Jacqueline prit l’appel, notant que c’était la ligne réservée à Sam Verner. Il devait avoir découvert la véritable nature de son adversaire.
Avec deux jours d’avance sur mes prévisions…
Jacqueline activa le simulateur qui lui donnerait l’apparence de Karen Montejac, secrétaire de son état. Puis elle prit l’appel :
— Oui, monsieur Verner ?
Elle dut reconnaître que l’ancien corporatiste n’était pas un idiot. Il cacha très bien sa surprise d’être appelé d’entrée par son nom.
— Je voudrais parler à M. Lofwyr…
— Désolée, il n’est pas disponible. Voulez-vous laisser un message ?
— Non. Je veux lui parler en personne. Dites-lui que ça concerne notre accord.
— Vous voulez l’annuler ?
— Non, bien sûr que non. Je veux lui parler, voilà tout. C’est au sujet de Drake…
— Je vois…, dit Jacqueline, plus secrétaire modèle que jamais. Un de ses adjoints vous contactera. Ce soir, six heures ?
— Six heures… Oui, très bien.
— Parfait. Vous verrez M. Enterich.
— Mais vous ne savez pas où je suis…
— M. Enterich le sait. Je suis sûre qu’il répondra à toutes vos questions. Autre chose ?
— Heu, non…
— Alors, je vous souhaite une bonne journée, monsieur Verner…
Elle coupa la communication avant d’éclater de rire. Elle adorait se moquer des pigeons. Reprenant son sérieux, elle appela Lofwyr.
— Maître, Verner a appelé. Il a rendez-vous avec M. Enterich à six heures ce soir.
— Parfait…
* * *
Crenshaw hocha la tête ; Ridley défonça la porte d’un coup de pied.
Dans la chambre, un gros homme sauta hors du lit. Il était nu comme un ver. Son ventre adipeux balançait comme un énorme sac poubelle.
Ridley et Markowitz entrèrent les premiers. Ils découvrirent une petite Asiatique, figée de terreur. Ses chevilles et ses poignets étaient attachés aux montants du lit.
Ridley rattrapa le gros homme, qui tentait de s’esquiver.
— Pas si vite, l’ami. (Il saisit l’obèse par les cheveux et sortit ses lames digitales.) Tu ne vas pas partir avant qu’on ait fait connaissance ?
Il frappa plusieurs fois le type au plexus solaire. Puis il le poussa dans le couloir et lui fit franchir la porte d’un magistral coup de pied dans les fesses.
— Tu veux tes fringues ? dit-il, lançant un paquet de vêtements à sa victime, qui détala sans attendre. Bon sang, quel mec courageux !
— Tu n’étais pas obligé de faire ça, gronda Markowitz.
— Tu es sûr ? Tu as vu son dossier ? Un peu sadique, le client. Regarde la petite, sur le lit. J’ai pris des précautions, c’est tout. Il aurait pu blesser A. C.
— Tu es dingue, Ridley.
— Peut-être, mais pour me faire une fille, je n’ai pas besoin de l’attacher. Et toi, Marky ?
— Arrêtez, tous les deux ! dit Alice. On est là pour bosser. (Elle se tourna vers la fille :) Nous sommes venus te parler, Candy.
La fille se contorsionna pour tenter de défaire ses liens avec ses dents. Crenshaw la gifla.
— Du calme, ma poule…
— Je n’ai rien à vous dire… Ce client m’aurait donné 500 nuyens. Quand Alfie le saura, il vous le fera regretter…
— Qu’il essaye, ricana Ridley. J’adore découper les maquereaux en rondelles…
Il exhiba ses lames digitales. Crenshaw s’assit à la tête du lit.
— Candy, mon ami dit la vérité. Nous n’avons aucune raison de craindre Alfie. Ce serait plutôt le contraire… Si tu parles, tu lui éviteras bien des ennuis… Nous savons que tu as eu pour client un cadre corporatiste nommé Konrad Hutten.
Pas de réaction…
— Nous savons aussi que tu travailles pour Congenial Companions, qui a combiné ta liaison avec Hutten. Qui est ton chef, Candy ?
— Regarde dans les archives…
Crenshaw fit un signe de tête à Ridley. II s’approcha et passa une de ses lames sur la joue de la fille. Du sang coula…
— Réfléchis, Candy, ou ça va mal tourner…
— Va te faire foutre !
— Il ne faut pas être impolie, ma belle…
— Crève, vieille peau ! cria Candy.
Rapide comme l’éclair, Ridley lui entailla un poignet.
Le sang jaillit.
— Ridley ! cria Markowitz.
Il avança, mais il dut s’arrêter quand Ridley pointa ses lames sur sa poitrine.
— C’est du bizness, pauvre pomme ! Tu veux goûter à mes lames ?
Crenshaw les ignora.
— Candy, tu vas saigner à mort. C’est dommage, non ? Allez, dis-moi pour qui tu travailles…
— Vous me sauverez ?
— Bien sûr que oui. Alors, ce nom ?
— Aidez-moi d’abord !
— Non. Parle !
— C’est Hart, Katherine Hart ! Une garce d’elfe…
— J’ai déjà entendu ce nom… Tu aurais dû te mettre à table plus tôt, Candy. (Alice se leva.) Markowitz, détache-la et appelle un DocWagon.
Le détective obéit. Avant qu’il ait fini de la libérer, Candy s’évanouit.
— Tu n’avais pas besoin de la défigurer, Ridley…
— Ne t’en fais pas, ces filles sont pleines de fric. Un coup de chirurgie esthétique et elle sera comme neuve.
Le rire de Ridley retourna l’estomac d’Alice.
Il est fou à lier. Il faudra le surveiller…
Au pire, elle pourrait le charger de pourchasser Hart. Il y avait peu de chances qu’il l’attrape, mais au moins elle ne l’aurait plus sur le dos.