30.
Winter passa deux fois devant la maison d’Edwards. Bien grande pour un homme seul. Ça n’avait peut-être pas toujours été le cas. Il était temps de le savoir.
Il se gara sur le trottoir. Aucune trace de la voiture. Il y avait un garage. Edwards avait pu la ranger à l’intérieur. Pourquoi avait-il dit qu’il ne désirait pas la récupérer ? Traumatisme post-vol ou autre chose ?
Winter sonna à la porte. La sonnerie résonna comme un gong. Il s’attendait à un bruit plus sec dans une maison de ce type. Il appuya de nouveau sur le bouton : un simple bouton en plastique, qui détonnait également.
La porte s’ouvrit. Edwards parut d’abord ne pas le reconnaître, mais en fait il regardait derrière son dos. Winter se retourna. Une voiture passait dans la rue, une Corolla. Il mémorisa le numéro d’immatriculation. Était-ce bien utile ? Il entrevit un homme et une femme, de profil, puis la voiture continua sa route en direction de l’école de Långedrag.
– Une connaissance ?
– Non.
Edwards ramena son regard vers lui.
– Que voulez-vous ?
– Vous auriez un moment ?
Le regard d’Edwards s’échappa de nouveau. Il n’errait pas, il cherchait une échappée.
– Non.
– Pardon ?
– Je n’ai pas le temps.
– Quelles obligations avez-vous ?
– Il faut que je m’en aille. Pour mes affaires.
Edwards était vêtu d’un short et d’une chemise de lin froissée. Il était pieds nus et mal rasé. Il sentait vaguement l’alcool, mais ne paraissait pas ivre.
– On arrête les conneries, déclara le commissaire. Tout le monde a du temps pour moi. Soit vous me laissez entrer et on parle un moment, soit vous me suivez au commissariat.
– Où ?
– Chez moi, bien sûr. Chez nous. Dans une salle d’audition du commissariat.
– Une salle d’audition ? Ça s’appelle comme ça maintenant ?
– Oui. Qu’en pensez-vous, Edwards ?
L’homme recula d’un pas. Winter franchit le seuil. Le hall était recouvert de plaques bleu clair. Sans doute un chauffage par le sol. Edwards n’avait pas l’air d’avoir froid aux pieds.
– Par ici.
Il fut invité à pénétrer dans une grande pièce qui communiquait avec la cuisine. Une porte-fenêtre donnait sur le jardin, pavé de dalles en pierre, sans guère de pelouse. Pratique quand on voyage beaucoup.
Edwards se tenait debout au milieu du salon. Son regard lorgnait vers le jardin, sans pouvoir accrocher un seul arbre, sur cette étendue minimaliste.
Winter sortit la croix, toujours enfermée dans son sac plastique. Il fit un pas en direction de son hôte et la souleva.
– C’est quoi, ce truc ?
Son regard avait du mal à se fixer sur la croix. Il fuyait encore.
– Prenez-la, fit Winter en la lui tendant. (Edwards la saisit d’un geste automatique.) Regardez-la bien.
Il l’examina, puis il dévisagea le commissaire.
– C’est quoi ?
– Je pensais que vous m’aideriez à le savoir.
– Désolé. Je n’en ai aucune idée.
Il chercha à rendre la croix mais Winter ne fit pas mine de la reprendre.
– C’est une croix.
– Oui, ça je peux le voir. Mais ce n’est pas ce que vous me demandez.
– Non.
– Qu’est-ce que vous attendez de moi ?
– Elle était dans votre voiture.
Edwards ne répondit pas.
– Nous l’avons trouvée à l’occasion d’un examen technique, ajouta le commissaire.
Edwards jeta hâtivement un œil sur la croix. Puis son regard parut filer à l’ouest, vers la mer. Elle n’était qu’à quelques centaines de mètres de distance à vol d’oiseau.
– Non, aucune idée de ce que c’est.
Il s’éloigna de quelques pas et posa la croix sur une table puisque Winter ne voulait pas la reprendre. À croire qu’elle lui brûlait les doigts. Il finit par mettre les mains dans les poches de son short.
– On a volé ma bagnole. Je suppose que l’un des voleurs l’a oubliée à l’intérieur.
– Il s’agit d’un ordre, déclara Winter.
– Comment ?
– La croix appartient à un certain ordre, l’ordre de Coldinu, représenté dans cette ville et qui est en rapport avec la mer.
– Ah bon ?
