28.
Winter se servit un Glenfarclas mais laissa le
verre sur la table sans y toucher. La paix régnait sur la place
Vasa. Il ouvrit la porte-fenêtre et sortit sur le balcon. Le ciel
était couvert d’étoiles par cette nuit claire. Il identifia la
Grande Ourse et le Lion.
Il entendit Angela s’approcher derrière lui.
Elsa n’avait pas voulu se coucher ce soir. Elle devait avoir un
souci.
Le mal de tête était revenu dans les deux
dernières heures. Il se promenait d’une tempe à l’autre, tout en
conservant ses positions au-dessus de l’œil gauche. Il n’avait pas
de nausée. Ça viendrait peut-être avec le whisky.
– Il commence à faire froid, fit-elle.
Brrr.
Il ferma les yeux. Ça faisait du bien.
– Comment vas-tu, Erik ?
Il ouvrit les yeux. Pas d’éclairs, ni de coups
de tonnerre.
– Tu prends bien tes comprimés ?
– Quand j’en ai besoin.
– Erik.
– Oui, qu’est-ce qu’il y a ?
Elle ne répondit pas.
– C’est le changement de temps. Tu l’as dit
toi-même, ça se refroidit. Tu devrais le savoir qu’on est sensible
aux variations de température quand on est mi…
Elle était déjà rentrée à l’intérieur.
***
Ademar était assis devant son ordinateur éteint.
Le rallumerait-il un jour ?
Tiger était parti. Il avait tout simplement
quitté la pièce, et la maison. Ademar l’avait vu par la fenêtre,
sous le réverbère cassé. Il était parti sans
finir sa phrase, comme lassé de tout. À moins qu’il ne s’agît
d’autre chose. Il n’avait rien dit de plus au sujet de Beatrice.
Juste qu’elle était sa « petite amie ». Qu’est-ce que
cela pouvait signifier ? Il n’avait rien ajouté sur cet
été-là, sur l’île. Ademar ne lui avait pas posé d’autre question.
Il en dirait plus de lui-même ? L’écrivain n’était pas sûr
d’avoir envie de savoir. Il se voyait dans l’écran noir. Est-ce que
je pourrai continuer à écrire ? Il avait approché la mort de
très près. Il ne doutait pas que Tiger était venu pour le tuer. Ce
dernier avait parlé d’amour. C’était bien de ça qu’il s’agissait.
Une forme d’amour. Peut-être avait-il parlé de vengeance, sans
employer le mot. Le meurtre de Sellberg ? Il s’agissait de
Beatrice. De sa disparition. De sa mort. Ademar n’avait jamais
pensé à sa mort. Il ne voulait pas la voir, se la figurer. La mort
n’avait pas sa place dans son livre. Son récit se terminerait à ce
stade juste avant la mort. Personne n’était encore allé aussi loin.
La police avait mis fin à l’enquête avant même qu’elle ait vraiment
commencé. Il n’y avait rien à investiguer. Aucun indice. Aucune
trace dans l’air, ni dans l’eau. Beatrice s’était évaporée. Ou
alors elle avait coulé au fond de la mer. Ce commissaire… Winter…
il n’irait pas bien loin. Son problème, c’était le meurtre. Est-ce
que Tiger avait tué Sellberg ? Par vengeance ? Savait-il
ce qu’avait fait Sellberg ? Sellberg était-il mort pour avoir
fait du mal à Beatrice ? Ou parce qu’il savait quelque chose
qu’il n’aurait pas dû savoir. Qu’il aurait porté en lui pendant
toutes ces années. Mais je ne crois pas qu’il ait tué Sellberg. Il
a fait faire le boulot à quelqu’un d’autre. S’il est impliqué
là-dedans. Il se contente peut-être de vivre dans le souvenir de ma
sœur. C’est tout. Ce serait tout. Elle aurait juste disparu. Tiger
avait emporté le manuscrit. Il avait dit son nom, Tiger. Il en
était fier.
Le téléphone retentit sur le bureau. Une
sonnerie antique, qui résonnait dans le silence de la nuit. Elle
continua à brailler, puis se tut, brailla de nouveau. Je sais que
tu es là.
