24.
Winter retrouva le nom de Richardsson dans
l’enquête avortée sur la disparition de Beatrice. Il lui fallut
quelques secondes pour le repérer, en tout début de lecture :
même nom. Ce n’était pas un hasard.
Jan Richardsson était le témoin qui avait vu
Beatrice pour la dernière fois.
Il sentit comme un frisson dans la nuque. Un
jeune homme du nom de Jan Richardsson avait vu la jeune fille
pendant une minute ou deux. Il descendait la route d’Husvik. Elle
venait de la Sente de l’Amour. Elle avait continué vers la baie,
puis elle avait disparu derrière une maison. Ensuite, il ne l’avait
pas revue. Non, il ne la connaissait pas. Il ne savait pas qui
c’était. Le policier qui l’avait auditionné ne lui avait pas
demandé ce qu’il faisait là, d’où il venait, où il se rendait. Quel
sagouin ! Trente ans plus tard, des informations de ce type
pouvaient s’avérer essentielles. Hans Bergfeldt : le nom du
collègue ne lui disait rien. Il souleva le combiné. À la seconde
même, on frappa à sa porte. Elle s’ouvrit directement et Ringmar
fit son entrée dans le bureau.
– Je m’apprêtais à t’appeler.
– Je sais. C’est pour ça que je suis
venu.
– Assieds-toi au lieu de dire des
conneries.
– Qu’est-ce qu’on a d’autre à
dire ?
– Pas de sarcasme dans cette pièce, merci.
Je ne supporte pas. (Winter souleva la feuille qu’il était en train
de lire.) On pourrait parler de notre politicien, Jan Richardsson,
le témoin qui a vu Beatrice pour la dernière fois.
– Beatrice ?
– La fille qui a disparu de la colonie à
Brännö. Celle qu’on n’a jamais retrouvée.
– Il y avait un témoin. Un jeune homme de
vingt ans. Qui s’appelait Jan Richardsson.
– C’est le même ? Notre disparu à
nous ?
– Bien sûr que c’est notre homme,
Bertil.
– Comment sais…
– Ne reviens pas avec tes sarcasmes, j’ai
dit ! Soit tu es avec nous dans cette enquête, soit tu
vas…
Winter se tut.
– Soit je ?
– Excuse-moi, Bertil.
– Soit je vais me faire foutre ? Très
bien.
Et il se leva.
– Sois sympa, Bertil, je te demande de
m’excuser. Bien sûr qu’on va vérifier si c’est le même Richardsson.
Pour l’âge, c’est bon. Mais on va regarder ça, OK ? Je voulais
te demander si tu connaissais le policier qui l’a auditionné :
Hans Bergfeldt. Je ne reconnais pas son nom. Où est-ce qu’il est
parti ?
– Au ciel, répondit Ringmar. Je ne pense
pas qu’il ait fini en enfer.
– Il est mort, quoi.
– Une tumeur au cerveau. Ça n’a pas traîné
à la fin. C’était plusieurs années avant ton arrivée chez nous. Il
avait à peine quarante ans.
Winter ressentit comme une barre de fer sur le
front. Ça commençait à cogner au-dessus de son œil gauche. Une
goutte de sueur lui coula sur sa tempe.
Il se leva.
– Qu’est-ce qu’il y a, Erik ? Tu n’as
pas l’air bien.
– Je vais bien.
Winter alla se rincer la figure au lavabo. Il
s’essuya le front. La barre avait relâché sa pression. Il avait
l’air pâle sous ce soleil de merde, qui s’infiltrait malgré les
persiennes ! Si ça continuait, il s’achèterait des rideaux
opaques noirs.
– Il serait temps de le retrouver, ce foutu
Richardsson, prononça-t-il dans le miroir.
