36.
Bergenhem démarra la voiture. Il aperçut des
faisceaux lumineux au-dessus de Ringö, sur la berge opposée. On
aurait dit des signaux. C’était probablement le cas. Une affaire de
contrebande sur le point de se conclure. Tous les trafics, légaux
ou pas, passaient par les containers. La berge nord en était
couverte. La came arrivait en container ; les hommes aussi. Un
sacré bordel. Son portable se remit à sonner. Il consulta
l’écran : Erik Winter. Erik le Probe. Qu’est-ce qu’il voulait
encore ? Est-ce qu’il faut que je lui rapporte ma plaque et
mon arme ? C’est tout juste s’il ne m’a pas arrêté, et foutu
en prison. Pour obstruction à son enquête. Il fallait que je
raconte. Mais il n’y avait rien à raconter. Je l’avais à peine vu,
ce type. J’allais lui dire, mais je n’ai pas eu le temps. Je
bossais. Qui a trouvé la bagnole sur le pont ? C’est ce qui a
tout enclenché. On ne sait pas ce qu’elle faisait là, mais c’est
moi qui l’ai trouvée. Cinq minutes plus tard, elle aurait peut-être
disparu. Il y avait quelqu’un tout près, je le sentais. Sous la
voiture ? J’ai pas pensé à regarder. Ou alors quelqu’un aurait
pu se suspendre au parapet, ça s’est déjà vu. C’est possible de se
cacher. Sous la bagnole. Pourquoi j’ai pas vérifié ? Cet
Edwards, au courant de rien, il en sait plus qu’il ne le dit. Je
devrais l’interroger une seconde fois. Je peux le faire mieux que
Winter. Qu’est-ce qu’il me veut ? Voici qu’il m’appelle
encore. Je ne suis pas obligé de répondre. Je ne suis pas en
service. Je suis moi-même en ce moment. Je me barre. Bien sûr, la
voiture est déjà en marche. Je viens de commettre une
infraction : j’ai laissé tourner le moteur à vide plus d’une
minute. Mais je l’ai fait en tant que personne privée.
***
– Magda ?
Magda ! cria Halders. (Il ne voyait plus sa fille, alors
qu’une minute auparavant elle était en train de grimper sur la tour
du plongeoir.) Magda !
– Je suis là, papa.
Elle sortit de derrière un rocher.
– Tu t’étais cachée ?
– Non.
– On visite les alentours ? lui
proposa Halders.
– Je n’ai pas très envie. On a déjà
beaucoup marché.
– OK.
– Vas-y, Fredrik. Moi je reste ici avec
Magda.
Aneta Djanali lui passa son bras autour des
épaules. Bien frêles, pensa-t-elle. Magda n’a plus que la peau et
les os. De quand est-ce que ça date ?
Magda parut contente.
– Les filles restent ici, lui sourit la
jeune femme.
– Je ne serai pas long, promit Halders. On
cassera la croûte à mon retour.
– Bien sûr.
– Aneta ?
– Oui ?
– C’était… c’était… (Il s’interrompit.) On
pourra reprendre notre conversation avant de revenir en ville,
Aneta ?
Elle hocha la tête.
– Je… je peux chan…
– Vas-y maintenant, Fredrik.
Halders remonta la route de Ramsdal jusqu’au
croisement avec la Sente de l’Amour, qui se prolongeait de l’autre
côté de l’escarpement rocheux. Il prit à gauche, en descendant vers
la route d’Husvik, puis il emprunta cette dernière jusqu’à la
Source aux Vœux. C’était aussi le nom d’une ruelle qui montait en
pente raide. Il la suivit jusqu’à ce qu’elle se transforme en un
sentier conduisant au sommet. Beaucoup d’arbres avaient déjà perdu
leurs feuilles, mais la végétation était dense à cette hauteur. Une
vraie forêt vierge, qui bouchait la vue sur l’archipel. Il aperçut
un genre de cabanon sur la droite et s’en approcha. En fait,
c’était plutôt un bungalow. Il avait sérieusement besoin d’un coup
de neuf. Rénové, t’achètes ça pour deux cent mille balles,
calcula-t-il. On doit voir la mer depuis le toit.
Il grimpa sur la terrasse.
