15.
Winter s’introduisit à l’intérieur. Rien
d’extraordinaire. Au moment où il ouvrait la porte, la douleur le
frappa, comme si un agresseur s’était tenu embusqué derrière et lui
avait donné un coup de matraque sur la tête à la seconde où elle
glissait sur ses gonds. Il était peut-être devenu un
monsieur-tout-le-monde. La migraine, la douleur, ne faisait pas de
vous un être d’exception, contrairement à la tumeur de l’hypophyse.
Il était quelqu’un d’ordinaire, pénétrant dans une maison
ordinaire. Le propriétaire était une victime ordinaire. Un matin de
travail ordinaire. Il entendit Aneta et Ringmar s’approcher
derrière lui. Il lança un « Ohé ! » puis un autre,
sans s’attendre à une quelconque réponse. L’homme qui aurait pu lui
répondre avait passé l’arme à gauche.
– C’est allumé quelque part, fit remarquer
Aneta Djanali.
Winter aperçut un rayon de lumière électrique
dans la pénombre insistante de l’aube. Une lampe de
chevet ?
– Ohé !
C’était Ringmar.
Pas de réponse.
– On y va ou on attend les experts ?
s’inquiéta Aneta Djanali.
– On ne peut quand même pas les attendre à
chaque mouvement qu’on fait, répondit Ringmar.
– Chut, fit Winter.
Il avait l’impression d’avoir entendu quelque
chose. Un frottement, comme un imperceptible mouvement. Le sang
battait sous ses tempes. Il y a beaucoup de facteurs déclenchants
pour une attaque de migraine. Le plus courant, c’est le stress.
Cependant les attaques ne se produisent pas au moment du pic de stress, mais lorsqu’on se détend.
Ce n’était guère le cas maintenant. Il pointa l’oreille, prêt à
bondir.
– Je prends la chambre du fond, dit-il en
commençant à traverser le hall.
Son système nerveux était activé. C’était le
même système nerveux qui transmettait la douleur, dans le cas du
mal de dents par exemple. Une interaction de nerfs et de vaisseaux
sanguins. L’image de Sellberg sur le siège conducteur de la voiture
de Richardsson lui revint à l’esprit. Tout était fini pour Sellberg
désormais. Peut-être Richardsson était-il dans la maison à
l’instant même. En train de lire dans la chambre. À la lumière de
cette lampe. Un bouquin écrit par le voisin d’à côté, pourquoi
pas ? Winter irait lui parler quand il en aurait fini ici.
Enfin, c’était un concept tout relatif. Il n’en aurait peut-être
jamais fini avec cette histoire. Cette maison… lui donnait une
étrange impression… de vide. Comme si la réponse était
ailleurs.
Ils se retrouvèrent dans la cuisine. Propre et
bien rangée. Winter vit ça du premier coup d’œil. Pas même une
assiette, un verre ou des couverts dans l’évier. Un maniaque.
Vivait-il seul ? Ils n’en savaient rien. On savait juste que
Sellberg avait eu un genre de dispute avec son voisin. Cela pouvait
aussi bien n’avoir aucune importance et tout expliquer. On
l’apprenait souvent après coup, quand les questions étaient
devenues inutiles.
– Personne, constata Aneta Djanali.
Winter regarda par la fenêtre de la
cuisine.
Un homme traînait dans la rue, devant la maison.
Il portait un bonnet noir, des lunettes de soleil et un blouson de
cuir noir. De taille moyenne, il paraissait assez robuste.
– Qui est-ce ? fit-il en pointant la
tête vers lui. Un ouvrier du chantier naval ?
Pourquoi cette idée ? Je sais pourtant bien
à quoi ils ressemblent, ou ressemblaient. Vu qu’ils ont
pratiquement disparu.
– C’est l’écrivain, répondit l’inspectrice.
Jacob Ademar.
– Il cherche quelque chose
apparemment.
– Pure curiosité peut-être.
– Pourquoi ? Il écrit des
polars ?
– Je n’en sais rien.
Winter sortit de la maison et s’avança vers la
grille. L’écrivain était toujours là.