– Vous en avez déjà entendu parler ?
– Non.
– Vous n’êtes pas membre de l’ordre de Coldinu ?
– Pas que je sache.
Ça n’avait pas l’air d’une blague. Depuis le début, Edwards était bien loin de blaguer. Winter sentit qu’il récitait son rôle, des répliques toutes faites. Une impression qu’il avait déjà rencontrée dans sa carrière, quand la personne savait qu’il allait venir, ce qu’il allait dire, et demander.
– Vous en êtes peut-être sans le savoir, sourit-il. C’est une société extrêmement secrète.
– Vous vous moquez de moi ?
– Oui. Quelles sont vos relations à la mer, Roger ?
– Là, je ne comprends plus.
– La mer. Par là-bas. (Winter pointa la tête vers l’ouest.) Appartenez-vous à ce monde-là ? Faites-vous de la voile, par exemple ?
– Plus maintenant.
– Possédez-vous un voilier ?
– Non.
– Pourquoi avez-vous cessé de faire de la voile ?
– C’est quoi, cette foutue question ?
– Contentez-vous de me répondre.
– Pourquoi j’ai arrêté la voile ? J’en avais marre, c’est tout. Et vous, vous en faites ?
– Plus maintenant.
– Vous voyez.
– Quand j’étais jeune, j’ai pas mal sillonné le sud de l’archipel, poursuivit le commissaire. Nous avions une maison sur Styrsö.
Il fit une pause. Il n’était pas sûr qu’Edwards l’écoute. L’homme paraissait guetter autre chose. Comme si quelqu’un d’autre se tenait dans la pièce et lui parlait. Il entendait des voix ? Il dégageait presque de la démence : c’était cette lueur étrange dans ses yeux.
Elle s’était accentuée quand Winter avait mentionné le sud de l’archipel. Et son regard était retombé au sol. Un plancher de sapin bien poncé. Sûrement doux et chaud sous les pieds d’Edwards.
– Vous n’avez aucune attache avec l’archipel, Roger ?
Il ne répondit pas, se contentant de secouer la tête, tout en gardant les yeux rivés au sol. Étrange.
– Jamais vous n’en avez eu ?
Edwards releva les yeux. Il réfléchissait visiblement à ce qu’il devait répondre. Ce n’était pas aussi simple que « oui » ou « non ». Mais l’étrange lueur n’avait pas disparu de son regard.
– Je… je n’en ai jamais eu.
– De quoi parlez-vous ?
– C’est vous qui m’avez posé la question. Sur l’archipel.
– Vous aviez l’air d’hésiter.
– On oublie parfois. On ne peut pas se rappeler de tout.
– Qu’avez-vous oublié ?
– Quelle question ? On ne peut pas se rappeler ce qu’on a oublié, non ?
– Si, ça peut arriver, répondit Winter. Il peut arriver un moment où tout vous revient à la mémoire.
Edwards garda le silence. Il sait de quoi je parle, comprit Winter. Eh oui ! Il a fait partie de la bande. Dans son passé, il y a cette histoire-là.
Edwards avait l’air de souhaiter passer au travers des lames de son parquet maintenant. Son corps était voûté, comme s’il n’avait plus la force de se tenir droit. Ni de vivre ou de respirer, songea Winter.
– Brännö, fit-il.
Il ne put saisir le regard d’Edwards : il avait glissé sous le plancher. Winter doutait qu’il puisse refaire surface.
– Vous avez une quelconque relation avec Brännö ?
L’homme resta d’abord sans réaction, puis il secoua la tête. Tout à coup Winter voulut entendre sa voix. Elle avait changé depuis le début de l’entretien. De l’audition. Elle avait baissé, jusqu’à s’éteindre ou presque. Elle était partie ailleurs.
Winter l’avait déjà entendue.
Il sentit subitement un frisson lui parcourir le corps :
– Parlez-moi de Brännö.
– Laissez-moi tranquille ! s’écria Edwards.
Ce dernier n’avait toujours pas relevé les yeux. Il paraissait fin prêt pour la camisole, mais il ne bougeait toujours pas d’un cil. Et sa voix avait monté au lieu de descendre. Je suis allé trop loin, conclut le commissaire. Il va falloir faire demi-tour.
Il prit place sur le sofa, lequel devait provenir de chez House. La table aussi. Edwards avait de l’argent. Ou du moins, il en avait eu.
Il releva les yeux.
