle. (Il discerna des larmes dans ses yeux.) Il a essayé de vous contacter !
– Il… il a essayé de me contacter ?
Quel choc ! Il ne pouvait que répéter ses paroles. Il pensa aux appels anonymes. Des appels à l’aide. Non, ce n’était pas possible. Ça ne pouvait pas être lui.
– Il a essayé, reprit-elle. Il n’osait pas. Il a essayé. Mais il… il croyait que quelqu’un était au courant de tout ce qu’il faisait. Finalement il a renoncé. Et il m’a interdit de le faire. Il disait que moi aussi, j’étais en danger.
– Pourquoi me contacter, moi précisément ?
– Je ne sais pas. Il avait dû entendre parler de vous. Je ne sais pas. Je pense que ça a commencé avec cette histoire de voiture. Quand… un de vos collègues est venu le voir chez lui. Quelqu’un de la brigade criminelle.
– Lars Bergenhem, précisa Winter. C’est lui qui a maintenant disparu. Kidnappé.
– Mon Dieu !
Elle leva les yeux de ses mains, qu’elle posa sur ses genoux. Winter l’observait. Il n’était pas fatigué. Il se sentait fébrile, la gorge sèche. Il n’avait pas mal à la tête.
– Tout aurait commencé avec la voiture. Que voulez-vous dire ?
– Ce policier, il a bien trouvé la voiture de Roger sur le pont, n’est-ce pas ? C’est là que tout a commencé.
– À savoir ?
– Le chantage !
– Qu’est-il arrivé dans la voiture ?
– Roger a reçu un pistolet, celui qu’il… qu’il devait utiliser.
– Pour quoi faire ?
– Pour…
Elle se tut. Les mains posées sur les genoux, elle fixait un point au mur. Winter suivit son regard : rien.
– Pour tuer Bengt Sellberg ?
Elle ne répondit pas. Comme si elle n’avait pas entendu.
– Il devait tirer sur Bengt Sellberg ? répéta Winter.
Elle hocha lentement la tête.
– Pourquoi ?
Silence. Elle avait déjà dit mille fois qu’elle ne savait pas, et pourtant Winter allait lui poser la question encore des milliers de fois.
– Le pistolet qui a tué Sellberg avait tiré au moins un coup dans la voiture, précisa-t-il. On a retrouvé une balle dans la banquette.
– Je ne sais rien de tout cela.
– Roger a-t-il essayé de tuer celui qui le menaçait ? À savoir Tiger ?
– Je ne sais pas.
– Il ne vous en a rien dit ?
Elle secoua la tête.
– Pourquoi a-t-il abandonné la voiture ?
– Ce… je ne sais pas.
– Est-ce parce que le coup est parti ?
– Je ne sais pas.
C’est de votre frère que nous sommes en train de parler, songea Winter. Il vient de se faire assassiner. Vous n’en savez vraiment pas plus ? Vous ne voulez pas en savoir plus ? Partagez-vous cette peur qu’il avait ?
– Roger était-il présent à l’arrivée de Lars Bergenhem ? Sur le pont.
Elle ne répondit pas.
– Il a bien dû vous le dire.
– Il… il s’est caché.
– Il y était ?
Elle hocha la tête, une tête tremblante. Bien. Il avait déjà vécu des auditions dans lesquelles on n’obtenait pas un signe, pas une parole.
– Pourquoi ?
– Il avait peur. (Elle releva les yeux.) Était-ce si étonnant ?
– Y avait-il encore une autre personne sur place ?
– Je ne sais pas.
– Il ne vous l’a pas dit, Roger ?
Elle secoua la tête.
– Sur qui a-t-il tiré ?
– Je ne sais pas !
Elle se cacha de nouveau le visage dans les mains. Puis elle dit quelque chose qui échappa à l’oreille du commissaire.
– Pardon, je n’ai pas entendu.
– Je n’en peux plus, entendait-il maintenant.
Les mots étaient étouffés sous ses paumes. Winter perçut des voix à l’étage. Il consulta l’heure. Il ne pouvait rester plus longtemps. Ils devaient avancer. Mais il n’était pas encore prêt à se lever : il avait d’autres questions à poser.
Il se pencha en avant. Il vit son propre reflet dans le plateau de verre de la table basse. Il était pâle comme un linge.
