Les portes du hangar s’ouvrirent lentement.
Le dragon attendait, ses écailles jaunes luisant dans le soleil du matin.
Quand les portes eurent coulissé, l’animal mythique plaqua ses grandes ailes contre son corp : elles étaient trop larges pour lui permettre d’entrer.
Katherine hart était impressionnée par la taille de la bête.
Les dragons occidentaux sont vraiment des colosses.
Katherine inclina poliment la tête tandis que le dragon avançait dans le hangar. Sans répondre à son salut, il se dirigea vers un tunnel obscur.
Il est d’une humeur de dogue…
Elle le suivit dans le tunnel ; une faible lumière brillait dans le lointain.
L’énorme queue de la bête, toute hérissée d’épines, battait de droite à gauche. Katherine s’en tint soigneusement éloignée.
Le dragon serait sans doute fort marri de la tuer : elle n’avait pas encore fourni les prestations pour lesquelles il la payait !
D’ailleurs le repentir de l’animal, même sincère, ne la laisserait pas moins morte.
Au bout du tunnel, dans une grande chambre naturelle, un homme attendait. Apercevant ses visiteurs, il fit une révérence :
— Je te salue, seigneur dragon… Nous sommes honorés de ta présence.
A voir ses vêtements, l’homme était un mage appartenant à quelque ordre ésotérique. Il devait occuper une position subalterne.
Le dragon ne daigna pas répondre.
Il continua d’avancer. Sa queue balaya l’air…
Vive comme l’éclair, Hart esquiva. Le mage, tout à ses salamalecs, ne vit pas venir le coup.
Tu n’es pas malin, mon vieux. Règle numéro 1 : « Toujours garder un œil sur le dragon. »
L’appendice caudal du monstre, arme redoutable s’il en fut, percuta le mage en pleine poitrine. Soulevé du sol, il alla s’écraser contre une paroi.
— Tu seras peut-être plus attentif la prochaine fois…
Aucun son n’était sorti de la gueule du monstre, mais Katherine savait que le mage, comme elle, avait entendu. Par leur mode d’expression, les dragons se situaient entre les ventriloques et les sorciers. Ils faisaient beaucoup mieux que la phonation, un peu moins que la télépathie.
Hart s’approcha du blessé. D’un coup d’œil, elle estima que les dégâts dépassaient ses compétences. Elle s’agenouilla, et posa une main sur le front du pauvre homme. Affaibli par la douleur, il laissa la volonté de Katherine le submerger.
Elle le plongea dans un profond sommeil.
Au moins, il ne beuglera plus…
Des pas retentirent derrière eux. Hart se retourna : d’après ses atours, l’homme qui approchait devait être le gourou de la confrérie.
Il n’accorda pas un regard à son compagnon agonisant.
— Tu es à l’heure, seigneur dragon. Nous sommes prêts…
— Docteur Wilson, j’espère que tout va bien se passer…
— J’en suis sûr… Les deux derniers prototypes étaient satisfaisants. Les facteurs de mutabilité se sont révélés justes. La stabilité est excellente. Nous n’avons aucune raison de penser que le processus a une lacune.
— J’espère bien qu’il n’en a pas…, dit le dragon, menaçant.
Wilson déglutit avec peine. Il puait la peur…
— Seigneur dragon, comprends mon propos, je t’en prie. Je suis un mage et un scientifique. D’expérience, je sais que les nouveaux processus posent souvent des problèmes. Ce projet s’est développé sous ton… hum… aile, et je suis sûr que le produit final te satisfera.
— Assez parlé ! Je veux voir.
— Bien sûr, seigneur dragon. Si tu veux bien me suivre…
Dans une salle attenante, Katherine et le dragon découvrirent un réservoir cylindrique d’environ deux mètres de haut. Des tuyaux transparents le traversaient ; ils véhiculaient un épais liquide blanc.
Wilson et cinq membres de sa secte firent cercle autour de l’appareil. Ils commencèrent à chanter en dessinant dans l’air des arabesques.
Je suis tombée où ? se demanda Katherine, soudain inquiète.
Le chant et les passes magiques cessèrent. Le ronflement d’un moteur se fit entendre.
Une pompe ! Ils vident le réservoir…
Quand tout le liquide fut aspiré, le réservoir s’ouvrit lentement.
La silhouette qui en sortit était humanoïde. L’être était nu, mais Hart ne distingua aucun organe sexuel ; sa peau était d’un blanc laiteux, comme le liquide qui circulait dans les tuyaux. La chair, étonnamment lisse, ressemblait à… une ébauche… comme s’il eût encore fallu la sculpter.
— Extraordinaire, n’est-ce pas ? jubila Wilson.
— Je n’ai jamais rien vu de pareil…, souffla Katherine.
— Concentrez-vous sur les données de l’expérience, Hart !
Elle détestait que le dragon utilise son nom devant des dingues. Néanmoins, elle obéit. Approchant d’un terminal, elle jeta un coup d’œil sur les « spécifications » du modèle. Il y avait de quoi faire pâlir un champion olympique.
— Du premier choix.
— Parfait !
Wilson laissa filtrer son soulagement.
— Je crois qu’il est temps, pour M. Drake, de lancer l’Opération Renégat.
Hart percevait l’impatience du monstre dans sa « voix »…