20 h 55
L’eau peut être verte ou noire. Bleue, parfois. Blanche. De toutes les couleurs, mais au fond de la mer, elle est noire. Là-dessous, il n’y avait pas d’autres couleurs. Mais le noir n’est pas une couleur, c’est le contraire. De même que le blanc n’est pas une couleur, mais le contraire de toutes les autres couleurs.
Elle aimait les couleurs. Elle n’avait même jamais envisagé le monde sans couleur. Quel ennui. Comme un film en noir et blanc, sans aucune épaisseur. Uniquement des images en mouvement avec des gens qui ne semblaient pas avoir de… comment dire ?… de vie réelle. Elle ne savait pas ce que c’était, la vie réelle. Qui le savait ?
Nager sous le ciel bleu, c’était la vraie vie. Dans une mer tiède, de plus en plus chaude à mesure qu’elle avançait dans la baie. C’était étrange. Peut-être que l’eau refroidirait de nouveau lorsqu’elle se rapprocherait de l’autre côté.
Je veux traverser jusque-là, pensait-elle. J’y suis presque.


– Comment es-tu arrivée sur cette plage ?
– À la nage.
– Ah bon ? D’où est-ce que tu es partie ?
– De l’autre côté de l’île.
Il parut impressionné.
– Tu te débrouilles bien.
– Merci.
– Personne ne t’a vue ?
– Je… je ne crois pas.
– Tu sais que tu n’as pas le droit de faire ce genre de choses ?
– Oui…
– Il aurait pu t’arriver un problème.
– Je suis une bonne nageuse. J’ai de l’endurance !
Il regarda la baie qui s’étendait devant eux. Il tenait sa main devant les yeux pour éviter d’être ébloui par le soleil. Comme si le soleil était devenu une eau blanche qui aurait rincé les rochers.
Personne ici ne lui crierait après. Elle en avait assez qu’on la demande, qu’on lui crie dessus parfois. Elle ne pouvait jamais rester tranquille. C’était ce qui lui manquait le plus, la solitude. Non pas le sentiment de solitude, mais le simple fait d’être seule. Dans sa propre chambre. Sur sa propre plage. Avec la mer pour elle toute seule.
– Je peux te ramener à la voile, dit-il. J’ai un bateau dans le coin.
– C’est loin ? Je n’ai pas de chaussures.
– Non. Et puis entre les buissons, là-bas, le sentier est sablonneux. Il n’y a pas de rochers.
Elle hocha la tête en direction des buissons.
– OK.
L’endroit dégageait un parfum de pins et de sapins, elle ne pouvait distinguer entre les deux. Un parfum de soleil, aussi étrange que cela puisse paraître. Ce genre de choses, c’est indescriptible.
On n’entendait presque rien sous le couvert de la végétation.
Il marchait devant elle, et deux ou trois fois, il se retourna avec un sourire. Elle lui sourit en retour.
– On se croirait presque dans une chambre, fit-il.
Et c’est alors qu’elle eut l’impression de le reconnaître. Au moment où il prononça ces mots. Où il sourit.
– Vous travaillez là-bas ?
Il s’arrêta et se retourna.
– Pourquoi tu me demandes ça ?
Il ne souriait plus.
– Je ne sais pas… j’avais l’impression de vous reconnaître.
– Non. Tu ne me reconnais pas.
Elle trouva ça bizarre, comme formule. Comment pouvait-il savoir qu’elle ne le reconnaissait pas ? Mais elle n’en était plus du tout sûre. Il avait comme changé de visage maintenant.
Il se retourna de nouveau si bien qu’elle ne voyait plus son visage. Elle ne voyait toujours pas la mer.
– Il est où, le bateau ?
– Après le bois de pins, là-bas.
Il pointa du doigt.
– Il existe vraiment, ce bateau ?
– Pourquoi est-ce que je l’aurais inventé ?
Il parut surpris.
– Je ne sais pas. Pourquoi vous ne l’avez pas fait mouiller de ce côté ?
– Trop de vent.
– Je n’avais pas remarqué.
Il continuait à marcher tandis qu’elle parlait. Elle lui parlait dans le dos.
– C’est encore loin ?
Presque mort
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