– Oui ?
Il avait fini par attraper le combiné, ce qui
fit craquer son épaule.
Il perçut un ronflement de voiture.
– Qu’est-ce que tu foutais ! lui lança
Tiger.
– Rien. J’essaie juste de recoller les
différents morceaux de mon corps.
– Pardonne-moi ça.
Ademar ne commenta pas. Il
voyait des phares de voiture dans la rue. Tiger ? Non, ce
n’était pas sa Chrysler. Juste une petite cylindrée. Elle
passa.
– Ç’aurait pu être pire, ajouta le
gangster.
– Que voulez-vous ?
– Cette rencontre, ça reste entre nous.
T’as pigé, hein ?
– Puisque vous le dites.
– Ouais, et je te le redis. Je t’ai jamais
vu. T’as jamais parlé avec moi. J’ai rien à voir avec ce dont on a
parlé. Ni avec la personne. OK ?
– Oui.
– Bien.
– Et maintenant, qu’est-ce qui se
passe ?
– Rien. Je te donnerai de mes nouvelles.
J’ai de la lecture devant moi.
– Je vais peut-être quitter la ville. Et
même le pays.
– Pas encore.
– C’est une menace ?
– Pas plus que tout à l’heure.
– Quand est-ce que j’aurai des
nouvelles ?
Mais la conversation s’interrompit brutalement.
Il n’entendait plus qu’un bourdonnement. Ademar vit la petite
voiture repasser dans la rue avant de disparaître. Il tenait
toujours le combiné à la main. Cette dernière commença à trembler
violemment. Le combiné tomba sur la table avec un bruit
désagréable. On aurait dit un coup de pied dans la gueule.
***
Lars Bergenhem souleva le combiné. Il était seul
dans l’appartement. Eriksberg était un désert de béton, le soir. Si
quelqu’un passait dans la rue, ses pas résonnaient entre les
immeubles comme un long appel. Ce n’était pas encore une véritable
ville. Il faudrait du temps. D’une certaine manière, ça
l’arrangeait. Il était en passe de devenir un autre. Il n’était
rien pour l’instant. Un désert et c’est tout. Il composa le numéro.
On lui répondit au bout de la troisième sonnerie.
– Oui ?
– C’est Lars.
– Oui ?
– Qu’est-ce que ça a donné ?
– Pas grand-chose.
– Il faut bien que quelqu’un soit au
courant, bordel !
Il ne supportait pas sa voix. C’était le pire.
Il n’avait jamais supporté ce ton que prenaient la plupart d’entre
eux. Un ton cent pour cent superficiel qui singeait l’autre sexe.
Impossible de s’identifier à ces mecs-là.
– Il ne peut pas avoir disparu comme ça,
sans laisser de trace, reprit l’inspecteur.
– Et pourquoi pas ? Ça arrive que les
gens disparaissent.
– Il a bien dû parler à quelqu’un
avant.
– Il n’en a peut-être pas eu le temps,
Lars.
– Qu’est-ce que tu veux dire ?
– Il aurait pu lui arriver… un pépin, comme
à l’autre.
– On aurait retrouvé le corps. Comme pour
la première victime.
– Tu as dit « la première
victime », Lars.
– OK, la victime.
– Hmm. Je vais continuer à poser des
questions. Comment ça va, toi ?
– Moi ? Qu’est-ce que tu veux
dire ?
– Qu’est-ce qu’ils en disent ?
– De qui tu parles ?
– Tu le sais très bien, Lars.
– Putain, mais arrête de m’appeler Lars
tout le temps ! Va te faire foutre !
Silence au bout du fil. Puis un bourdonnement.
La tonalité. Bergenhem raccrocha violemment. Que disent-ils ?
Il n’en savait rien et préférait ne pas savoir. Il aurait voulu ne
jamais, jamais en parler. Il se leva. Une sorte de fièvre le
saisit : un fourmillement dans la nuque et le long du cuir
chevelu. Je voudrais changer de peau. C’est ça. Qu’en
disent-ils ? Ha ! Je le sais bien. Il a viré sa cuti.
