22 h 15
Ils retournaient maintenant vers l’île. La
Grande Källö se dessinait sur sa gauche. Le soleil était encore
assez haut dans le ciel. Le soleil était encore là.
Elle voyait la colonie. On aurait dit une
prison, avec ses murs d’enceinte. Personne aux alentours. Ils
étaient tous rentrés se coucher. Envie ou pas, on n’avait pas le
choix.
Mais il y avait quelqu’un, debout, à l’extrémité
du ponton. De si loin, il ne pouvait l’apercevoir, ni la
reconnaître.
Elle pouffa de rire. D’un mouvement
irrépressible.
– Qu’est-ce qu’il y a ? fit celui qui
se tenait à l’avant.
Le bateau allait plus lentement maintenant, le
moteur faisait moins de bruit. On n’avait plus besoin de hausser la
voix.
Elle ne répondit pas.
Il regardait au loin du côté de la colo et du
ponton.
– Ils vont bientôt se mettre à ta
recherche, sourit-il. C’est l’heure d’aller au lit,
non ?
Elle garda le silence. Ils avaient dépassé la
colo, en débordant au large du grand rocher. Elle vit les pontons.
C’était là qu’elle aurait dû aller. Elle avait brusquement décidé
de prendre à droite au lieu de la gauche. Elle était montée
jusqu’au sommet. Cherchait-elle un autre chemin qui redescende
ensuite vers la baignade ? Est-ce qu’elle n’était pas déjà
passée par là ?
Et brusquement elle s’était retrouvée de l’autre
côté de l’île. La mer s’offrait à elle, elle pouvait aussi bien se
baigner là.
Il avait dit que c’était bien, plus bas dans la
baie. Derrière le ponton. Il n’y a pas de danse ce soir. C’est
tranquille.
Vas-y. Je te montrerai.
Et voici qu’elle se
retrouvait maintenant sur ce bateau. Ils dépassèrent le plongeoir.
Elle avait déjà plongé de tout en haut. On l’avait applaudie.
J’oserais jamais, avait soupiré l’un des petits. Jamais ! Mais
si, quand tu seras grand, lui avait-elle répondu. Elle se
considérait elle-même comme une grande. Ce n’était pas difficile, à
la colo. Il n’y en avait pas beaucoup, des grands, et ils étaient
plutôt gamins.
Sauf un.
Tout à coup, elle aurait aimé qu’il soit assis à
côté d’elle, sur le bateau.
Pourquoi ne lui avait-elle pas demandé de
l’accompagner, ce soir ? Il serait venu.
Le bateau reprenait maintenant de la vitesse.
Elle le sentait dans tout son corps. Il se dressa presque à moitié
hors de l’eau.
Et tout à coup, elle comprit qui elle venait de
voir sur le ponton.
C’était Christer.
Il la cherchait du regard.