Le coéquipier de Ned se tenait près de la porte et jetait un coup d’œil dans le couloir quand Ned ouvrit les yeux. Grier sursauta lorsque Ned l’appela doucement.
— Merde, fit Grier en se détournant vivement de la porte.
Le fusil à pompe avait décrit un arc de cercle pour couvrir Ned. Grier abaissa le canon de son arme vers le sol.
— Tu m’as fait une peur bleue, murmura-t-il.
— Tu es ici depuis longtemps ?
— Environ deux minutes.
Ned se mit sur son séant et serra son fusil contre lui. Il avait beau s’y attendre, c’était toujours un choc de se trouver ici de nouveau. Vraiment ici. Avec son coéquipier.
La pièce empestait. La peinture s’écaillait sur les murs. La moquette était moisie. Le sol était jonché d’ordures, les murs couverts de graffitis. À certains endroits, ils avaient été dessinés à l’aide d’excréments, devenus marron terne en séchant. Un homme suçait un pistolet. Une femme, avec un cobra sortant de son vagin, tenait un cœur sanglant dans sa main. BOUFFE TON FLINGUE, était-il écrit sous le premier dessin. Sois CELUI QUE J’AIME, proclamait l’autre inscription. Un autre dessin représentait deux hommes, l’un se faisant sodomiser par l’autre. ENTRE COÉQUIPIERS C’EST LE SUPER-PIED, était-il écrit sous celui-ci.
— Est-ce que cet endroit est réel ? demanda Grier tandis que Ned se levait.
— Que veux-tu dire ?
Grier haussa les épaules, mal à l’aise.
— Je ne peux pas m’empêcher de penser que je perds complètement les pédales, répondit-il. Si je suis en train de rêver… comment puis-je savoir que je ne rêve pas que tu es ici avec moi ?
— Des gens meurent ici, déclara Ned, ensuite leurs corps sont renvoyés dans le monde d’où ils étaient venus. C’est réel, non ? Qu’est-ce qu’il te faut de plus ?
— T’as probablement raison. Bon, que faisons-nous maintenant ? Nous avons fait la preuve de ce que nous avancions, d’accord ?
Ned songea aux officiers supérieurs se tenant derrière la glace sans tain. Ils les avaient vus disparaître tous les deux. Maintenant ils le croiraient.
— Alors, on repart ? demanda Grier.
— Et on se réveille comment ?
— Hein ? Merde… tu veux dire que nous sommes coincés ici jusqu’à… quand, Ned ?
— Du calme, Ernie. Nous sommes ici. Nous avons fait la preuve de ce que nous avancions. Nous allons devoir attendre un moment, c’est tout. Autant en profiter pour inspecter les lieux.
Il était loin de se sentir aussi calme que le ton de sa voix le laissait supposer, mais le fait d’exposer la situation prosaïquement produisit l’effet escompté. Il vit que Ernie se détendait, recouvrait son sang-froid pour se comporter à nouveau en flic. Le changement chez son coéquipier aida Ned à refréner ses propres peurs.
— Où veux-tu que nous…
Ned leva une main, interrompant Grier au milieu de sa phrase. Grier pencha la tête de côté, écouta attentivement, puis il entendit à son tour. Il y avait quelqu’un dans le couloir. Qui s’efforçait de ne pas faire de bruit. Se déplaçait très prudemment.
— En piste, chuchota Ned.
Les deux hommes se dirigèrent vers la porte, fusils pointés, le doigt sur la détente.