44

Sam hésitait à entrer dans la limousine noire. Une fois assis dans une voiture, recevoir une balle dans la tête était chose facile.

— Monsieur Verner, asseyez-vous à côté de moi, je vous en prie. Les affaires ne se discutent pas sur un trottoir.

Sam se passa une main dans les cheveux. A ce signal, Fantôme démarra sa Rapier. Il était près à suivre au cas où la rencontre tournerait au kidnapping.

Verner se glissa dans la limousine, qui démarra aussitôt.

— Vous êtes monsieur…

— … Enterich, dit l’homme en tendant la main.

Sam avança la sienne. Il s’immobilisa en voyant la bague de son interlocuteur. Elle représentait un dragon. Haesslich en portait une semblable quand il adoptait l’apparence de Drake.

— Vous admirez ma bague ? Jolie, n’est-ce pas ? Un bijou de famille qui remonte au quatorzième siècle. Ce sont les armes de mes ancêtres, des gens plutôt flamboyants…

— Les armes de vos ancêtres ? répéta Sam.

— Bien sûr. En allemand, Enterich veut dire dragon

Sam émit un gloussement nerveux.

— Vous croyez au destin, monsieur Verner ?

— Oui, mais c’est récent. Pourquoi cette question ?

— Votre réaction à ma bague, puis à mon nom… Vous pensez peut-être que c’est un signe… Ce serait une réaction normale, avec tous ce fatras magique qui revient à la mode.

— Non, je n’ai vu aucun signe lié à votre bague, ou à votre nom…

Sauf que tu pourrais bien être un dragon, mon salaud !

— Quel plaisir de traiter avec un esprit fort. Les choses seront sans doute plus simples… Que voulez-vous à Lofwyr ?

— Avant d’entrer dans le vif du sujet, puis-je appeler mes associés pour les rassurer ? Ils s’inquiètent sûrement…

— Je comprends, monsieur Verner. (Il se tourna vers la jeune femme assise à côté du chauffeur :) Karen, le téléphone…

— J’ai ce qu’il me faut, merci, fit Sam en se tapotant le crâne. Un implant céphalien…

— Je vois… Karen, désactivez le brouillage, je vous prie. M. Verner possède son propre matériel.

Sam inclina la tête, le menton touchant sa poitrine. Il avait vu agir ainsi de vrais porteurs d’implants télécom

Il se concentra pour entrer dans le plan astral.

L’effet fut immédiat. Ouvrant les yeux, il regarda Enterich. A sa grande surprise, celui-ci avait toujours l’apparence d’un homme.

Mon pouvoir diminue ?

Pour vérifier, il s’intéressa à la nommée Karen. A sa place, il vit Jacqueline, la sasquatch qui lui avait sauvé la vie. Le chauffeur était un ork tout ce qu’il y de banal…

Sam réintégra son corps.

— C’est fait, dit-il.

— Alors que voulez-vous à Lofwyr ? Des reproches à lui faire, peut-être ?

— Il savait que Drake et Haesslich sont la même personne. Vous aussi, vous le savez. Sinon, pourquoi ces allusions, tout à l’heure ?

— C’est juste. Nous savions. Mais vous deviez le découvrir seul…

— Et maintenant, nous faisons quoi ?

— A vous de décider. Lofwyr ne s’impliquera pas davantage…

— Il espère que je démolirai Haesslich tout seul ? Il a peur et il voudrait que j’aille au combat la fleur au fusil ?

— Ne dramatisez pas, monsieur Verner. Lofwyr n’entend pas vous abandonner. Quand vous aurez un plan, contactez-moi. S’il semble raisonnable, nous vous aiderons. Discrètement, bien sûr.

— Quel genre d’aide ?

— L’équipement, les armes et l’argent vont de soi, sauf si vos demandes sont excessives. Et si vous voulez de la main-d’œuvre, ne vous gênez pas. En attendant, ma secrétaire, Karen Montejac, vous servira d’agent de liaison… Sam regarda la magicienne sasquatch.

— Je peux couper le Mont et vous appeler Jac, dit-il.

— C’est une idée charmante, monsieur Verner…