Les planches craquaient. Elles avaient souffert les sévices du
temps et le manque d’entretien. C’est comme les humains, sourit-il.
Si tu conjugues les effets de l’âge avec une mauvaise hygiène de
vie, à la fin, t’en peux plus.
Il jeta un œil à travers l’une des fenêtres. Au
moins, elles avaient l’air en bon état. Il faisait noir à
l’intérieur, les masses qu’il voyait se dessiner pouvaient
correspondre à tout et n’importe quoi. Un lit, une table sans
doute. Il appuya sur la poignée de porte. Pourquoi ? Simple
curiosité. Si quelqu’un le voyait, il pourrait toujours dire qu’il
était de la police. Ou alors, agent immobilier. Qui pouvait bien
posséder un truc pareil ? C’était spécial, comme site, pour
une maison de vacances. À moins qu’on ait construit le cabanon pour
surveiller la mer : une annexe d’une des maisons situées plus
bas, dans la ruelle. Un cabanon de pêche, finalement. Ce n’était
pas si absurde. Un jour elle monterait jusqu’ici, la mer.
D’ailleurs, il y avait déjà de l’eau. Entre les arbres, Halders
voyait scintiller une mare, à vingt mètres de là. Ça aussi, c’était
bizarre. Le clapotis de l’eau n’était pas censé se faire entendre
au sommet d’une île, plutôt à ses pieds. Sauf qu’elle ne clapotait
pas. C’était une eau calme, comme morte, toute noire – une nuit
sans réverbère. Il n’y avait pas d’oiseaux, pas de bruit, rien. La
mare était plus grande qu’il ne croyait. Elle devait être profonde,
une crevasse dans la roche, qui descendrait droit dans les
entrailles de la terre. Une tombe marine. Il se tenait tout au
bord. La surface de l’eau faisait penser à du goudron. Il aurait pu
marcher dessus. Marcher sur l’eau. Il suivit le bord jusqu’à
l’autre côté de la mare, puis il escalada l’escarpement. De
là-haut, la vue était imprenable. À l’ouest, la pleine mer :
quelques porte-containers en partance, avec leurs Legos sur le
pont, un ferry tout blanc, sans doute celui de Frederikshavn. Il
voyait également la baie d’Husvik en contrebas, et même le ponton,
et puis au loin des îles et des îlots en nombre infini. On aurait
dit que les terres l’emportaient sur la mer, qui les cernait
pourtant.
Il apercevait la remise améliorée, du côté du
sentier. On n’aurait pas dit qu’elle se reflétait à la surface de
la mare ? Apposant là son empreinte ? Presque, mais
c’était impossible, trop loin.
Une fenêtre scintilla en bas, un éclat d’une
seconde à peine. Halders leva les yeux vers le ciel. Le soleil
n’avait pas bougé : ce gros prétentieux
n’était pas pressé de se retirer. Pas un nuage. Et pas d’oiseaux ni
d’avion tout là-haut.
Alors, pourquoi la fenêtre avait-elle
scintillé ?
Elle avait bougé. Ce n’était pas le soleil,
c’était la fenêtre qui avait bougé.
Winter était monté à bord de la voiture de
patrouille et ils roulaient vers le gazomètre. Le policier au
volant, pas plus que son collègue, ne lui avait posé de question.
Ce n’était pas la première fois qu’ils passaient prendre le
commissaire devant chez lui.
– Qu’est-ce qu’on cherche ? demanda le
conducteur.
– Arrêtez-vous là, se contenta de répondre
Winter.
Il mit pied à terre et suivit la promenade
rocheuse. Pas de voiture dans le coin, uniquement des vieilles
coques à différents stades de délabrement. Winter traversa la route
en direction du parking. Des trois voitures en stationnement,
aucune n’était celle de Bergenhem. Le gazomètre jetait son ombre
sur le terrain, noir sur noir. Le bâtiment circulaire était éclairé
de derrière par l’échangeur autoroutier de la ville.
Winter regagna la voiture et reprit sa place sur
la banquette arrière.
– Vous pourriez me déposer à
Eriksberg ?
– No problemo, fit le conducteur.
