Elle les avait vus débarquer. Il leur avait fallu du temps pour amarrer le bateau à moteur. Le vent soufflait un peu plus fort, les vagues argentées s’écrasaient sur la coque.

Elle en reconnut deux.

Elle se rappelait son nom, à celui-là. Il était plutôt mignon. Il lui décocha un sourire. Étincelant, comme la surface de l’eau. Un éclair. Un éclair dans un ciel bleu, songea-t-elle. Le ciel était d’une pureté incroyable et d’un bleu plus foncé qu’une heure auparavant.

Ils étaient maintenant devant elle.

Celui qui l’avait accompagnée jusque-là commença à descendre vers le bateau.

– Ohé ! fit-elle.

Il ne se retourna pas.

Elle s’apprêtait à le suivre.

– Attends un peu, dit le beau gosse.

– Comment ça ?

Aucun des autres gars ne bougeait. Lui, il lui avait fait un signe d’interdiction avec la main. Sans la toucher. Mais ce bras tendu, c’était une barrière invisible.

– Je ne veux plus rester là. J’ai froid.

– Il n’y a pas de quoi avoir peur, lui lança un autre.

– Peur de quoi ?

Aucun ne répondit. Elle voyait de dos celui qui descendait vers le bateau. L’engin était ballotté par les vagues. Le clapotis lui parvenait aux oreilles. Il y était presque maintenant. Elle aurait voulu le rejoindre. Quitter ce bout de rocher à bord du bateau. Partir aussi loin que possible de la Tête de Cheval, jusqu’à l’autre bout du monde. Il suffisait de continuer tout droit, on y arrivait vite à cette latitude.

Tout à coup elle comprit. Comment n’ai-je pas compris avant ? Je ne suis pourtant pas idiote.

Mais non, ce n’est pas possible. Non. Je les connais, ils me connaissent. Deux d’entre eux en tout cas. Je crois que j’ai déjà vu les autres. Ils sont passés à la colo. Pour l’un d’eux, j’en suis sûre. Il était venu réparer quelque chose, avec son marteau.

Elle regarda le beau gosse qui avait élevé la main. Il n’avait pas l’air méchant. Il avait toujours la main tendue, comme offerte à la tiédeur du vent.

L’un des autres gars fit un pas en avant. Il avait les cheveux blonds. C’était lui, le type au marteau. Il en tenait un dans la main !

Le beau gosse quitta sa position et lui saisit brutalement le bras comme avec une grosse corde.