– Ce chantage… avait-il un rapport avec Brännö ?
Elle sursauta. Vraiment. Comme s’il avait subitement mis la main sur elle. Elle releva les yeux.
– Je ne comprends pas. Brännö ?
– Roger a travaillé comme livreur pour la colonie de Brännö pendant deux étés dans les années soixante-dix. Il faisait des allers-retours avec la terre ferme. Il y avait une colonie là-bas. Ça vous dit quelque chose ?
– Oui, mais elle n’existe plus.
– Une jeune fille a disparu dans l’été 1975.
– Une jeune fille ?
– Elle s’appelait Beatrice Kolland. Elle a disparu un soir de cet été-là. On ne l’a jamais retrouvée.
– Je… je ne sais rien de tout ça.
– Vous rappelez-vous cette période ?
– Non.
– Roger ne vous en a jamais parlé ?
– Roger ? Non. Pourquoi m’en aurait-il parlé ? Ça date de… si longtemps.
– Il était là-bas cet été-là. Que s’est-il passé ? A-t-il été impliqué dans la disparition de cette jeune fille ?
– Non, non. Il ne m’a jamais rien dit de tel. Jamais.
– Est-ce la raison pour laquelle il s’est vu soumis à un chantage ?
Elle secoua la tête. Cette fois, cela pouvait signifier non aussi bien que oui.
– Est-ce la raison pour laquelle…
– Assez ! l’interrompit Berit Richardsson sur un ton aigu, les yeux rougis. Partez maintenant ! Je n’en peux plus !
Winter se leva. Berit Richardsson s’affaissa de nouveau dans le fauteuil. Il se dirigea vers la baie vitrée, qui lui rappela celle qui se trouvait dans la maison du frère. L’ex-maison du frère. On restait frère et sœur, au-delà de la mort. Le ciel était d’un noir d’encre. Il ne ferait pas jour avant quelques heures.
Il se retourna. La sœur le regardait. Elle l’avait sans doute observé tout le temps qu’il était resté dos à la pièce.
Il regagna le coin canapé, se rassit. Elle paraissait plus calme. Elle savait que d’autres questions l’attendaient.
– Votre mari est-il également impliqué dans cette affaire ?
Elle ne répondit pas. Et ce n’était pas faute d’avoir une réponse, Winter était capable de le voir.
– Votre mari a rencontré Beatrice Kolland cet été-là, reprit-il. J’ai pu le vérifier sur l’île.
– On vous a menti !
– Mais il a gran…
– Il ne l’a pas rencontrée, l’interrompit-elle. Qui vous l’a dit ?
– Comment savez-vous qu’il ne l’a pas rencontrée ?
– Il me l’a… fit-elle.
– Il vous l’a dit ? Vous en avez donc parlé ?
– Non, non.
– Les événements récents ne renvoient-ils pas à cette fille, Beatrice Kolland ?
– Je n’en sais rien. Rien.
– Où se trouve votre mari en ce moment, Berit ? Où est Jan ?
– Je ne vous l’aurais pas dit, si je le savais ? Je serais déjà allée le chercher, vous ne croyez pas ?
– Peut-il se trouver sur Brännö ?
– Où donc ? Il n’y est pas retourné depuis… des années. Nous n’avons pas de maison là-bas, rien. (Winter acquiesça d’un mouvement de tête.) On ne connaît personne. (Elle se pencha en avant, vers Winter, à quelque vingt centimètres au-dessus de la table.) Vous avez cherché partout sur l’île, n’est-ce pas ?
– Pourquoi cette question ?
– Est-ce si étrange ?
– Vous ne saviez pas que nous avons fait des recherches ? (Elle secoua la tête.) Et pourtant si. Nous avons passé l’île au peigne fin. Comme le reste de l’archipel. Et toute la côte. Nous avons vraiment tout fait pour retrouver votre mari, Berit.
Elle hocha la tête.
– De même que, maintenant, nous sommes à la recherche de Bergenhem. Le temps presse. Savez-vous autre chose ? Voulez-vous nous aider, Berit ? Toute aide est la bienvenue.
Elle prononça quelques mots inaudibles.
– Que dites-vous ?
– C’est comme Roger, il avait besoin d’aide.