– Ademar ?
– Vous cherchez ? fit Winter.
– J’ai vu arriver tous ces gens. Qu’est-ce
qui se passe ?
– Ça vous regarde ?
– Non.
– Alors pourquoi rester ici ?
– C’est interdit ?
– Nous allons bientôt vous rendre
visite.
– En passant par chez le
voisin ?
– Oui.
– Pourquoi ça ?
– Vous accepterez de nous recevoir un peu
plus tard ?
Ademar fit mine de répondre.
– Merci de vous tenir à distance, insista
le commissaire.
– Oui, mais…
– Nous passons chez vous dans un
moment.
Lars Bergenhem conduisait sa fille au club de
cheval. Elle n’avait pas école aujourd’hui. Les champs autour
d’Alleby étaient aussi verts qu’en été, voire plus. L’été, ils
jaunissaient, s’asséchaient en une sorte de steppe. Les vols à bas
prix s’envolaient de l’aéroport de Säve, à l’autre bout du
pâturage, mais il était bien inutile d’aller vers les pays du
soleil quand il brillait aussi bien ici. Il brillait encore.
L’effet de serre ? En tout cas, une pluie fraîche aurait fait
du bien. Le visage offert à la pluie.
Il essaya comme d’habitude d’aider sa fille avec
la bride, mais il avait peur des chevaux. Ceux d’Alleby n’étaient
qu’une bande de traînards qui se désennuyaient en chahutant les
parents pendant qu’on les sellait.
Bergenhem gardait l’œil sur les pattes arrière
du canasson. Il ne savait pas exactement combien de personnes
s’étaient fait enfoncer le crâne par un coup de sabot, mais les
chiffres n’étaient pas réjouissants.
L’opération était enfin terminée. Ada sortit le
cheval. On a dû lui attribuer le plus grand du club, songea-t-il.
Quand je pense à cette chute durant la formation équestre à l’école
de la police. Enfin, une formation, c’est beaucoup dire. Ils m’ont
vite exempté de ce cours.
Les enfants s’alignaient avec leurs chevaux.
Aujourd’hui, ils devaient se promener en forêt, ou plus exactement
traverser l’orée du bois jusqu’au champ qui se trouvait derrière.
Bergenhem et quelques autres parents
attendaient depuis le sentier. Ada montait comme une vraie cowgirl.
Elle le salua d’un sourire. Bergenhem la salua en retour. La
caravane se mit en route, sa fille de dix ans tout en tête. Ils
approchaient du bosquet. Il aurait aimé que le temps s’arrête ici
et maintenant. Il n’avait plus besoin de s’écouler. Plus jamais.
C’était ici la vie dans ce qu’elle avait de plus lumineux.
En passant devant le port de Skandia, sur la
route qui les ramenait à Torslanda, il retrouva l’odeur des
raffineries. Cela faisait dix ans qu’il prenait cette route pour
regagner leur lotissement. Ils avaient acheté la maison un peu
avant la naissance d’Ada. Elle n’en avait pas connu d’autre. Elle
n’avait jamais demandé pourquoi on ne lui avait pas donné de frères
et sœurs.
Elle était en train de retirer ses bottes de
cheval. Une opération laborieuse.
– Elles sont trop petites, papa.
– Déjà ?
– Oui.
– OK. (Il sentait l’odeur de cheval dans la
voiture, mais loin de le gêner, elle accompagnait obligatoirement
le moment magique.) On va t’en acheter de nouvelles.
– On peut ?
– Bien sûr.
– Et ensuite il faudra encore et encore en
racheter, sourit-elle.
– Oui, si tu continues à grandir comme
ça.
– Je n’arrêterai peut-être jamais de
grandir.
– Une fille de quatre mètres, oui, déclara
Bergenhem.
– Je pourrai être championne du monde de
basket.
– Tu n’auras même pas besoin
d’équipiers.
– Ce serait triste quand même.
Elle regarda le port d’Älvsborg en contrebas. Le
fleuve scintillait dans la lumière de l’après-midi. Il était
partout. Ils vivaient sur une île qui ne leur paraissait pas une
île, malgré l’eau, les ferries et les ponts.