Bergenhem avait reçu comme priorité de fouiller
dans le passé de Richardsson. La liste de ses contacts
professionnels n’avait rien donné. Winter scrutait de nouveau les
photos du pont d’Älvsborg. Il n’y avait pas à
dire, tout avait commencé avec cette voiture abandonnée sur un pont
désert. Bergenhem était passé par là. Il avait donné l’alarme. On
avait trouvé une balle dans la Lexus de Roger Edwards. Volée à
Långedrag. C’était du moins ce qu’il prétendait. Une balle de
calibre Tokarev. Elle revient dans les tirs contre la maison de
Sellberg. Puis contre Sellberg lui-même. On a vraisemblablement
utilisé la même arme. Les balles provenaient de la même arme. Nous
ne savons pas encore si celle-ci a déjà été utilisée avant. Nous ne
l’avons pas retrouvée. Nous ne savons pas si c’est la même main qui
tenait la crosse. Quelle main ? La main d’un seul ? Sans
doute. Il n’y a pas de hasard ici. Il y a un but. On ne fait quand
même pas tourner le même pistolet Tokarev dans tout le Milieu de
Göteborg ! Richardsson a abattu Sellberg. Querelle d’amoureux.
Avec les premiers coups de feu, Richardsson voulait faire peur à
son amant, qui ne s’est pas laissé effrayer. Au contraire, il a
pris place dans la voiture qui l’emmenait vers sa propre mort, la
voiture de Richardsson. Ce dernier l’attendait au rendez-vous, sur
le parking. Et la Lexus, sur le pont d’Älvsborg ? Est-ce qu’il
y était aussi, le politicard ? Et Sellberg ? Avaient-ils
chipé la bagnole d’Edwards pour aller ensuite sauter dans le
fleuve, main dans la main ? Est-ce que ça avait mal
tourné ? Cesse de délirer, Erik. Pense au pistolet. Comment
Richardsson aurait-il pu se procurer un Tokarev ? Auprès de
qui ? Un gangster. Il en connaissait plusieurs, notamment ce
gangster qui avait fait partie de sa famille.
Le téléphone retentit sur son bureau.
– Oui ?
C’était le standard.
– Quelqu’un qui cherche à te joindre. Un
homme.
– Comment s’appelle-t-il ?
– Il ne veut pas le dire.
– OK, je le prends.
Winter perçut un raclement dans le combiné, un
sifflement, puis encore un bruissement différent. Un silence sur un
bruit de fond.
– Allô ? Allô ?
Silence.
– Allô, qui êtes-vous ? Ici le
commissaire de la police criminelle, Erik Winter.
Il entendait respirer.
Une voix frêle, comme à la merci du vent. Une
voix d’homme. Winter crut reconnaître un bruit de circulation.
L’homme appelait sans doute d’un portable, dans la rue.
– Oui, c’est bien moi. Qui est à
l’appareil ?
– Je… je ne voulais pas le faire.
– Pardon ? Je n’ai pas bien compris.
Qu’est-ce que vous avez dit ?
– Je… ne veux pas le faire. Je ne veux
pas ! Aidez-moi !
La voix s’éteignit. La communication était
coupée.
Winter considéra le combiné avant de le remettre
devant sa bouche :
– Allô ? Allô ?
Ils purent remonter jusqu’à une cabine publique
de la place Chapman. Une cabine à pièces.
– Mon Dieu, ça existe encore ? s’écria
Ringmar lorsqu’ils arrivèrent sur les lieux.
– Ils ont dû l’oublier.
– On va devoir installer un périmètre de
sécurité.
Une femme en veste de cuir rouge se dirigeait
vers eux. Pour téléphoner : elle avait déjà sorti son
porte-monnaie. On utilisait donc bien ce genre d’antiquité.
– Police ! fit Ringmar. Cette cabine
est fermée jusqu’à nouvel ordre.
Les experts travaillaient maintenant sur la
cabine. Öberg n’avait rien dit, il avait gardé un visage
imperturbable devant cette nouvelle mission.
– Des idées, merci ! lança
Winter.
L’équipe s’était réunie dans la salle de
conférence. Personne ne savait d’où lui venait cette dénomination,
car jamais les conférences de presse n’avaient lieu à cet endroit.
Cet après-midi-là, Winter en tiendrait une. Ce serait un
non-événement. Il en savait à peine plus que les journalistes et le
peu qu’il savait, il ne le dirait pas. L’identité de Sellberg était
connue, mais jusqu’à présent ils avaient réussi à protéger
l’anonymat de Richardsson. Le protéger, était-ce la bonne
expression ? Le protéger de qui ?
Était-ce lui qui avait appelé ?
Il la faisait maintenant écouter à ses
collègues :
– Allô ?
Allô ? Allô, qui êtes-vous ? Ici le commissaire de la
police criminelle, Erik Winter.
– Winter.
– Oui, c’est bien moi.
Qui est à l’appareil ?