Il paraissait avoir retrouvé son calme. Retrouvé son état aux trois quarts mort.
– Excusez-moi.
– Vous êtes tout excusé. Ce n’est pas évident de tenir face à mes questions. Mes réflexions, devrais-je dire.
– C’est juste un petit coup de fatigue.
– Vous ne vous attendiez pas à cette visite, continua Winter. Au fait, où avez-vous garé la voiture ?
– Quoi ?
– Votre voiture, où est-elle ?
– Je l’ai vendue.
– D’accord.
– Je me débrouille très bien sans véhicule.
– Vous n’avez aucune idée de la personne qui a pu vous la voler ?
– Non.
– Que faisiez-vous ce matin-là ?
– Quel matin ?
– Le jour où elle a disparu, où mon collègue l’a retrouvée sur le pont d’Älvsborg.
– Je l’ai déjà raconté.
– J’avais oublié, sourit Winter.
– J’ai fait un petit tour dans le quartier. Ça m’arrive quand j’ai du mal à dormir.
Winter écoutait sa voix, la mélodie de sa voix, pour ainsi dire. Il ne la reconnaissait plus. Ça n’avait duré que l’espace d’un instant. Et puis, ça avait disparu. Ça n’avait peut-être jamais existé.


Son portable retentit tandis qu’il roulait vers le centre-ville. Il répondit. Il reconnaissait bien cette voix-là.
– On peut se voir quelque part ? lança Benny Vennerhag. Un endroit où j’aie pas la honte.
– Honte de quoi ?
– Ce serait con d’être vu avec toi dans un lieu public. Les gens se font vite des idées.
– Quelle sorte de gens ?
– Les Suédois, bien sûr. Tiens, je connais un endroit.
***
La pointe de Smithska. Winter se gara sur un parking désert. Il se dirigea ensuite vers le hangar qui faisait office de café pendant la belle saison. Un vélo de course, plutôt stylé, flambant neuf, était accoté au vieux mur de planches. Accroché au guidon, un casque à vélo rouge métallique.
Derrière le bâtiment, Vennerhag était assis, le visage offert au soleil, le dos appuyé contre le mur. Il était serré dans un justaucorps de cyclisme. À côté de lui, un sac de cuir souple. Il sourit à l’approche de Winter :
– C’est l’heure du goûter ! fit-il en se penchant vers le sac.
– Tu n’as vraiment pas l’air d’un homme pressé.
– Simple question d’organisation, Erik. Et puis, c’est calme en ce moment. (Vennerhag souleva un sachet.) J’ai acheté des mazarins et de la brioche viennoise. Tu n’es pas obligé de choisir entre les deux.
Winter garda le silence. Il s’assit à côté de Vennerhag sur un pliant. La porte du hangar était ouverte. Un petit trousseau de clés pendait à la serrure. Les sièges devaient venir de là. Si c’était le nouveau business de Benny, c’était calme pour le moment.
Vennerhag soulevait un thermos design.
– Café latte.
– Ça peut donner quelque chose ?
– Le progrès n’a pas de fin.
Il sortit deux mugs de porcelaine blanche et les plaça sur un plateau taché qui devait également sortir du hangar. Les mugs, eux, venaient de chez NK. Un contraste très tendance.
– Quel progrès, Benny ? Tu as quelque chose pour moi ?
– Du café et des gâteaux. (Il déposa les gâteaux sur le plateau.) Je t’en prie, mon cher. Dommage qu’on n’ait pas un nègre pour tenir le plateau.
Winter ne put s’empêcher de rire :
– Bon sang, Benny, tu auras beau faire des efforts pour avoir l’air stylé, le beauf n’est jamais loin.
Vennerhag desserra le couvercle de la bouteille thermos, sans réagir au commentaire.
– Tu devrais te mettre au vélo, Erik.
– J’en fais presque tous les jours quand le temps le permet.
– C’est pas une question de temps. T’as quoi, comme vélo ?
– Je ne m’en rappelle pas. Un Crescent, je crois, à trois vitesses. Dix ans d’âge.
Le gangster fit claquer sa langue contre son palais. Il dévissa le bouchon intérieur et versa le café dans les tasses. Le liquide était brun clair. Mulâtre, se dit Winter.
– Je vais te dénicher une vraie bécane, Erik. Tu peux pas garder cette merde. T’as vu la mienne. C’est ça qu’il te faut.
– Non merci.
– Allons !