Il démarra et le véhicule quitta le bas-côté de
la route. Un garçon bien jeune, songea Winter. Plus jeune que je ne
l’étais à son âge. On dirait un lycéen. L’autre avait l’air d’un
étudiant.
– La soirée n’a pas encore commencé, fit
l’étudiant.
– On ne dirait pas, effectivement, répondit
Winter.
– Mais ça pourrait bien chauffer d’ici peu,
continua le lycéen.
– Sûr, fit l’étudiant. Et dans deux
semaines, le week-end de la paie, aïe aïe aïe…
– Aïe aïe aïe ! répéta le
lycéen.
– On ne devrait peut-être pas filer leur
paie aux gens avant mais après le week-end, continua l’étudiant.
Pour qu’ils la dépensent sur les jours de semaine.
– Bonne idée, approuva son collègue.
– Comme ça, ils ne seraient pas tous
obligés de payer leur tournée le même soir.
– Pourquoi personne
n’y a pensé avant ? Tu devrais en parler avec un ministre, lui
conseilla le lycéen. Le ministre de l’emploi.
– Celui de la paie.
– Je crois pas que ça existe.
Winter était atterré par leur verbiage. Ironie
ou pure connerie ? Les gars répétaient sans doute ce discours
au mot près pour la centième fois, comme de mauvais comiques, des
clowns pathétiques. Ce soir-là, c’était lui qui faisait le public,
un autre soir ce serait quelqu’un d’autre, un voyou, un quelconque
délinquant. Une façon de tuer le temps pour ces policiers
débutants, mais aussi de tenir leur peur à distance.
Ils traversèrent ensuite le pont du Fleuve Göta,
une version maussade et dépassée de celui qui l’avait remplacé plus
bas vers l’ouest. Il n’était plus guère emprunté que par le tram et
les bus. Les gens des Chantiers Navals de Göteborg aussi. Mais la
plupart des automobilistes préféraient faire la queue au tunnel de
Tingstad ou passer sur le pont d’Älvsborg.
Le conducteur enfila le boulevard de Lundby en
direction de l’ouest, jusqu’au tunnel du même nom. Il aurait pu le
quitter bien avant. Il devait aimer les tunnels, ces couloirs
géants, complètement dépouillés. Ils étaient seuls à l’intérieur.
Le tunnel n’en finissait pas. Il y régnait une lumière bleu acier.
Winter n’avait pas souvenir qu’il était si long. Il connaissait mal
Hisingen. Mais il aurait sûrement l’occasion d’y revenir. Le
quartier était sur la voie ascendante pour tous les trafics, légaux
ou non. Cet activisme faisait d’Hising Island un vrai paradis
fiscal.
Ils étaient enfin sortis du tunnel. Le lycéen
obliqua en direction d’Eriksberg.
– On va où ? demanda-t-il en se
retournant une seconde vers son passager.
– Quai aux Navires. Je ne sais pas
exactement où ça se trouve, répondit Winter, mais on ne doit pas
être loin.
– Faut redescendre par le Moulin, fit
l’étudiant.
– Je sais, répliqua son acolyte.
Ils continuèrent en direction de ce nouveau
quartier. Les immeubles devenaient de plus en plus hauts. Une
enfilade de gratte-ciel.
Quand ils passèrent devant, Winter leva les yeux
sur le vieux moulin cylindrique. C’était comme une forteresse, une
citadelle qui témoignait des temps anciens,
des temps plus nobles que le nôtre.
– Ils l’ont converti en apparts, déclara
l’étudiant. Des lofts branchés.
– Une de mes connaissances vit là-dedans,
enchaîna le lycéen.
– Non ? Qui ça ?
– Tu connais pas. C’est une fille.
– Une fille ? Tu fréquentes ce genre
de minettes, toi ?
– Positif.
– Excusez-moi de vous interrompre, fit
Winter, mais l’un de vous sait-il où commence le quai aux
Navires ?
– Quoi… ben… juste un peu plus loin,
répondit le lycéen en ponctuant son propos d’un hochement de
tête.
Il ralentit sur les derniers mètres.
– Voilà, fit-il ensuite en pointant du
doigt. (La voiture s’était maintenant immobilisée.) C’est tout
près. Vous descendez jusqu’au quai. Le quai de Sörhall, je crois
bien.