Elle s’était raidie dans la même position. Il y avait cependant quelque chose de changé sur son visage, dans ses yeux : sous l’abattement, une certaine flamme. Quelque chose de brûlant.
Winter vit soudain ce que c’était.
Glacé d’effroi, mais en proie à cette fièvre… d’avoir compris.
Ce qui l’avait retenu ici, cet acharnement à la questionner durant la dernière demi-heure, c’était à cause de ça.
– Vous avez aidé Roger, Berit ? demanda-t-il doucement.
Elle ne répondit pas. Aucun signe de tête non plus, ni dans un sens ni dans l’autre. Elle gardait cette posture figée, cette vibration dans le regard.
– Comment l’avez-vous aidé ?
Il ne savait pas si elle le voyait, pas plus qu’autre chose derrière lui. Il était transparent pour elle.
– Roger ne peut pas avoir abattu Sellberg, continua Winter. Il a un alibi pour cette nuit-là.
Hochement de tête.
– Il nous a dit qu’il était en conférence. (Le commissaire mentait. Il devait le faire. Pour un homme mort. Pour trouver son meurtrier.) Il n’aurait pas pu le commettre.
– Tant mieux pour lui, fit-elle.
Sa voix s’était affermie. Elle avait trouvé de nouvelles forces. Il pensa qu’elle s’était décidée. Enfin. Ce n’était jamais qu’une question de temps. Elle savait que Winter mentait et elle lui en savait gré.
– Il devait abattre Jan, expliqua-t-elle en le regardant droit dans les yeux. C’était sa prochaine… mission.
Winter hocha la tête.
– Mais il n’aurait jamais pu tirer sur quelqu’un. (Elle continuait à soutenir son regard.) Jamais.
– Il a pourtant tiré sur la maison de Sellberg.
Elle opina de la tête.
– Il n’est pas allé plus loin. Il en était incapable.
– Pourquoi n’a-t-il pas refusé de le faire ?
Des voix se firent entendre à l’étage pour la première fois depuis un moment. Winter croyait tout le monde endormi, Ringmar inclus.
Elle leva les yeux. Son regard se figea, au-delà du plafond, sur les enfants couchés là-haut dans leur chambre.
Winter sentit un froid glacial lui parcourir les membres. C’était pire que tout à l’heure. Il en avait les os glacés.
Elle le regarda.
Elle comprit qu’il comprenait.
Et tout à coup il avait devant les yeux cette scène : Bertil et lui dans ce même salon, la nuit où Sellberg avait été tué. Berit leur avait ouvert la porte, dans une robe de chambre rouge de style kimono, bien serrée à la taille. Et qui lui enveloppait tout le corps. Elle avait sans doute à peine eu le temps de le passer – sur ses vêtements d’extérieur.
– Il y a un proverbe qui dit que le sang pèse plus lourd que l’eau, dit-elle. Vous le connaissiez ?
– Oui.
– Vous me comprenez ?
– Oui.
– Vous me croyez ?
– Oui.
– Sellberg a fait quelque chose d’épouvantable.
– Qu’est-ce qu’il a fait ?
– Cette jeune fille… c’était lui.
– Soit, mais qu’a-t-il fait ?
Elle ne répondit pas. Dans son regard, la lueur s’était éteinte.
– Où est-elle, Berit ? Où est Beatrice ?
– Je ne sais pas. Je ne sais pas.
Elle tourna de nouveau les yeux vers lui.
– Je n’en sais pas plus. On m’a raconté que c’était ce Sellberg. J’ignore quoi. Et pourquoi.
– A-t-il agi tout seul ?
– Vous ne trouvez pas que ça suffit maintenant ?
Des voix se faisaient à nouveau entendre là-haut, un peu plus fortes. Ils voulaient savoir. Bientôt Erik et Tova allaient descendre au salon. Une dernière heure encore et pour Berit Richardsson, ce serait la dernière nuit avec ses enfants. Encore une tragédie dans les pas de Winter. Il aurait dû l’interroger sur la part qu’avait prise son mari dans la vie et la mort de Beatrice, mais il n’en avait pas le cœur sur le moment.
Des pas résonnèrent dans l’escalier.
– Qu’avez-vous fait du pistolet ?
– Je l’ai rendu à Roger, répondit-elle en se levant.
Presque mort
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