Il tendit une tasse à Winter.
– Si tu continues, je ne vais même plus pouvoir accepter ton café, fit-il en prenant la tasse.
– T’as besoin d’exercice, Erik.
– Tu veux bien arrêter de m’appeler Erik ?
– C’est ton prénom, répondit Vennerhag, sans se laisser démonter. (Il avala une gorgée.) Aaah ! Il est resté bien chaud. Prends du sucre. Là. (Il pointa la tête vers le plateau, releva les yeux et lança un sourire à Winter.) Le vélo, y a rien de tel. Tu commences à bouffir.
– Tu veux mon poing dans la gueule ?
– C’est pas si grave, je voulais pas te vexer. Mais quand on prend de l’âge, ça fait du bien de bouger.
Je pourrais lui montrer que j’ai gardé de la pogne, se dit Winter, mais ce serait puéril. Et puis il a raison. Je ne peux pas continuer à marcher au vin et au whisky. Whisky et vélo, ça ferait une bonne combinaison, d’abord un verre, ensuite un coup de pédale.
– Qu’est-ce que tu as pour moi, Benny ?
Il but une gorgée de café. Pas mauvais.
– On parle d’une sorte de contrat.
– Un contrat ? Tu parles bien de meurtre ?
– Oui.
– C’est quoi ce bruit ?
– Un bruit, tu vois ce que c’est un bruit.
– Ça peut avoir un certain fondement. Tes bruits à toi, ils viennent d’où ?
– Tu ne penses quand même pas que je vais te répondre ?
– Et qu’est-ce qu’on dit ?
– Que le meurtre de ce… Sellberg, c’était sur commande.
– De qui ?
– Moi pas savoir.
– Et qui l’a fait ?
– Moi pas savoir.
– Qui peut savoir ?
Vennerhag reprit une gorgée. On était bien au calme contre ce mur. Il régnait un silence impressionnant, jusqu’à ces dernières minutes : un bruit de marteau commençait à se faire entendre derrière la butte rocheuse. Quelqu’un qui retapait sa maison de campagne. Un certain nombre de cabanons s’étaient discrètement transformés en villas. Les services municipaux ne s’aventuraient pas jusqu’ici pour contrôler ce genre de choses. Benny Boy possédait peut-être déjà toute la pointe de Smithska. La pointe noire.
– Est-ce que ça aurait un rapport avec la voiture sur le pont d’Älvsborg ? reprit le commissaire.
– Moi pas savoir.
– Arrête de faire le con !
– Calme-toi, Erik.
– Un contrat. Pourquoi ? Pourquoi commanditer le meurtre de Sellberg ?
– C’est pas rare.
– Si. Dans mon monde, si, Benny Boy. On tue rarement avec préméditation. Dans ton monde, c’est sûrement différent.
– On vit dans le même monde, Erik.
– Ta gueule.
Benny avait raison, bien sûr.
– Tu ne manges pas ta brioche, Erik ?
– Est-ce qu’il y a d’autres contrats en cours ?
– Possible.
– Possible ? Là, tu commences à m’intéresser.
– C’est juste un bruit.
– Le nouveau contrat aurait un lien avec le premier ?
– Je ne sais pas, Erik.
– Tu peux essayer de te renseigner là-dessus ?
– Trop dangereux. J’ai déjà pas mal questionné à droite à gauche.
– Dangereux ? Pour toi ?
– Ouais.
– J’ai du mal à le croire.
– Ce que je te dis, ça vient de… sources proches des gros bonnets.
– Comment ça, les gros bonnets ?
Vennerhag prit son mazarin, l’examina, et finit par le reposer.
– À côté, je suis qu’un petit joueur, crois-moi, Erik.
– Tu parles de stups, Benny ?
Vennerhag garda le silence, ce qui en soi constituait déjà une réponse.
– C’est dans ces cercles qu’on a dressé un contrat ?
– Je ne sais pas si c’est précisément dans ces cercles. Mais l’info vient de là.
– De qui ?
– Comment ça, de qui ? Je ne vends pas mes sources, tu le sais, bordel !
– Elles tournent autour de qui, ces infos ? Quel gros bonnet ? Le plus gros ?
Silence.
Winter reposa sa tasse. Il l’avait gardée longtemps à la main. Un muscle de son bras tressaillit. Il faillit la lâcher.
– Benny, je ne te demande pas de me dévoiler ta source. Ni qui a dressé le contrat. Ou qui…
– Je ne sais pas. Et je ne veux pas savoir.