– Vous connaissez bien les environs,
apprécia le commissaire.
– La fille du Moulin, ironisa
l’étudiant.
– Arrête ton char, fit le lycéen.
– Ne m’attendez pas, leur dit Winter en
s’extrayant de la banquette arrière.
– Vous ne voulez pas qu’on vous
accompagne ? proposa l’étudiant.
– Je ne peux pas vous retenir plus
longtemps, répondit le commissaire. (Il jeta un œil à sa montre.)
Le week-end bat son plein désormais.
– Qu’est-ce que vous cherchez ?
insista l’étudiant.
– Je ne sais pas vraiment.
– Et ça vous arrive souvent ? De ne
pas savoir ? Quand on bosse pour la brigade criminelle, on
part enquêter… comme ça ?
– Ça arrive. Mais en général, on conduit
soi-même.
– Et pourquoi vous n’avez pas pris votre
voiture, ce soir ?
– La faute à quelques verres d’un délicieux
valpolicella, expliqua Winter en refermant la portière derrière
lui.
***
Halders scrutait la maison, la fenêtre. Plus
rien ne bougeait. Plus d’éclat de lumière, plus de reflet. C’était
peut-être une illusion d’optique. Il clignait
des yeux toutes les trois secondes car il avait oublié ses lunettes
de soleil. La lumière était aveuglante dans l’archipel, surtout sur
l’eau. La mer était comme du papier d’argent un jour comme
celui-là.
Il redescendit en se taillant un chemin le long
d’une ravine. La mare avait l’air d’une fosse noire. Le soleil
avait dû se déplacer de deux trois mètres dans le ciel… l’eau
paraissait encore plus sombre.
Voici qu’il retrouvait la terrasse, si on
pouvait l’appeler comme ça : une plate-forme à claire-voie de
deux mètres sur deux hissée sur quelques marches. Halders appuya de
nouveau sur la poignée, mais comme la première fois, elle résista.
Avec les fenêtres, c’était la seule chose qui paraissait un peu
solide dans cette baraque. Pourtant, c’était ce qui risquait le
plus d’être enfoncé ou cassé par les voyous. Ils n’avaient
peut-être pas de voyous sur Brännö. On avait dû les déporter sur
Asperö et Styrsö.
Il essaya de faire le tour du bâtiment, mais les
mauvaises herbes, les roseaux et autres formes de végétation
sauvage rendaient la chose impossible. Il s’y mêlait toutefois
quelques rosiers, montant la garde autour des fenêtres. La maison
était adossée à la roche : pas plus de trente centimètres
entre le mur du fond et la paroi bien lisse. L’architecte avait
choisi un drôle de site. L’inspecteur glissa de nouveau son regard
à travers la fenêtre. Voilà pourquoi il faisait si sombre
là-dedans : la lumière ne pénétrait que par un côté. Il voyait
toujours se dessiner les mêmes contours. On n’avait pas refait
l’aménagement intérieur depuis son dernier passage. De toute façon,
qui pouvait bien se cacher ici ? Et puis, en quoi ça le
regardait ? C’était sans doute un jeune, un voyou. Ou un
ivrogne. Après tout, on était samedi.
– Ohé ? cria-t-il. Y a
quelqu’un ?
Pas de réponse, comme il s’y attendait.
Ses yeux avaient dû lui jouer un tour.
Il aurait pu fracturer la porte mais il n’en vit
pas la nécessité. Il n’était pas venu sur l’île pour ça ce jour-là.
C’était pour essayer de reconstruire sa relation avec Aneta. Elle
lui avait paru aussi mal en point que la cabane, mais il n’en était
plus si sûr, ou si incertain. Il y avait peut-être un espoir. Il
redescendit les marches de la « terrasse ».
Un enfant de six ans jouait avec une balle rouge
dans le jardin de la maison située à l’angle de la Source aux Vœux
et de la route d’Husvik. Halders le salua d’un signe de la main.
Le gamin fixa sur lui des yeux terrorisés,
puis il se dépêcha de disparaître derrière la bâtisse. Ils
n’étaient peut-être pas habitués à voir des étrangers ici, du moins
en cette saison. Ou alors l’enfant était retardé. Après tout, on
était sur une île. Il perçut des voix, mais personne ne se montra.