– Je… je ne voulais
pas le faire.
– Pardon ? Je
n’ai pas bien compris. Qu’est-ce que vous avez
dit ?
– Je… ne veux pas le
faire. Je ne veux pas ! Aidez-moi !
– Allô ?
Allô ?
– Il dit ton nom, constata Aneta Djanali.
Il le répète.
Winter hocha la tête.
– Il cherche une confirmation auprès de
toi.
– Il voulait en être sûr, enchaîna Halders.
Il cherchait à joindre Erik.
– Il a peut-être choisi ce nom par
hasard.
– Par hasard ? Tu connais le bottin
des commissaires de police, toi ? répliqua l’inspecteur.
Il s’en mordit les lèvres. Et voilà !
Maintenant on va me dire que je rêve d’entrer dans le bottin.
– Moi aussi, j’ai l’impression que ça l’a
rassuré d’être mis en relation avec Erik, déclara Ringmar.
– Admettons : il voulait me joindre,
et moi seul, reprit Winter. Autre chose ?
– Il change de… temps verbal, intervint
Bergenhem. D’abord il dit qu’il ne « voulai[t] » pas
« le » faire et ensuite qu’il ne « veu[t] pas le
faire ».
– Il répète la dernière proposition,
enchérit Aneta Djanali. Qu’il ne veut pas le faire.
– D’abord, il ne voulait pas le faire, et
maintenant il ne veut pas le faire, résuma Ringmar.
– Il voudrait qu’on l’aide à ne pas le
faire, conclut Halders.
– À ne pas le refaire, corrigea
Ringmar.
Winter opina du chef :
– Il ne veut pas le refaire.
– Il a fait quelque chose qu’il ne veut pas
recommencer, murmura Aneta Djanali.
– Oui.
– Quoi donc ?
– Tuer un mec, proposa Halders.
– Pourquoi pas ? répliqua
l’inspecteur.
Benny Vennerhag avait déménagé depuis la
dernière fois. Il vivait maintenant dans l’une des rares
habitations qui longeaient la route de Järkholm, à peine à un
drive de distance du golf de Hovås. De
l’autre côté de la piste cyclable : la mer. Dans le temps,
Winter faisait la route à vélo jusqu’au ponton de Järkholm. C’était
là qu’il allait se ressourcer. Il gara sa voiture et monta vers la
maison de Vennerhag. Un palace qui avait dû lui coûter dans les
vingt millions de couronnes. Les deux piscines étaient… vides. Une
terrasse en bois courait tout le long de la maison, façon paquebot
de luxe. Winter sonna à la porte. Un carillon déplaisant retentit.
Personne ne vint ouvrir. Il entendit un cri derrière lui. Se
retournant, il vit une silhouette lui faire signe de l’autre côté
de la route, sur le ponton. Un gros bateau à moteur et un voilier
encore plus grand étaient à l’amarre. La silhouette qui se
découpait à contre-jour le saluait.
– Erik ! Par ici ! Viens par
ici !
Winter traversa la route, puis il descendit vers
le ponton en passant par les rochers. L’homme n’avait pas bougé.
Benny Boy. L’une des personnes au monde pour lesquelles il avait le
plus d’aversion. Sans doute à cause de cette histoire avec sa sœur.
Le salaud. Histoire, ou comment appeler ça ? Attaque. Viol.
Agression. Hypnose.
Benny était en maillot de bain. Visiblement, il
soignait sa musculature et son sourire étincelait de blancheur sur
sa peau bronzée.
– Mon Dieu, Erik ! Fin octobre et on
se croirait en plein été ! Ça ne te donne pas envie de faire
trempette ?
– Non.
– J’ai des maillots dans la cabane.
– La cabane ?
– Ouais, la cabine de bain. Tu la
vois ? Tu peux te changer à l’intérieur. Vas-y, bon
sang ! Depuis le mois de mai, je nage tous les jours
ici.
– Et ça te fait du bien, Benny ?
– Quoi ? Vas-y, mon gars ! Va te
changer !
Pourquoi pas ? Ça lui éclaircirait
peut-être les idées. L’histoire se répétait. La dernière fois qu’il
avait vu Benny, plusieurs années auparavant,
dans l’ancienne maison du gangster, en ville, il lui avait
également emprunté un maillot de bain pour nager dans la
piscine.
