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Hart attendait près de l’enclos des cocatrix. Les animaux dormaient encore. Il était très tôt et Katherine serait volontiers retournée au lit. Haesslich les avait convoqués, elle et Tessien, pour vérifier le système de sécurité des docks d’United Oil. Il n’avait pas donné d’autre raison…

Le serpent à plumes était trop gros pour entrer dans le bâtiment. Hart et lui s’étaient donné rendez-vous à l’extérieur.

Tessien arriva. Il se posa en soulevant son nuage de poussière habituel. Il semblait aussi grognon que Hart.

Une belle journée en perspective, songea la shadowrunner.

Le dracomorphe jeta un coup d’œil dans l’enclos.

— Elles sont droguées…

— Tu dis ?

— Les bêtes, dans l’enclos. Leur sommeil n’est pas naturel.

Tessien détestait donner des explications. Katherine n’insista pas.

Elle ne voyait pas pourquoi United Oil aurait drogué ses cerbères volants. Il avait dû se passer quelque chose ; Haesslich voudrait sûrement savoir quoi. Prévenir son désir serait une bonne idée. Le dragon appréciait le zèle.

Hart fut arrachée à ses pensées par l’arrivée du major Fuhito flanqué de trois hommes de la sécurité. Fuhito affichait une mine grisâtre. Son uniforme, d’habitude impeccable, semblait avoir traîné dans une poubelle.

— Lui aussi a été drogué…, souffla Tessien à sa partenaire.

Hart salua Fuhito puis lui fit signe de la suivre. Ils s’éloignèrent des gardes.

— Eh bien, Fuhito, tu te confies à moi, ou tu préfères attendre Haesslich ?

— De quoi parles-tu, Hart ?

— De l’intrusion de cette nuit, bien sûr !

— Comment sais-tu ?

— C’est mon travail, major. Tout savoir !

Fuhito se décomposa.

— Je n’ai pas nui à United Oil…, bredouilla-t-il.

— T’ai-je accusé ? Que voulaient les runners ?

L’hésitation du major avertit Hart qu’il allait lui mentir.

— Ils cherchaient Jarlath Drake.

C’était une demi-vérité. Le major cachait l’essentiel. Katherine eut un horrible soupçon.

— C’était qui, ces runners ? demanda-t-elle.

— Deux hommes. Un Indien cyber-modifié et un Caucasien avec datajack. Ils étaient aidés par un decker. Un certain Dodger…

Dodger… Le soupçon de Hart se confirma.

— Le Caucasien, c’était un blond aux yeux noisette ? Taille moyenne, enveloppé, datajack à la tempe droite, quatre petites cicatrices sur le dos de la main droite…

— Oui à toutes les questions, sauf pour le poids. Mon runner était mince. Ton suspect porte une barbe ?

Il n’en avait pas la dernière fois qu’elle l’avait vu. Mais la description collait. A vivre dans les ombres, Verner avait dû maigrir. La barbe pouvait être récente…

Qui d’autre que lui serait venu chercher Drake ici ? C’était une catastrophe ; Hart se maudit de n’avoir pas vérifié le travail du dracomorphe.

Sam Verner avait trop souvent échappé à la mort. La chance n’expliquait pas tout. Ce type jouait les crétins, mais il n’en était pas un.

Il y avait une autre possibilité, sinistre : Tessien pouvait avoir menti. Après le massacre, le long de la frontière de Tir, Hart n’avait pas douté une seconde de sa loyauté. Il ne pouvait pas l’avoir trahie…

C’était ce qu’elle avait pensé à l’époque. Après le fiasco de l’opération « panzer », elle n’était plus sûre d’avoir eu raison.

Désolée, Tessien, mais je ne croirai plus jamais un mot sorti de ta gueule…

Pour l’instant, le serpent à plumes et elle affrontaient un problème nommé Verner. Un problème urgent !

Elle remarqua que le major l’observait, surpris par son silence.

— Cher Fuhito, nous aurions tort de continuer à nous chercher querelle. Je ne dirai rien à Haesslich si tu me confies ce que tu sais de tes « visiteurs ». Avec moi, ton petit secret sera en sécurité…

Fuhito eut un sourire de prédateur. Hart comprit qu’elle ne devrait pas le croire aveuglément…