– On pourrait presque aller se baigner,
fit-elle.
– Mmm. Ce serait sans doute un peu
froid.
– Qu’est-ce qu’on fait cet été ?
– Oh, cet été ? Je ne sais pas.
– Oui, c’est une bonne idée.
– J’en ai déjà parlé avec maman.
Pourquoi pas ? S’il osait s’asseoir sur une
selle. Mais ils seraient tous les deux. Martina ne serait plus dans
sa vie ou plutôt lui dans la sienne, plus comme avant du moins. Ils
se retrouveraient autour d’Ada. Tout à coup, il se sentit merdique.
Sa fille était assise à côté de lui et elle ne savait pas que dans
quelques semaines, vraisemblablement, rien ne serait plus comme
avant. Comment réagirait-elle ? Vraisemblablement, quel mot
terrible.
– Maman trouvait que c’était une super
idée.
Christer Tiger sentait le vent du fleuve. On
avait arrêté le boulot sur le chantier. C’était autre chose encore
une heure avant. Il avait observé un certain nombre de manœuvres
dangereuses. Des gars auraient pu perdre la vie. Perdre-la-vie,
perdre-la-vie. Ces mots lui trottaient dans la tête. Un bon remède
contre la migraine peut-être. Elle était revenue insidieusement,
pas trop méchamment cette fois. À cause du projet de meurtre ?
Quand il avait décidé d’attendre, elle s’était calmée. S’il était
allé plus loin, la douleur serait devenue insupportable au bout de
quelques heures. Une fois la tension retombée. Un rappel à l’ordre.
Tu ne tueras point. Le paternel avait de la religion, la mère
aussi. Ça ne les avait pas aidés. Dieu n’était pas sur le chantier
ce jour-là, il était de repos. Tiger se retourna. L’autre se tenait
à la porte du balcon. Il avait l’air pâle, comme s’il attendait
toujours. Ce doit être épouvantable de passer sa vie à attendre, en
sachant que tout ça finira sans doute très mal. Moi, j’aimerais
pas. Je ferais quelque chose. Mais lui, il n’en est pas capable.
Comme l’autre con. Il a eu le choix une fois dans sa vie, mais
après, c’était trop tard.
– Voilà ce qui t’attend pour bientôt, fit
Tiger.
– Comment… comment ça ?
Tiger pointa le doigt vers la fenêtre.
– Le silence bien sûr.
L’autre pointa l’oreille. Le silence était bien
là. Un navire voguait sur le fleuve, mais ça restait le silence.
Les mouettes criaient et riaient, mais il fallait le silence pour
les entendre. Comme pour la plupart des sons dans la vie réelle. Il
adorait ce moment, le soir, quand les gars du
chantier étaient rentrés chez eux : le silence revenait.
Pendant la journée, soit il fermait les fenêtres, soit il évitait
d’être là. Il évitait presque toujours d’être là. Si le chantier
devait fonctionner la nuit, il ferait quelque chose. Il en avait
les moyens.
– On m’a abîmé ma bagnole l’autre jour,
déclara Tiger.
L’autre ne répondit pas.
– Ça m’a pas plu.
– Non.
– Il y a une bagnole quelque part en ville
qui se balade avec ma laque sur son pare-choc, continua
Tiger.
– Ouais.
– Mais, je vais la retrouver, cette
bagnole.
– Hmm.
– Et ça ne va pas tarder.
– Ouais… faut que j’y aille.
– Sois prudent, conclut Tiger en éclatant
de rire.
Aneta Djanali et Winter sortaient de la maison
de Sellberg. Ils n’avaient rien trouvé de vivant à l’intérieur, ni
de mort. Winter se frotta au-dessus de l’œil. La jeune femme
restait silencieuse. Il retira la main de sa tempe.
– Comment ça se passe entre vous,
Aneta ? Avec Fredrik.
Elle sursauta, comme s’il l’avait piquée d’une
pointe acérée.
– Tu testes tes méthodes d’interrogatoire
sur moi ?
