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— C’est le premier Thunderbird que tu vois ? Sam sursauta. Il n’avait pas entendu l’homme approcher. Même au ralenti, les moteurs du panzer avaient couvert le brait de ses pas.

Le nouveau venu était un Américain d’Origine vêtu comme un Anglo-Saxon pure race. Large d’épaules, fin de hanches, il portait un datajack à la tempe.

— C’est toi, Twist ?

Sam fit oui de la tête. L’homme lui tendit la main.

— Josh Begay, le dernier des Dinehs…

— Tu es navajo ? Ça fait loin de chez toi…

— Tu as l’air d’un bon gars, Twist. Reste poli, et tout ira bien.

A la flamme qui dansait dans ses yeux, l’interface était très susceptible sur la question raciale. Mieux valait le caresser dans le sens du poil.

— Ton panzer est superbe. Tu as deviné : c’est le premier que je vois ailleurs que sur un écran.

— Ceux des corpos sacrifient tout à la frime. Le mien est un engin de guerre. Armement lourd, « ultraléger », monoplace, moteur silencieux… J’y perds un peu de vitesse, mais la discrétion n’a pas de prix.

— La discrétion ? cria Sam. Avec un vacarme pareil ?

— Tout est relatif, mon gars. Une machine qui en a dans le ventre fait toujours un peu de bruit. Mais on ne m’entend pas venir à dix kilomètres à la ronde…

— Je vois… Cog m’a dit beaucoup de bien de toi. D’après lui, j’ai de la chance que tu sois libre….

— Cog est un bon intermédiaire, mais il a une langue de Blanc… Fourchue, tu piges ?

Sam se fendit d’un sourire. Son guide lui fichait la frousse.

— Quant à ta chance… Mon gars, je suis là pour le pognon. Si j’ai bien compris, tu n’en as pas, mais des copains à toi peuvent en allonger. Ça, c’est une véritable chance !

— Je ne comprends pas. Je croyais que j’allais travailler pour payer mon passage ?

— Pour sûr, que tu travailleras ! Cog m’a dit que quelqu’un t’appréciait assez pour avoir convaincu les patrouilles de Tir de fermer les yeux quand nous passerons la frontière.

— Pourquoi traverser Tir ? Passons plutôt par le Conseil Ute…

— C’est beaucoup plus dangereux… Mais ne t’en fais pas : avec tes protections, tout ira bien. Ensuite, on traversera le Conseil Salish-Shidhe, la Nation Sioux et le Conseil Algonkin-Manitou. Après ça, bonjour le Québec.

— Un beau voyage en perspective…

— Cog m’a averti que tu étais un marrant, homme blanc… Tu es armé ?

— Evidemment…

Dodger avait insisté. Il avait voulu lui donner un Ares Predator. Sam avait refusé. Finalement, ils s’étaient mis d’accord sur un pistolet Narcoject Léthé. L’arme tirait des fléchettes anesthésiantes.

Claybourne m’a suffi pour toute une vie…

— Alors embarque, Twist !

* * *

Postée sur le toit du hangar, Hart tentait d’espionner Verner et le runner.

Elle rabattit la capuche de sa parka et noua la cordelette. Elle n’aimait pas faire ça à ses cheveux. En la circonstance, c’était un meilleur choix qu’un sort d’invisibilité. Maintenir le flux de mana nécessaire au charme risquerait de la déconcentrer. Dans un combat à un contre deux, elle aurait besoin de toutes ses compétences…

Verner n’était pas bien dangereux, mais le type qu’elle avait vu arriver avait l’allure d’un runner expérimenté.

Voilà l’histoire de ma vie : prendre des risques calculés…

San Francisco n’était pas l’un de ses fiefs ; pour éliminer Verner, elle allait devoir improviser…

Elle entonna une incantation. Une brume se forma. Quelques secondes plus tard, le premier rat apparut, comme fasciné.

Rapide comme l’éclair, Katherine saisit l’animal. Emprisonné dans un étau, celui-ci émit un couinement désespéré.

Hart posa l’index de sa main libre sur l’arrière du crâne du rat.

Aleph ! appela-t-elle mentalement.

Quelque chose lui répondit à l’intérieur de sa tête.

Sers-toi de ce corps ! Va espionner ce qui se passe en bas…

Le rat cessa de couiner. Hart le posa sur le sol. Il leva ses petits yeux sur elle.

— Qu’est-ce que tu attends ?

La bestiole détala.

Katherine se concentra. Grâce au sortilège, elle allait voir avec les yeux du rat et entendre par ses oreilles. Aleph, son allié magique, avait pris le contrôle de l’animal.

Dans ce quartier de la ville, un rat faisait un espion très discret. Il y en avait tant que certains, pour survivre, avaient abandonné les égouts. On en trouvait partout, même sur les toits…

Aleph eut besoin de quelques minutes pour conduire l’animal au niveau du sol.

Katherine reçut les premières images de l’intérieur du hangar.

— Foutredieu ! jura-t-elle.

Le panzer était parti.

Libère le rat, Aleph. La chasse continue…