Foutue expression. Hier, on a fait silence quand je suis passé
devant la salle des gardes à vue. Idem à l’accueil. Ils sont tous
au courant. Les visiteurs aussi, tout le monde, du voleur de vélo
jusqu’au juge. On a dû balancer des tracts aériens. Tout le monde
ne parle que de ça.
Son portable se mit à sonner sur le lit. Il
reconnut le numéro, mais ne répondit pas. Nouvelle sonnerie. Il
consulta l’écran. C’était son numéro, son ancien numéro plutôt. Sa
famille l’appelait. Ce pouvait être Ada. Non, il était trop tard.
Martina. Mon Dieu, que la nuit se dépêche de passer pour que je me
remette au boulot. Je me tire en bagnole. Ça vaudra mieux que de rester ici, beaucoup mieux. Cette
sonnerie qui ne voulait pas s’arrêter.
– Oui ?
– C’est… moi.
Elle parlait à voix basse. Presque un
chuchotement.
– Martina.
– Que fais-tu, Lars ?
Elle l’appelait Lars, mais c’était un tout autre
Lars. Il s’y reconnaissait.
– Je ne fais rien.
– Tu es seul ?
– Oui.
Silence. Que pouvait-elle dire ? Et
lui ?
– Comment va Ada ?
– Je… je ne sais pas, Lars. D’après
toi ?
À lui de répondre. Mais c’était bien normal.
C’était sa responsabilité, sa faute. Pas la leur. Jamais. C’était
lui. Il avait fini par le comprendre, ces dernières semaines.
C’était lui. Toi, toi, toi.
– Je l’appelle demain.
– Juste un coup de fil ?
– Bien sûr que non. On se voit
bientôt.
– Quand ?
– Bientôt…
– Qu’est-ce que tu vas lui
dire ?
Il ne répondit pas.
– Jusqu’à présent, tu n’as pas dit que tu
partais. Elle n’a pas eu un mot d’explication. Moi non plus.
Presque rien, en tout cas. Mais Ada…
Sa voix se brisa. Il reconnaissait le bruit des
larmes. Il faillit lâcher le combiné.
– Je vais lui parler.
– Qu’est-ce que tu vas lui
dire ?
– Je vais lui parler.
– Je ne lui ai rien dit. Je n’ai pas le
courage.
– Je vais lui parler, répéta-t-il.
– Où ? Où est-ce que tu vas la
voir ?
– Je… je ne sais pas. Quelle
importance ?
– Elle dit que tu ne reviendras jamais à la
maison.
Que pourrais-je lui dire ? C’est vrai que
je ne reviendrai jamais à la maison. Pas dans la maison familiale.
Mais il y en a d’autres. Pas celle-ci. Je suis chez Samuel. Mais je
vais me trouver quelque chose à moi. Un jour.
N’est-ce pas ? Si j’en suis capable. Ma propre maison ?
Ha ! ha !
– Tu ne crois pas que j’ai compris ?
ajouta-t-elle dans un sanglot.
***
Winter se leva à 6 h 30 après une nuit
très courte. Pour Angela aussi. Ils avaient parlé tard dans la
soirée. Quel chemin prenaient-ils ? Il s’était passé quelque
chose, ils ne savaient pas quoi. J’ai peur, avait-elle dit. Il n’y
a rien à craindre, avait-il répondu. Tu n’es pas le seul concerné.
Qui peut se targuer de l’être ? avait-il répliqué. Tu n’es
plus le même. Il n’avait pas répondu. Le mal de tête s’était
dissipé comme une brume au petit matin. Il pouvait revenir. Ce
n’était peut-être pas si compliqué : il avait changé de
personnalité durant une brève période parce que son corps avait
souffert. Et la raison en était que quelque chose n’allait pas
bien. Quoi ? Était-ce de sa faute ? Était-ce son
travail ? Ses responsabilités ? Mais rien n’avait changé
pourtant.
Il avait sorti la photo de la petite croix
trouvée dans la voiture d’Edwards. Winter ne l’avait toujours pas
interrogé à ce sujet. Il avait voulu attendre qu’ils identifient
l’objet. Ce qui n’était pas fait. Pas encore d’empreintes
comparables. Ils n’avaient rien trouvé non plus qui ressemble à ce
motif, mais ils n’avaient pas eu le temps de s’y consacrer
sérieusement. Il pensait envoyer quelqu’un au musée de la Marine.