– Non. Ça m’est venu comme ça. J’avais
envie de savoir.
– Pourquoi ?
– Pourquoi ? Parce que je me soucie de
vous, bien sûr. Mais tu n’es pas obligée de répondre.
Elle paraissait hésiter. Winter voyait Ringmar
bouger derrière l’une des fenêtres. Il étudiait quelque chose sur
le sol de la cuisine. L’écrivain avait quitté sa station devant la
grille. Winter se reprochait d’avoir été maladroit avec lui. Ce
n’était pas dans ses habitudes. Il devenait un autre homme. C’était
un accident. Comme il peut en arriver dans tous les métiers. Non,
rien à voir avec le boulot. Il traversait une crise. Pas du tout.
Il perdait juste patience de temps en temps. Il fut pris d’une
douleur soudaine. Elle le lâchait maintenant.
– Je ne sais pas, finit par répondre Aneta
Djanali. Je ne sais pas… si j’ai déménagé par exemple. (Elle eut un
rire.) C’est ce qu’on appelle être paumée, non ?
– Mon Dieu ! Je ne sais pas ce qui
nous arrive.
Winter garda le silence.
– J’ai… j’ai dormi chez une copine cette
nuit. En ville. Et je ne sais même pas pourquoi.
– Il ne s’est rien passé ?
– Avec Fredrik ? Qu’est-ce que tu veux
dire ?
– Est-ce qu’il s’est passé… quelque chose
de spécial ?
– Non, pas vraiment. Rien de précis. C’est
juste que… je ne sais pas. Vraiment pas.
– Qu’est-ce que vous allez faire
maintenant ?
Elle ne répondait pas. La porte s’ouvrit et
Ringmar apparut sur le seuil.
– Je vais… nous allons en parler ce soir,
fit-elle.
– C’est à croire qu’on avait rangé en
prévision d’une absence de longue durée, déclara Ringmar.
– Je ne suis pas très sûr de comprendre,
répondit Winter.
– Comme si Sellberg avait prévu de partir.
Pour un long voyage.
– C’est bien ce qui s’est passé d’une
certaine façon.
Ademar ouvrit avant même qu’ils aient eu le
temps de frapper à la porte.
– Je vous ai vus arriver.
Il avait devant lui Winter et Aneta. Ringmar
était retourné au commissariat.
– Je vous prie de m’excuser pour ma
brusquerie de tout à l’heure, fit Winter.
– Pas de problème. Ça ne doit pas toujours
être facile de faire votre travail avec des badauds dans les
pattes. Je vous en prie. (Il s’écarta pour les laisser pénétrer
dans un grand hall.) Vous pouvez poser vos vêtements sur la
chaise.
Il les fit entrer dans un salon dont les
fenêtres s’ouvraient sur la rue.
– Asseyez-vous. Je vous offre du café,
autre chose ?
– Non merci, répondit Aneta Djanali.
– Vous étiez poussé par la curiosité ?
demanda Winter.
– Euh… vous voulez dire, tout à
l’heure ? Non, pas vraiment en fait.
– Avez-vous vu ou entendu quelque
chose ?
– Quand ça ?
– N’importe quand.
– Non.
– Je n’ai rien vu depuis la fois où je me
suis fait menacer par mon voisin.
– Racontez-nous.
Ademar raconta l’histoire, assez brève, elle
avait surtout un début et une fin.
– Pourquoi êtes-vous venus me voir ?
demanda-t-il ensuite.
Winter l’informa du meurtre avec beaucoup de
circonspection.
– Je n’en reviens pas, fit Ademar.
Aneta avait cru le voir pâlir pendant que Winter
parlait. Ç’aurait pu être moi, semblait-il penser.
– Est-ce vous ? l’interrogea
Winter.
– Comment ça, moi ?
– Qui l’avez tué.
– Pourquoi j’aurais fait une chose
pareille ?
– S’il vous persécutait. Vous aviez
peur.
– Je n’ai pas d’arme, répondit
Ademar.
Ce doit être sa méthode, raisonna-t-il. Rien
d’étonnant. J’espère que je n’ai pas l’air trop calme.
