La grande fresque cosmique de nos origines, source d’inspiration et de sagesse

Je l’ai dit plus haut, le savoir scientifique est incapable de nous indiquer comment mener notre vie, comment alléger nos souffrances et celles d’autrui. Il ne nous aide pas à prendre des décisions morales et éthiques. La science n’engendre pas directement la sagesse. Mais je pense qu’elle peut être une source d’inspiration pour nous permettre de regarder le monde autrement et d’agir de manière plus juste.

Savoir que nous sommes tous des poussières d’étoiles, que nous partageons la même histoire cosmique que les gazelles et les roses, que nous sommes tous connectés à travers l’espace et le temps, ne peut qu’induire une conscience aiguë de notre interdépendance. Celle-ci engendre à son tour la compassion, car nous nous rendons compte que le mur dressé par notre esprit entre « moi » et « autrui » est illusoire, et que notre bonheur dépend de celui des autres. La perspective cosmique et planétaire que nous offre la magnifique fresque historique de nos origines souligne aussi la vulnérabilité de notre planète et notre isolement parmi les étoiles. Elle nous fait prendre conscience du fait que les problèmes de l’environnement qui menacent notre havre, dans l’immensité cosmique, transcendent les barrières des origines ethniques, des cultures et des religions. Les poisons industriels, les déchets radioactifs et les gaz responsables de l’effet de serre nous affectent tous, par-delà les frontières nationales.

La diffusion de ce magnifique « tronc commun » de la connaissance pourrait susciter une mondialisation, non pas agressive – celle d’un peuple puissant exploitant économiquement et militairement d’autres peuples plus démunis –, mais pacifique. La mondialisation économique qui a fait que le monde entier soit interconnecté par un réseau de communication de plus en plus performant devrait favoriser une telle globalisation du savoir scientifique. Ce processus pacifique devrait permettre aux citoyens du monde entier de partager un horizon commun. Il tracerait un trait d’union et nouerait un dialogue entre les hommes des cultures les plus diverses. Il développerait en nous le sens d’une responsabilité universelle, et nous encouragerait à unir nos efforts pour résoudre les problèmes de la pauvreté, de la famine, de la maladie, entre autres fléaux qui menacent l’humanité. Il aboutirait à un humanisme universel, gage de paix.

Si la science nous apporte des informations inestimables, elle a peu à voir avec notre progrès spirituel. De son côté, la spiritualité – le bouddhisme dans mon cas – a pour objectif notre transformation intérieure, et cela dans le but de penser et d’agir juste et de développer en nous le sentiment de compassion afin que nous puissions aider les autres.

Le but de la science est fondamentalement l’étude et l’interprétation des phénomènes, alors que pour le bouddhisme, l’approche contemplative doit provoquer en nous une transformation personnelle profonde en termes de perception du monde et d’action sur lui. Le contemplatif, en comprenant la vraie nature du monde physique, en réalisant que les objets n’ont pas d’existence intrinsèque et que leur nature est interdépendante, se détache d’eux, ce qui allège sa souffrance et lui permet de progresser sur la voie de l’Éveil. Pour sa part, le scientifique, parvenu à la même compréhension, se contente généralement de la considérer comme un progrès intellectuel stimulant, mais sans remettre en cause ni sa vision profonde du monde ni sa manière de vivre La science a démontré qu’elle pouvait agir sur le monde, mais en soi elle ne peut guider l’utilisation qu’on en fait. Seule la spiritualité est à même de jouer ce rôle. Elle n’est pas un luxe, mais une nécessité.