9

— C’est l’heure ?

— Non.

— Mais j’ai faim !

Katherine Hart lâcha un profond soupir. C’était bien d’elle, tomber sur un boulimique !

Malgré sa propension à l’impatience, plutôt rare chez ses semblables, Tessien était un dracomorphe. Ces créatures prétendaient descendre des mythiques dragons ; elles possédaient certains de leurs pouvoirs. Tessien appartenait à la variété des serpents à plumes, très répandus en Occident. Déplié, il mesurait près de vingt mètres. Depuis quatre ans, Katherine et lui travaillaient ensemble dans l’illégalité.

Elle lui faisait presque confiance.

Ils planquaient entre deux entrepôts, sur les docks d’United Oil, à San Francisco.

Leur mission ?

Faire avorter le raid d’une bande de shadowrunners dénoncés par un indic. Tessien adorait manger de l’homme…

— Hart, j’ai vraiment faim !

— Ferme-la ! J’entends du bruit…

— Ce n’est pas trop tôt !

Hart arma son Ingram Valiant.

Il va y avoir de l’action…

Tu parles ! En guise d’action, une projecteur géant s’alluma.

— Rendez-vous ! Vous êtes cernés !

Hart jeta son arme et avança. Tessien la suivit, grognon.

Une escouade de gardes d’Uni Oil…

— Qui êtes-vous ? demanda le chef.

Hart lut son nom sur son badge. Major Fuhito. Le second de Haesslich.

— Nous sommes avec vous, major…

— Personne ne m’a dit que j’aurais des « spéciaux » en renfort. Vous êtes des runners. J’aime mieux être à ma place qu’à la vôtre.

Katherine entendit un bruit d’ailes dans la nuit. Des ailes de dragon… Elle leva les yeux et sourit de soulagement. Leurs ennuis finissaient avant d’avoir commencé.

— Quel est le problème ? demanda le dragon occidental dès qu’il se fut posé.

Fuhito s’inclina, révérencieux.

— Haesslich-sama, nous avons découvert ces deux runners. Ils se prétendent de notre côté, mais vos ordres ne parlaient pas de soutien. Ces imbéciles croyaient m’avoir…

— Fuhito, je me demande pourquoi je te garde. Fais éteindre Ce projecteur et disparais de ma vue. Les runners peuvent arriver d’un moment à l’autre.

— Alors la femme et le serpent travaillent vraiment pour vous ?

— Bien sûr. Les visiteurs que nous attendons sont plutôt costauds. Trop pour toi, en tout cas. Comme je n’étais pas sûr d’être là…

— Vous auriez pu me prévenir.

Les yeux du dragon luirent de colère.

— Pardon, Haesslich-sama. Je ne mettrai plus en doute vos décisions, c’est promis…

— Au travail, triple buse !

Le major s’éloigna au pas de course.

— Excusez cet abruti, Hart, dit le dragon nommé Haesslich.

— Ce n’est rien… J’ai l’habitude.

— Très bien. Où en êtes-vous de l’opération… hum… principale ? Tout est arrangé ?

— On dirait bien… Le pigeon vole toujours, mais je suis sûre qu’il nous tombera dans le bec.

— Ça vaudrait mieux. Il faut tenir le planning, Hart. C’est essentiel !

Katherine perçut la menace dans le « ton » de la bête. Tessien siffla dangereusement ; elle le calma d’un geste.

— Quand je m’engage à faire un boulot, je le fais ! Inutile d’avoir peur.

— Je n’ai jamais peur…, gronda Haesslich.

Hart ramassa son pistolet-mitrailleur.

La nuit allait être longue…