Le commissaire n’avait pas l’air content. Il
s’était présenté. On aurait dit qu’il avait mal quelque part.
Ademar le connaissait de réputation. Il l’avait déjà vu dans les
journaux, et même à la télé deux trois fois.
– Racontez-moi cette histoire de trafic
automobile devant la maison.
Ademar s’exécuta.
– Vous écrivez quoi ? continua
Winter.
– Pardon ?
– Vous êtes bien écrivain. Quel genre de
livres écrivez-vous ?
– Toute sorte de choses.
– Comme quoi ?
– Cela fait partie de
l’interrogatoire ?
– Non. Juste une question de
curiosité.
– Vous lisez beaucoup ?
– Moins que je ne le voudrais.
– Avez-vous déjà lu quelque chose de
moi ?
– Malheureusement non.
– Je ne fais pas dans le polar, sourit
Ademar.
– Et moi, je n’en lis jamais.
– Mon travail me suffit, répondit
Winter.
– Je travaille en fait sur quelque chose…
d’assez proche. Mais dans le genre documentaire, je pense. Je n’en
suis pas vraiment certain.
– Ah bon ?
– Une histoire qui s’est passée dans les
îles. Dans le sud de l’archipel. Ça remonte à trente ans.
– Tiens ?
– Il y avait une colonie de vacances,
l’été.
Winter hocha la tête.
– Vous la connaissiez ?
– Oui, la colonie de Brännö. Elle n’existe
plus.
– Il s’est passé quelque chose là-bas, fit
Ademar.
Il dépassa le marché, le café, l’hôtel. Le vent
venait de se lever, il soufflait du fleuve. La surface de l’eau se
ridait. Il tourna à la hauteur des docks et prit place dans la file
d’attente. Le Rapido était à l’approche, il serait à quai d’ici
quelques minutes.
Une fois à bord, il se retourna pour observer le
quai de Sörhall tandis qu’ils avançaient vers la city. Le soleil
éclairait les maisons côté ouest. On aurait dit une autre ville, un
autre pays. Un autre monde. J’ai appartenu à ce monde, songea-t-il.
Il n’y a pas si longtemps que ça. Maintenant, c’est du passé.
Impossible de faire machine arrière. Il y en a un autre qui le
sait. Je ne dois pas céder à la peur.
Le petit ferry accosta à Klippan. Il poursuivit
vers l’est, en longeant le terminal pour l’Allemagne. Ce soir, le
ferry de la compagnie Stena partirait pour Kiel, comme tous les
soirs. Il aurait pu être à bord. C’était le meilleur moyen de
s’enfuir. Mais ça ne servirait à rien. Ils le retrouveraient aussi
bien, avant même que le ferry ne soit arrivé au port. Il finirait à
la mer. Il était à l’eau de toute façon. Noyé.
Il remonta la rue Karl Johan. Cela faisait un
moment qu’il n’était pas revenu dans les parages. Mais les choses
n’avaient guère changé. Quelques commerces avaient fermé, d’autres
avaient ouvert. La place Chapman était couverte de brique et de
béton comme avant. La même bibliothèque. Ouverte. Il entra et
dépassa le bureau d’accueil. Aucune des deux bibliothécaires ne lui
prêta attention. Il aimait autant. Il aurait autant aimé
disparaître aux yeux du monde. Le rayon presse était toujours au même endroit. Il se mit à lire.
Sur son propre cas. Pas grand-chose. Ils ne savaient pas
grand-chose. Personne, en fait. Comment aurait-on pu ? Il
avait peut-être aussi la réponse à cela. Il rangea le journal et
quitta l’établissement. Il y avait plus de restaurants qu’avant sur
la place, bien plus. À l’un des angles, une cabine téléphonique. Il
avait espéré qu’elle serait encore là. La seule qui restait dans
cette ville. Il entra et constata qu’elle fonctionnait toujours. Il
composa le numéro, patienta au standard. Une voix de femme lui
répondit.
– Je voudrais parler au commissaire Erik
Winter.