Ensuite, il avait essayé de noyer Benny dans le
grand bassin.
Mais celui-ci n’était pas rancunier :
– Très bien ! lui lança-t-il en le
voyant sortir de la cabine. Un petit plongeon
maintenant !
Benny plongea, et Winter après lui. Le contact
de l’eau lui donna d’abord un frisson glacial, puis une sensation
délicieuse. Il nagea un moment, le visage tourné vers le soleil. Il
sentait le sel sur ses lèvres. Il sentait en lui une clarté, une
acuité nouvelle.
Vennerhag battait des pieds dans l’eau, à dix
mètres devant.
– Je connais rien de meilleur, fit-il
lorsque Winter l’eut rattrapé.
– Je te crois.
– Pourquoi tu ne viens pas me voir plus
souvent, Erik ? (Vennerhag sourit de plus belle.) On pourrait
fonder un club. Un club de baigneurs.
– J’ignorais que tu habitais dans le coin,
Benny. Jusqu’à aujourd’hui.
– Ouais, c’est ce que tu me disais au
téléphone. (Il commença à nager.) J’ai entendu que t’avais acheté
un terrain à Billdal. Toujours pas construit, bien sûr.
– Ah bon ?
– Pas que je sache.
– Tu me fais surveiller ?
– Tu plaisantes ? Bien sûr que je te
surveille. Une célébrité comme toi.
– On peut avoir d’autres raisons.
– Tu veux dire ?
– On surveille toujours ses ennemis.
– Enne… commença Vennerhag. (Il
interrompit, et reprit, ses battements de jambes.) Qu’est-ce que tu
racontes, Erik ? Toi et moi, des ennemis ? Pourquoi
ça ? J’ai complètement changé de vie. Fini, mes erreurs de
jeunesse. Tu le sais bien, Erik. Tu connais tout de mes erreurs de
jeunesse.
Nouveau sourire. Il n’a pas peur, songea Winter.
Je pourrais le noyer.
– Dis bonjour à Lotta quand tu la verras,
continua Vennerhag avec un sourire épanoui.
– Tu te refroidis, Erik ? entendit-il
derrière lui.
Il ne répondit pas.
***
Ils se séchèrent au soleil, sur les planches de
bois. Vennerhag avait cherché deux bouteilles de bière légère dans
le frigo de la cabine de bain. Winter hésitait à boire, mais il en
aurait sans doute pour un moment. Par-delà le fjord d’Askim, le
soleil scintillait au-dessus des rochers. Les rochers de l’archipel
sud. Il les voyait aussi depuis sa propre plage, un peu plus au
sud. Il pensait à Beatrice. Avait-elle jamais pu faire son dernier
tour à la nage ? Ou bien lui avait-il, justement, coûté la
vie ? Il était persuadé qu’elle était morte. Son corps devait
se trouver quelque part. La poussière de son corps. Benny Vennerhag
leva sa bouteille de bière pour trinquer avec lui. Il arborait un
sourire béat. Il était pourtant loin d’être idiot. C’était
peut-être un homme heureux, mais c’était aussi quelqu’un de
dangereux. Le parfait exemple du sociopathe.
– Tu ne m’as pas l’air trop à plaindre, fit
Winter en pointant la tête vers la maison, qui semblait flotter
au-dessus des rochers dans la lumière de l’après-midi. Quand est-ce
que tu l’as achetée ?
– Oh, trois ans, je crois.
– Tu l’as payée combien ?
– Vingt-sept millions.
– Pas plus ?
– Le mec était pressé de déménager. (Benny
sourit de nouveau.) Il m’a fait un prix.
– Oui, on peut dire. (Winter prit une
gorgée de plus. La bière était amère : une Jever.) Je suppose
que tu l’as payée comptant.
– Naturellement. Sauf que c’était pas moi,
c’était ma société.
– Laquelle ?
– Peu importe, non ?
– Un certain nombre de business vont bon
train dans cette ville depuis quelques années, constata
Winter.
Deux femmes passaient à vélo sur la route, en
chapeau à large bord, la jupe flottant au vent. L’une d’elles leva
la main en signe de salut. Elle avait un beau panier sur le
guidon.
– Tu n’as jamais songé à fonder une
famille, Benny ?
– Si. (Benny le regarda droit dans les
yeux.) Une fois. Mais elle ne voulait pas de moi. Au début, oui,
mais après, non.