Winter leva la photo de cette croix prise dans la lumière de
l’aube. Elle avait quelque chose de familier. Cette étoile sur la
croix, comme un blason de croisé. Et cet œil qui veillait au milieu
de l’étoile. Une croix dans une voiture, au milieu d’un pont,
au-dessus d’un fleuve qui se jetait dans la mer. Il se mit à penser
aux croisés. Aux navigateurs. Une croix pour des marins. Il
existait ce genre de croix dans les îles, en Suède. Vraiment ?
Oui. Il en avait vu lui-même dans le sud de l’archipel à Göteborg.
Il y en avait une à la frontière avec la mer du Nord, au sud de
Vrängö. Une croix. Un amer. Cela marquait quelque chose : nous
sommes passés par là. Quelqu’un est passé par là.
Ai-je vu cette scène ?
Il ferma les paupières. Dans l’une des chambres,
il entendit l’appel de Lilly, tout juste réveillée. Ce n’était pas
un cri, mais un appel, qui signifiait : Me voici !
J’existe ! Il y a quelqu’un à la
maison ? Angela se réveillerait à son tour, constaterait qu’il
n’était pas au lit ; elle consulterait l’heure pour vérifier
s’il était encore là. Puis elle se roulerait sur le côté et le
laisserait prendre son quart du matin.
Il sentit un brusque courant d’air en traversant
le hall, comme si la porte d’entrée était restée ouverte. Le
Göteborgs-Posten gisait sur le tapis,
livré par la fente de la porte. Le meurtre de Sellberg avait
rétrocédé de la première page à la page quatre, avant de
disparaître des journaux. Il n’avait pas fallu longtemps, comme
d’habitude. Aucun journaliste n’avait fait le lien entre la
disparition de Richardsson et le meurtre. Peut-être n’y en avait-il
pas. Ce pouvait n’être qu’une étrange coïncidence.
Lilly était déjà debout dans son lit.
– Papa, papa ! lança-t-elle. Voler,
voler, voler !
Et c’est alors qu’il se rappela où il avait déjà
vu la croix.
Le vent gonflait les voiles. Il soufflait fort
mais la journée avait été belle. Ensoleillée de bout en bout. Le
Maxi volait à la surface de l’eau. Ils avaient navigué le long de
la côte ouest de Brännö, avec ses rochers, puis ils étaient
remontés vers le fjord de Dana. Était-ce bien à l’ouest des îles
Södholm ? Probablement. Cet été-là ? Possible.
Winter roulait sur la piste cyclable qui
traverse le parc de Heden. Le vent s’était levé. Des nuages de
terre tourbillonnaient au-dessus du terrain de foot. Le ciel était
toujours aussi bleu, mais plus de cette incroyable teinte qu’il
avait gardée toute la journée.
Ils naviguaient sur le voilier de Mats. Un sacré
marin. Il s’était promis de faire le tour de l’archipel. Il n’en
avait pas eu le temps. De quand datait son enterrement sur
l’île ? Treize ans auparavant, douze ? Un mal qui vous
fait mourir d’autres maladies ; il avait résisté longtemps,
mais on n’avait pas encore de trithérapie à l’époque.
Winter remontait maintenant la rue de Bohus.
Bertil avait également assisté à l’enterrement de Mats. Au retour,
ils avaient parlé de lui sur le ferry. Il s’en rappelait au mot
près.
– Tu ne m’avais pas dit qu’il pensait
entrer dans la police quand il était jeune ? avait lancé
Ringmar.
– J’ai dit ça ?
– Je crois bien.
– Possible.
– Ça fait un moment.
– Il aurait été le bienvenu.
Ringmar avait ajouté :
– J’ai lu qu’on cherche à recruter des
homos dans la police anglaise.
– Ils veulent affecter les policiers homos
à de nouveaux postes ou former des homos à ce métier ?
– Qu’est-ce que ça change ?
– Désolé !