– Non. Mais je voudrais savoir quel nom se trouve là-dessous. Il doit y en avoir un. Un nom innocent.
Vennerhag éclata d’un rire bien sonore dans le calme et le silence environnants. Les coups de marteau s’étaient arrêtés depuis un moment. Ils auraient pu se trouver sur la pointe la plus isolée du monde. Le même monde pour tous les deux.
Pour la première fois, Vennerhag manifesta une certaine nervosité. Il mordit dans sa brioche et commença à mâcher sans paraître lui trouver aucun goût. Quant à Winter, il n’avait pas le moindre appétit, sans compter que le latte avait dû refroidir. Une gorgée ou deux, ce n’était pas assez pour qu’il y ait corruption de fonctionnaire.
Le gangster avala sa salive.
– Pas besoin que je te donne un nom, Erik. Tu peux trouver tout seul.
– Il y a pas mal de noms dans ce monde, Benny.
– Beaucoup trop.
– Tu en fais partie ?
– Bordel, Erik !
– Tu m’as l’air de bien circuler dans ces eaux-là.
– Je regrette d’avoir pu te donner un coup de main. Et d’être venu ici. (Vennerhag versa le reste de son latte sur l’herbe.) Salut.
– J’apprécie ta collaboration, Benny.
– Et tu me remercies en me traitant de baron de la drogue ?
– Je n’ai jamais dit ça.
– C’était sous-entendu.
– Je retire ce que j’ai dit. Tu fais partie des gentils dans ce monde-là, Benny. Sinon, je ne serais pas en train de discuter avec toi maintenant. On a quelque chose en commun, toi et moi, que n’ont pas les autres.
– Elle est bien bonne !
– On peut peut-être les coincer cette fois-ci.
– Comment ?
– À cause du contrat.
– Ça n’a rien à voir avec la came.
– Ah bon ? Qu’en sais-tu ?
Vennerhag ne répondit pas. Encore une réponse.
– Et ce baron, qui est-ce ? continua Winter.
Le regard de Vennerhag s’échappa par-dessus la butte. Winter voyait le sentier qui menait à l’estacade. Un certain nombre de gens faisaient du naturisme. Il n’était jamais allé là-bas. Le naturisme, ça le dépassait. Les coups de marteau reprirent, plus régulièrement, comme si le menuisier avait fini par trouver son rythme.
– Tu as parlé avec Lotta ? demanda Vennerhag, le regard toujours rivé sur la paroi rocheuse.
– Oui.
– Alors ?
– Elle ne veut pas revenir sur le passé.
– On n’est pas obligé de le laisser entièrement derrière soi.
– Laisse tomber, Benny. Va de l’avant.
– Je ne suis plus le même, Erik. Tu le sais. Tu le vois. Je ne te parle pas seulement de ma ligne. Si seulement elle acceptait de me voir. Si je pouvais lui parler juste cinq minutes. Tu sais que je l’ai jamais appelée. Pas une seule fois. Je pourrais le faire. Mais je m’abstiens.
– Je ne peux pas l’obliger, Benny.
– Demande-lui encore une fois.
– Ce serait inutile.
– Juste une fois.
– Qu’est-ce que tu veux que je lui demande ?
– Si je peux l’appeler. Juste deux trois minutes. Quelques mots. Si ça ne marche pas, j’en parle plus. J’arrête et j’oublie. (Vennerhag se pencha en avant. Le justaucorps lui serrait les épaules, comme une seconde peau. Noire.) Tu sais que je tiens parole. Qu’est-ce qu’elle risque ? Juste deux trois mots.
– OK. Je lui demanderai. Mais ce sera la dernière fois. Et peut-être qu’elle ne voudra plus me parler après ça.
– Elle peut quand même pas renier son frère ?
– Je lui demanderai.
Vennerhag hocha la tête, puis il se leva.
– Tu ne goûtes pas une seule de ces délicieuses pâtisseries ?
– Trop sucré, Benny.
Winter se leva de son siège.
Vennerhag replia sa chaise et la remit dans le hangar. Winter suivit son exemple. Il flottait encore à l’intérieur un parfum de l’été passé. Le vrai été, non pas cet été indien. L’été passé. L’enfance.
Ils ressortirent. Vennerhag se retourna vers lui :
– Tiger, fit-il. Christer Tiger.
Presque mort
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