– Tiens, tiens.
– Ça aurait changé beaucoup de choses,
Erik. (Vennerhag déposa sa bouteille.) Pense au bon temps qu’on
aurait pu avoir, toi et moi. Partager une vie de famille et tout ce
qui va avec.
– Mais on passe du bon temps en ce moment,
Benny.
– Tu vois ! Enfin, est-ce que ça
t’amuse tant que ça, Erik, la vie de famille ?
– Pourquoi cette question ?
– Tu m’as l’air de traîner assez souvent
dans un des bars du centre-ville. À croire que tu cherches à avoir
le beurre et l’argent du beurre.
– Tu me fais filer, Benny ?
Vennerhag se garda de répondre.
– Je disais qu’un certain nombre de
business ont bien progressé ces dernières années.
– Y a pas mal de choses qui marchent en ce
moment, confirma Vennerhag.
– Trafic d’armes ? De bagnoles ?
Vol à main armée ? Prostitution ? Trafic de
stupéfiants ? D’alcool ? Protection armée ?
Meurtre ?
– Ça, c’est ta branche, Erik.
– Notre branche, Benny. Notre branche à
tous les deux.
– Qu’est-ce qui me vaut cette gentille
visite, Erik ? Naturellement, ça m’a fait très plaisir que tu
m’appelles, mais tu…
– Avant tout, est-ce qu’on est d’accord
qu’on travaille dans la même branche, Benny ? (Winter fit un
large geste du bras.) Bon sang ! Regarde autour de toi. On est
seuls. Tout seuls au monde. Je n’ai qu’un maillot de bain sur moi.
Pas d’appareil enregistreur. Je suis venu faire un petit coup de
natation et prendre une bière avec toi.
– Tu essaies de me dire que tout ça restera
off the record ?
– Exactement.
– Tu sais bien que je suis pas un mouchard,
Erik. Non pas que j’aie des trucs à mouch…
– Des pistolets,
l’interrompit Winter. Tokarev, pour être plus précis. Un certain
Tokarev, très exactement.
– Et alors ?
– Il fume encore.
– Ah oui ?
– Je veux le retrouver.
– Pourquoi ?
– Tu lis les journaux ?
– Assez rarement. Mais il m’arrive de lire
les nouvelles en ligne.
– Le meurtre dans le parking, sous
l’Institut Pédagogique.
– Aucune idée, Erik. Sur l’honneur. J’ai dû
lire un article sur cette histoire, mais c’est tout.
– Il ne s’agit pas de te mettre en cause,
Benny. Mais l’arme du crime avait déjà été utilisée deux fois. Ces
deux autres cas pourraient être en lien avec cette affaire.
– Avec le meurtre dans le
parking ?
– Oui.
– Alors, qu’est-ce que t’attends de
moi ?
– Des infos sur l’arme.
– Tu sais combien y en a, des Tokarev, en
circulation dans cette ville ?
– Je n’ai pas de chiffre exact.
– Y en a un paquet.
– Celui-ci a dû circuler un peu plus que
les autres.
Vennerhag ne répondit pas.
– Il pourrait donc être plus facile à
retrouver.
– Alors vous devriez vous en occuper
vous-mêmes.
– C’est ce que je suis en train de faire en
ce moment, Benny.
– Pourquoi je devrais t’aider ?
Winter resta silencieux. Il but une dernière
goutte de Jever. Il en aurait bien pris une deuxième, mais il
n’avait pas envie de laisser la voiture ici, à l’ombre du hangar à
bateau de Vennerhag.
– La dernière fois qu’on s’est vus, t’as
failli me noyer, Erik. Tu m’as foutu une drôle de raclée.
– Je ne te pensais pas si rancunier,
Benny.
Vennerhag eut un rire bref qui résonna à travers
le fjord jusqu’aux rochers de Brännö. Une bande de mouettes
s’envola à grands cris des rochers voisins.
– Je t’aime bien,
Erik. On est pareils au fond, on sait pardonner. OK, je vais
essayer de t’aider. Je te promets rien, mais si je vois quelqu’un
qui a vu quelqu’un qui a vu…
– Bien.
– Et maintenant, tu as quelque chose pour
moi ?
– Pour toi ? Mais tu ne m’as pas l’air
de manquer de quoi que ce soit, Benny.
– Il y a une chose, Erik.