Ils devaient tous être embusqués : père, mère, enfant,
grands-pères et grands-mères des deux bords. Mieux valait
déguerpir.
Aneta et Magda l’attendaient, sagement assises
sur la couverture. Le pique-nique était servi.
– Où tu étais, papa ?
– Je suis monté jusqu’au sommet de
l’île.
Il pointa du doigt le chemin qu’il avait pris
puis il les rejoignit sur la couverture.
– C’était haut ?
– Y avait de quoi avoir le vertige.
– Je pourrai y aller ?
– Aucun intérêt, ma puce. On est beaucoup
mieux ici, près de la plage.
– J’ai trempé les pieds dans
l’eau !
Et elle leva ses petits petons. Halders constata
qu’elle était pieds nus.
– Pas trop froide ?
– Non !
– Moi aussi je me suis trempé les pieds,
fit Aneta, en lui montrant les siens. Elle était bonne.
– Il ne me reste plus qu’à vous imiter,
répondit Halders.
Il retira ses chaussures, ses chaussettes et
descendit jusqu’à l’eau.
Même pas froide.
Il avait chaud dans le ventre aussi, et dans le
cœur. Sans compter la tête qui chauffait. Il avait cru voir sourire
Aneta. Encore un tour de ce satané soleil. Il releva les yeux. Il
lui riait à la face, le con ! Il se sentait plus serein qu’il
n’aurait dû.
Winter se tenait devant la porte d’entrée du
numéro 3, quai aux Navires. Il ne savait pas vraiment quoi
faire maintenant. Il sortit son portable et appela chez Bergenhem.
Il tomba sur une voix anonyme. D’où venaient-elles, ces voix
aseptisées ? Des voix électroniques ? Ou alors
existait-il des gens pour parler comme ça ? Celle qui assurait
l’accueil sur le répondeur de la Swedbank
avait sûrement travaillé comme présentatrice du JT ou comme
speakerine.
Son portable sonna.
– Oui ?
– Tu l’as retrouvé, Erik ?
– Non.
– J’ai appelé Martina, lui apprit Angela.
Il y a quelques minutes à peine.
– Alors ?
– Je lui ai dit que je voulais juste savoir
comment elle allait. Que j’étais au courant.
– Bien.
– Elle n’a pas eu de nouvelles de Lars ce
soir.
– Tu lui as posé la question ?
– Oui, je lui ai dit que tu voulais parler
avec lui.
– Bien.
– Où es-tu ?
– En ce moment, je suis devant l’immeuble
de Lars, à Eriksberg. Enfin celui où vit son « ami »,
comme il l’appelle.
– Qu’est-ce que tu vas faire ?
– Je ne sais pas vraiment, Angela.
Repartir.
– Tu ne peux pas l’appeler ? À
l’appartement ? Tu verras s’il y est ou pas.
– Je… j’avais envie de lui parler. De ce
qui s’est passé ce soir. Ou plutôt cet après-midi.
– Essaie de ne pas t’attarder.
– Non.
– Nous aussi, il faut qu’on parle,
Erik.
– Parler de quoi ?
– Erik…
– De quoi est-ce qu’il faut qu’on parle,
Angela ?
– De… on en parlera à ton retour. Ce n’est…
tu n’es plus le même depuis quelques temps… (Elle s’interrompit.)
On ne va pas parler de ça au téléphone. Rentre à la maison, Erik.
Ne tarde pas trop.
– Je fais mon possible. Salut.
Il raccrocha et s’adossa au mur de
briques.
Un homme lui passa devant. Il composa le numéro
du digicode, puis il poussa la porte et se retourna :
– Je peux vous aider ?
Winter secoua la tête.
Il fallait qu’il reparte. Il avait pris sa
décision.
– Vous cherchez quelqu’un ?
L’homme paraissait méfiant
désormais. Il lâcha la porte et la laissa se refermer, sans
pénétrer dans le hall d’immeuble.
– Non, non, répondit Winter.
Il commença à s’éloigner.
– Qui êtes-vous ?
Winter ne répondit pas.
– Hé ! entendit-il dans son dos. Hé,
vous !