– Ils sont marrants les Anglais, avait
commenté Bertil. C’est une société raciste et sexiste sur le fond,
mais ils comprennent qu’il faut de tout, même dans la police.
– Oui.
– Nous aussi, on va peut-être en
récupérer.
– Tu ne crois pas qu’on en a
déjà ?
– Des pédés qui s’assument comme
tels.
– Si j’avais été pédé, je l’aurais
revendiqué haut et fort, avait-il lui-même déclaré.
– Hmm.
– Ce n’est pas sain de se cacher. C’est
comme si tu portais une faute collective. Une autre forme de croix.
Quelle connerie !
Le soir tombait, grisant le paysage, se
souvenait Winter. Le pont prenait des teintes sourdes de charbon.
Les rochers autour du bateau se confondaient avec le ciel. En un
clin d’œil, on se retrouve au ciel, avait-il songé. Le temps de
sauter du haut d’un rocher.
Il gara son vélo devant le commissariat, mais il
n’avait pas envie d’y entrer. Il croisa Halders qui venait du
parking :
– Faudrait que je m’y mette, moi
aussi.
– Qu’est-ce que tu attends ?
– J’y pense tous les soirs et chaque matin,
je change d’avis. En plus, j’ai les gosses à conduire à l’école.
Pas évident. Bien sûr, ils pourraient prendre leur vélo. Mais quand
il pleut… Enfin tu vois.
Winter hocha la tête.
– Non, Aneta n’est pas rentrée à la maison,
ajouta Halders.
– Je ne t’ai pas posé la question.
Il semblait s’être affaissé depuis quelque
temps, pas beaucoup, mais les épaules et le dos se voûtaient.
– Attends, Fredrik ! lui cria-t-il. On
va faire un tour dans l’archipel.
Halders se gara devant le bureau de la police
maritime près du Nouveau Chantier naval. Winter n’avait eu qu’à
donner un coup de fil. Ils avaient de la chance. Quelques minutes
après, ils étaient en route.
– Je ne suis pas un grand navigateur, lui
avait confié Halders dans la voiture. Je serais incapable de la
reconnaître, cette croix.
Ils avaient maintenant dépassé Asperö. Le ciel
était toujours étonnamment bleu. Les rochers prenaient des reflets
métalliques. Les mouettes tournoyaient comme des vigies au-dessus
du détroit. La vedette prenait le chenal entre Brattholm et
Långholm. Ils longèrent les Skarvorna.
– On pensait louer dans l’archipel cet été,
dit Halders.
– Où ça ? Asperö ?
– Ouais, n’importe. Un été dans l’archipel,
j’ai jamais fait ça. On est tout près de la mer, et c’est comme si
on vivait en pleine cambrousse.
– Bonne idée. Ça ne devrait pas être
difficile de trouver un coin sympa.
– Ouais, t’en sais quelque chose.
T’habitais par ici, quand t’étais gamin.
– Oui, l’été.
– Mais bon, tout ça c’est fini, enchaîna
Halders. Pour nous, je veux dire.
– Tu peux y aller seul, au pire des cas.
Avec tes enfants.
– Ce serait pas pareil.
Ils passèrent au large de Sandvik.
– Le site de l’ancienne colonie de
vacances, signala Winter.
Halders hocha la tête. Il se protégea les yeux
du revers de la main.
– L’un des mystères impénétrables que la
police n’aura pas élucidés.
– Si mystère il y a, répondit Winter.
Il vit des gens marcher
sur les pontons aménagés pour la baignade autour du rocher. On
aurait dit des passerelles vers un autre monde. La tour du
plongeoir, il l’avait toujours connue. Gamin, il avait souvent
sauté de là-haut.
Puis ce fut Husvik. La baie qui s’ouvrait devant
les îlots des Södholm était calme et déserte. L’avait-elle
traversée à la nage ? Pourquoi est-ce que personne n’en savait
rien, personne ne l’avait vue ?
Parce qu’elle n’a pas nagé jusqu’ici,
songea-t-il.
Elle n’en a pas eu le temps.
Ils se tournèrent vers le large.
– La croix se trouve par là-bas, leur
indiqua le pilote en pointant du doigt.